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Archives pour septembre 2024

Jurassic park – Steven Spielberg – 1993

13. Jurassic park - Steven Spielberg - 1993Life finds a way.

     9.5   C’était l’un de mes films préférés quand j’étais gamin. J’ai grandi avec, je l’ai regardé maintes fois en boucle, je le connais littéralement par cœur. C’est aussi l’un des films préférés de mes enfants aujourd’hui, ils me le réclament régulièrement, à la faveur des nombreuses suites et de la série animée Netflix « La colo du crétacé » puis « La théorie du chaos » qu’ils adorent aussi. Bref, c’est potentiellement le film que j’ai le plus vu. Et le plaisir est dorénavant multiple, puisqu’en plus d’être associé à un souvenir d’enfance, il y a celui de voir mes gamins jubiler devant, les yeux écarquillés comme moi quand j’avais leur âge et bien entendu celui d’apprécier le film vertigineux, physique et théorique, qu’il représente.

     Jurassic Park, c’est quoi ? C’est à la fois le titre du film et celui du parc dans lequel se déroule la grande majorité du récit du film. Il s’agit d’un zoo géant, conçu par un milliardaire sur une île privée au large du Costa Rica, un zoo ou parc d’attractions, qui a la particularité de proposer à ces visiteurs de rencontrer une flopée de dinosaures vivants et en taille réelle, clonés à partir d’un matériel génétique trouvé dans des moustiques conservés dans l’ambre d’un conifère depuis soixante-cinq millions d’années. Pour ouvrir, John Hamond (et son look de colonisateur blanc) a besoin de l’avis d’experts lui permettant d’avaliser son parc. Un couple de paléontologues passionnés, un théoricien du chaos, un avocat sans intérêt (spoiler : il va vite mourir), deux gamins et c’est parti pour une visite improvisée du parc.

     Evidemment, tout va très rapidement virer au désastre puisque le récit se déroule dans un lieu qui n’est pas prêt, avec des personnages qui ne le sont pas non plus, un peu comme dans le Gremlins de Joe Dante : Les monstres ont simplement changé de taille. Et si Hamond ne cesse de répéter qu’il a « dépensé sans compter » on découvre les murs de l’enceinte du musée en plein travaux de peintures. Entre un dilophosaure qui se cache, un tyrannosaure qui fait la diète et un triceratops malade, la simulation du programme de la visite ne fonctionne pas comme prévu. Et bientôt c’est un employé malveillant, une panne électrique et une tempête qui viendront s’en mêler. Avec le peu de lucidité qu’il reste à Hamond face aux importants dommages collatéraux imposés par son gros jouet, celui-ci rappelle que lorsqu’on a ouvert Disneyland en 1956, rien ne marchait. Ce sur quoi, Malcolm, répliquera : « Certes, mais quand les pirates des caraïbes se détraquent ils ne dévorent pas les touristes ».

     Les feuillages qui bougent dès la première scène, nocturne, évoquent d’emblée l’apparition d’un monstre donc d’un dinosaure avant qu’on découvre celle d’un bulldozer ouvrant le chemin à un camion abritant un Velociraptor. Dans l’ouverture – nocturne, elle aussi – des Dents de la mer, Christie est d’abord poursuivie le long de la clôture grillagée par un garçon, avant de l’être dans l’eau par le requin. Dans le même ordre d’idée, une fois arrivés sur l’ile ici nous ne la quitterons plus, comme nous ne quittions pas le bateau au cours de la deuxième partie de Jaws. Quant à Hamond il laisse ses enfants en proie au monstre comme le maire d’Amity Island reconnaissait avoir laisser ses enfants se baigner malgré l’interdiction. Les similitudes entre les deux films sont nombreuses.

