Shadows – John Cassavetes – 1961

16. Shadows - John Cassavetes - 1961All that jazz.

    7.0   Dans un carton final, on apprend que le film auquel on vient d’assister est une improvisation. Aussi spontané paraisse-t-il, difficile d’y croire. Il doit forcément y avoir un peu d’écriture. Mais cette quête d’improvisation permet de faire éclore de purs moments de complicité, des regards, des rires, des cris, qu’on ne voit pas dans le cinéma classique. Pas comme ça du reste.

     Quoiqu’il en soit, on y ressent l’urgence, le tournage à l’arrache. On dirait un reportage sur le New York de la fin des années 50, sur sa pulsation nocturne notamment. Il s’agit du premier long métrage de John Cassavetes. Interprété par des inconnus, qui faisaient partie des élèves de ses cours de théâtre.

     On imagine bien le vent de fraîcheur que viendra faire souffler Shadows dans le cinéma américain. Très proche de ce qu’Adieu Philippine, A bout de souffle ou Hiroshima mon amour ont apporté chez nous. C’est comme assister aux prémices d’un cinéma nouveau.

     Shadows c’est l’histoire de Benny, Hugh & Lélia, frères et sœurs, partageant le même appartement. Le premier écume les bars et les rues de Greenwich village avec sa trompette, le second tente de devenir chanteur de jazz aidé par un ami impresario et la troisième voudrait être écrivain.

     Le film capte leur quotidien incertain et tout particulièrement celui de Lélia, qui s’apprête à coucher pour la première fois, avec un blanc, qui réagit mal aux origines afro-américaines de la jeune femme. Une grande scène d’amour ordinaire est suivie d’une grande scène de racisme ordinaire. Shadows c’est aussi un grand film sur la crise identitaire.

     Et pourtant tout ici est ou semble capté sur une pure improvisation du récit et des acteurs, accompagné par la musique de Charlie Mingus elle aussi improvisée, côtoyant à merveille le cinéma de Cassavetes.

     Ce film m’avait marqué (il y a quinze ans) mais il ne m’en restait que des bribes. Pas étonnant tant c’est un film en train de se fabriquer, le film d’un cinéaste qui se cherche, qui s’invente, déjà passionnant et qui dès Faces, quelques années plus tard, enchaînera les merveilles, de liberté et d’avant-garde.

     Rétro partielle (je pense revoir sept films) à venir, d’autant que je suis présentement en train de lire l’ouvrage consacré à John Cassavetes écrit par Thierry Jousse.

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