     Or, Spielberg en réalise cette fois un produit hybride, à la fois familial et horrifique, radical et mercantile. Un film d’une alchimie improbable entre émerveillement et terreur, un film très incarné et très théorique, un film familial et un film d’horreur : Au début il fait beau. Puis la visite, le récit, le film sont gagnés par la tempête. La virée familiale plonge vers le film de monstre. Le Tyrannosaure en devient la star. Un monstre parfait, qui supplante le camion (Duel) ou le requin (Jaws) pour ne citer que les créatures spielbergiennes les plus terrifiantes.

     Bien qu’il l’utilise et soit l’un des premiers à le faire, Spielberg n’abuse pourtant pas de l’image de synthèse, comme cela sera le cas dans l’opus suivant. En cela, le premier Jurassic park marque un vrai tournant technique et esthétique dans l’univers des blockbusters. Mieux, ce bouleversement intègre la diégèse même du récit : Le professeur Grant est fâché avec les ordinateurs et se lamente bientôt que son métier (de paléontologue mais par un écho subtil c’est bien entendu à celui de spécialiste en stop-motion avant l’ère numérique auquel on songe) est fini. Phrase par ailleurs réellement prononcée par Spielberg à Phil Tippett lorsqu’il prend connaissance des premiers essais en matière d’images de synthèse et notamment quand il découvre l’animatique d’un T.Rex chassant un troupeau de Galimimus. « Si ça continue, un jour, on n’aura plus besoin de creuser » lance un personnage, un moment donné, auquel Grant demande où résidera alors le plaisir. Il y a en creux l’idée que creuser c’est tourner. Que Tipett et ses maquettes venaient d’être mis à la retraite.

     En outre, Jurassic park est une mise en abyme du cinéma de Spielberg et du blockbuster hollywoodien tout entier. Le divertissement est total puisqu’il se trouve aussi à l’intérieur du divertissement. Les réactions des personnages, émerveillées, secouées, émues ou récalcitrantes sont aussi celles des spectateurs regardant le film. Les dinosaures pour les uns, l’écran pour les autres : Il y a cette scène incroyable, un plan iconique, où l’on observe les visages de Grant & Sattler découvrant un brachiosaure, qui peut aussi bien rappeler les plans de découvertes des Dents de la mer ou Rencontres du troisième type. Quant aux produits dérivés ils sont directement placés à l’intérieur du film, les k-ways ou la tasse avec le logo (du film) Jurassic park ici, les casquettes ou les assiettes là. Un moment donné la caméra s’attarde dans la boutique de souvenirs, avec ses peluches et figurines comme lorsqu’on sort d’une attraction à Disneyland.

     C’est aussi un film féminin à double entrée. D’abord car ce sont les deux personnages féminins qui trouvent la solution : Lex en débusquant le programme informatique permettant de verrouiller les portes, Ellie Sattler en parvenant à remettre l’électricité en route. Ensuite parce que s’il y a une infinité d’espèces dans le parc, ayant chacune leur propriété, leur dénominateur commun c’est qu’il n’y a que des femelles. Elles ont été conçues ainsi afin d’interdire leur reproduction. Mais puisque « la vie trouve toujours un chemin » elles parviendront à trouver le moyen de se reproduire. La théorie du chaos (vantée ici par le personnage de Malcolm) et donc l’imprévisibilité, partie intégrante du livre de Michael Crichton, sera l’essence même du récit. Au même titre que les grenouilles, les dinosaures peuvent changer de sexe en fonction du milieu dans lequel elles évoluent.

     Le choix de Richard Attenborough pour incarner le professeur Hamond (qui se vante d’être parti d’un cirque avec carrousel et balançoire) n’est pas uniquement là pour satisfaire un copinage qui remonte à leur « affrontement » pour l’oscar du meilleur film en 1982 : Attenborough y présentait Gandhi, Spielberg bien entendu E.T. C’est aussi un choix qui va dans le sens du projet : Si l’on suit la logique interne du film, Hamond ne pouvait être incarné que par un metteur en scène, une sorte de démiurge présentant son parc comme si c’était son film. Jurassic Park est un film absolument passionnant et vertigineux. 

Septembre sans attendre (Volveréis) – Jonas Trueba – 2024

09. Septembre sans attendre - Volveréis - Jonas Trueba - 2024En attendant la fin de l’été.

   5.0   C’est une franche déception. Et pas tant parce que je n’y retrouve pas Trueba (Après tout c’est la continuité formelle d’Eva en août ou Venez voir, on reconnait son style, son rythme, ses obsessions) que parce que je trouve le film a la fois ampoulé et bourgeois.

      D’une part je trouve tout son discours théorique franchement irritant. Ce n’était déjà pas ce que je préférais dans la fermeture du film précédent mais c’était une fermeture, une sorte de clin d’œil au Goût de la cerise, disons. Mais là c’est présent en permanence : le film dans le film en train de se faire, le plan à reprendre, la discussion avec l’équipe de tournage. Je préfère quand Trueba la joue plus subtil quand il filme le personnage incarné par son papa. L’espace d’un instant il filme son papa. Et c’est très beau.

     L’autre problème pour moi c’est le fond. Alors d’accord c’est pleinement assumé – il y a notamment le jeu de la redondance autour de La Reprise de Kirkegaard, l’évocation de Bergman etc : c’est la comédie de remariage chez les bobos (qui citera Blake Edwards et Francois Truffaut) – mais j’ai vraiment la sensation de voir un couple (assez insupportable au demeurant) organiser leur séparation et passer le film à annoncer leur fête de séparation, pour finalement ne pas l’offrir. C’est vraiment petit bourgeois (alors de gauche, certes, car c’est un cinéma qui étale ses références, mais quand même) et assez peu courageux.

     Bon ce n’est pas très grave, j’aime encore plein de choses dedans et j’irai bien entendu voir les prochains Trueba.

Beetlejuice Beetlejuice – Tim Burton – 2024

04. Beetlejuice Beetlejuice - Tim Burton - 2024Retour aux sources.

   6.0   Une fois n’est pas coutume, concernant les derniers Burton, ce qui m’intéresse se joue moins sur le discours théorique. Il y a bien le personnage incarné par Winona Ryder qui utilise ses aptitudes pour un programme télévisé : difficile de ne pas y voir l’autocritique de Burton lui-même qui est passé par chez Disney. Difficile de ne pas songer que l’appel à Beetlejuice n’est pas une volonté de renouer par la facilité à ses premières amours et par la même occasion avec ses premiers fans. Il y a même une réplique à la toute fin qui laisse penser que Burton, on l’y reprendra plus. Mais j’ai des doutes.

     Qu’importe, ce qui m’intéresse c’est surtout de voir Burton retrouver le goût pour la bricole, le plaisir du film artisanal, bordélique, cabossé. C’est rythmé, c’est inventif. Ici il y a du stop motion, là un flashback en italien. Il y a l’hommage à Mario Bava. Un morceau de Carrie. Il y a le Soul Train. Par ailleurs, tout ce qui se déroule « en-dessous » est infiniment plus intéressant que ce qui se passe « au-dessus ». L’histoire, Burton s’en cogne, le scénario on n’en parle pas. Ce qui l’intéresse c’est l’imaginaire déployé par sa comédie macabre, des personnages haut en couleur et notamment ces trois générations qui cohabitent.

     C’est un peu paresseux, aussi : L’ado rebelle qui croit pas aux fantômes (pour pas faire comme maman) c’est pas terrible. D’autant que c’était déjà plus ou moins le rôle de sa mère, il y a trente-six ans. Jenna Ortega est en dessous d’ailleurs. Difficile de rivaliser avec Winona Ryder et Catherine O’Hara, en même temps.

     Bref c’est tout à fait inoffensif et anachronique, mais le film m’a bien diverti, contrairement au premier qui m’a beaucoup ennuyé à la revoyure. Après, pour être tout à fait honnête, il ne m’en reste quasi rien, tout s’est déjà évaporé, le plaisir était réel ce soir-là (qui plus est en avant-première) mais immédiat, éphémère. Et étant donné mes rapports compliqués avec le cinéma de Burton, c’est déjà pas mal.

Beetlejuice – Tim Burton – 1988

03. Beetlejuice - Tim Burton - 1988« Showtime ! »

   4.0   Tim Burton, c’est compliqué, depuis toujours entre lui et moi. Mais j’y reviens régulièrement. Cette fois avant d’aller voir la suite de Beetlejuice. Non pas que je l’attendais – Je n’aimais pas beaucoup ce film et rien n’a changé à la revoyure – mais je suis toujours curieux de découvrir un nouveau cru Burton. C’est un cinéma qu’il m’arrive d’admirer (ses débuts notamment) mais devant lequel je m’ennuie assez. Revoir Batman il y a trois ans m’avait procuré exactement les mêmes sensations. Ici j’aime beaucoup ce qui tourne autour du couple (Geena Davis / Alec Baldwin) et de la maison. Car j’aime l’idée de base, les décors, que Burton se la jouant Méliès ça me stimule. Or j’ai la désagréable impression que ce n’est pas du tout ce qui anime Burton, qu’il s’en contrecarre. Que lui ce qui l’excite c’est Keaton et ses grimaces. Une scène, la pire à mes yeux, achève d’emmener le film là où il m’ennuie : Soit la séquence du diner où les convives sont comme possédés par le Banana Boat Song, d’Harry Belafonte. Ça me rend très pénible la seconde très longue partie. Bon et c’est évidemment très subjectif : le film ne me fait jamais rire. Je continue de penser que Burton est un excellent technicien (décorateur, maquilleur, accessoiriste…) mais pas un très bon metteur en scène.

Le salaire de la peur – Julien Leclercq – 2024

09. Le salaire de la peur - Julien Leclercq - 2024Le convoi de l’ennui.

   1.0   Avant de me coltiner ce nouveau film (nouveau remake ou nouvelle adaptation, selon votre choix) j’ai revu l’original (enfin, la première adaptation) de Henri-Georges Clouzot. Autant j’avais vu son remake (Sorcerer, aka Le convoi de la peur de William Friedkin) une dizaine de fois, c’est l’un de mes films préférés, autant le Clouzot je ne l’avais vu qu’une fois (je lui préfère par exemple Les diaboliques ou La vérité) probablement car j’aimais peu son heure d’installation. Elle m’est apparue beaucoup plus réussie et fluide, cette première heure, cette fois. C’est vraiment un grand film.

     La version de Julien Leclercq parvient à faire se retourner dans leur tombe Georges Arnaud, Henri-Georges Clouzot & William Friedkin. Quel talent ! Plus sérieusement j’ai profité de cette sortie Netflix pour lire le roman, je ne l’avais jamais lu – mais ai toujours eu envie, étant donné ma passion absolue pour Sorcerer. La lecture m’a un peu déçu, pour être honnête. Bon, c’est pas le sujet : comme prévu, puisque Julien Leclercq est un gros tâcheron, ce nouveau film est une catastrophe. Un énième machin de plateforme, réalisé comme un épisode de Fast and Furious, avec Alban Lenoir & Franck Gastambide, quelque part entre Balle perdue et un produit Olivier Marchal. L’enfer.

MaXXXine – Ti West – 2024

01. MaXXXine - Ti West - 2024Welcome to the pleasuredome.

   7.0   Survivante de l’action du premier opus, Maxine est une actrice qui vient du cinéma porno (X se déroule en 79) et qui aspire à investir le cinéma d’horreur (MaXXXine se déroule en 85). Deux types de cinéma qui cohabitent et se répondent au sein de la trilogie (déjà X contait l’histoire du tournage d’un film porno qui allait virer au massacre sanglant) mais qui vire ici au slasher.

     Il s’agit in fine moins d’une suite pure que d’un troisième film formant l’ultime pièce d’un corpus qu’on peut par ailleurs presque découvrir dans l’ordre que l’on souhaite. Cette saga impressionne par sa cohérence formelle, plus que par son ambition dramaturgique.

     Des trois opus, c’est le plus hybride, il navigue entre le film noir et le giallo. On est davantage dans le film parodique, au diapason du personnage grotesque de privé incarné par Kevin Bacon. C’est un slasher ludique pourtant délesté de l’intérêt du whodunit. Reste une pure plongée dans l’époque, avec de gros relents fétichistes.

     À la fois remake de Body double (qui était déjà une variation de Fenêtre sur cour et Vertigo) parce que l’action se déroule en 1985 et qu’on y entend du Frankie Goes to Hollywood mais aussi remake inversé du Hardcore, de Paul Schrader, le film assume des références directes à Psychose, Maniac ou Chinatown. La course poursuite dans les décors de cinéma c’est aussi Scream 3.

     Ce troisième opus manque toutefois de scènes véritablement marquantes qui infusaient les deux précédents films : celles du lit, des phares ou de la grange dans X ; celles de l’épouvantail ou de l’audition dans Pearl. C’est l’ensemble de cette reconstitution d’un Los Angeles crapoteux qui s’avère intéressant.

     Mia Goth (qui était proie dans le premier puis tueuse dans le second) est évidemment géniale : une grande partie de la réussite de cette franchise repose sur elle. MaXXXine lui doit beaucoup.

Alien Romulus – Fede Alvarez – 2024

03. Alien Romulus - Fede Alvarez - 2024Gros malus.

   4.0   À vouloir jouer au reboot et au film-hommage, ce nouvel opus de la saga initiée par Ridley Scott, manque à la fois de personnalité et de surprise. Il m’avait semblé que Fede Alvarez, son réalisateur, était plus à l’aise dans le très réussi Don’t breathe, notamment dans sa façon de jouer avec l’espace (une maison) et d’y faire naître la peur dans chaque recoin.

     La peur est absente de Romulus. On n’y ressent pas grand-chose. C’est aussi un problème de personnages : ce petit groupe d’ados est aussi insignifiant (androïde compris) que le groupe du premier Alien était génial. Le film vise beaucoup trop un public jeune, je pense. Il ne prend aucun risque.

     Son unique aspérité se joue dans la mise en scène et notamment sa gestion de la gravité, de la verticalité, des coursives et de son cachet claustro. Deux scènes surnagent : celle de la passerelle où l’héroïne doit éviter les projections de sang acides provoqués par l’explosion de plusieurs xénomorphes et celle de l’ascenseur. Rien de novateur et d’hyper stimulant mais ça m’aura permis de ne pas trop m’ennuyer.

     Par ailleurs il faut se fader une première moitié totalement insipide. Un Ash numérique assuré par un deep fake de Ian Holm sans intérêt. Et je le répète : des personnages/acteurs sans aucune consistance. Et puis clairement c’est beaucoup trop lisse, beaucoup trop propre pour du Alien. Il faut que ça suinte, Alien. Cet opus est quand même très artificiel. Et complètement écrasé par ses références.

Furiosa – George Miller – 2024

01. Furiosa - George Miller - 2024Horizons abscons.

   6.5   J’ai eu un mal fou à entrer dans le film – et pas uniquement parce que les sièges du cinéma étaient de mauvaise qualité. Je trouvais ça vraiment très laid, l’image, le numérique, les textures. Et si je m’y suis fait (c’était déjà le cas pour Fury road, l’exaltation en plus) Furiosa restera pour moi tout l’inverse d’un film organique (puisque j’ai pu lire ce terme un peu partout) tant je vois que du faux partout, dans chaque plan.

     Dans la partie « enfance » de Furiosa, le film m’a semblé mal branlé, mal construit, ayant l’impression continue qu’il ne savait pas où aller. Heureusement, la grande course-poursuite au mitan réveille. Et c’est paradoxalement le moment où je trouve la relation avec Praetorian Jack (qui est une endive sans nom) absolument sans intérêt, contrairement à l’utilisation de Max dans le film précédent.

     Pourtant c’est la sécheresse du film qui m’a rattrapé. Une sécheresse (un peu à l’image de la sortie de ce personnage side-kick du récit) telle qu’elle semble dessiner la carte du blockbuster moderne, sombre, dépressive dans la lignée du Batman, de Matt Reeves. J’adore son grand méchant (Chris Hemsworth est génial) : Dementus supplante Immortan Joe, le sanguinaire bouffon et imprévisible remplace le monarque monstrueux et tyrannique. La grande force du film à mes yeux.

     J’adore les nombreux virages, même si l’ensemble est beaucoup trop long. J’aime surtout qu’il s’érige contre Fury road, un peu comme tous les Mad Max s’érigeaient contre le précédent. A ce petit jeu l’interprétation principale n’est pas anodine non plus : Anna Taylor-Joy compose une excellente Furiosa pré Charlize Theron (puisqu’il s’agit d’une préquelle).

     Bref, je reste déçu sur l’ensemble, qui me galvanise peu, en revanche je trouve génial que Miller ne semble faire aucune concession, qu’il continue de brosser sa mythologie en circuit fermée, à contre-courant de tout. Il y va à fond, jusqu’au bout : je ne sais toujours pas quoi penser de cette fin, si je l’adore ou la déteste : je crois que le fait que la dernière partie reprenne un peu trop le schéma de sortie du tout premier Mad Max me gêne mais ce dernier pas de côté m’a semblé tellement à côté qu’il me fascine.

Mad Max – George Miller – 1982

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Que la bête meure.

21/05/15.

     9.0   Le quatrième volet débarquant sur nos écrans, il me fallait me replonger dans cette drôle de franchise australienne. A raison de multiples visionnages ado, Mad Max est l’un de ces films que je connais par cœur, dans le moindre de ses enchainements, ses quelques punchlines bien troussées, son ambiance sonore signée Brian May, son tempo bien à lui, sa moiteur, sa cruauté, l’hystérie de l’aigle, l’indomptable chirurgien, la coolitude de Jim le gorille, la beauté solaire de Jessie, le blondinet mécanique Bubba, l’infantile Johnny, la main de Cundalini. Bref, je le connais bien (je cite les noms francisés puisque c’est ainsi que le film a dessiné pour moi une aura culte, quand bien même je le revois dorénavant en version originale). J’aime beaucoup que le film ne dise rien de cette société post-apocalyptique, que l’on puisse seulement discerner que la Police est remplacée par une institution un peu floue nommée MFP, que tout converge vers un « Hall of justice » complètement délabré, que le cadre ne soit que ruines, routes et plages sans fin.

     Le film est extrêmement peu inspiré sur bien des points – refus de l’étirement de la séquence, hormis la scène d’introduction, construction approximative, dialogues bateau, virages attendus, incohérences de scénario. Il séduit pourtant dans sa manière à peindre un futur proche indéchiffrable, aussi réel qu’apocalyptique. A la fois post-moderne et moyenâgeux. Un western avec des caisses de flics improbables (fameuses Interceptor) et motos monstrueuses. Il y a quelque chose de vraiment sale là-dedans. Qui ne correspond pas à grand-chose sans pour autant que l’on exagère son apparent anachronisme, qui ne vogue pas non plus sur des standards, n’entre dans aucune case. C’est troublant. L’histoire est futile puisqu’il n’y a plus d’histoire à écrire. Ne reste que des brutes, hors du monde et du temps, motards sans but, flics désabusés, asphalte à perte de vue et essence à siphonner. Et Max au milieu, détaché parce que davantage dans notre dimension, plongé dans un vrai questionnement intime et professionnel, avant qu’on ne vienne y troubler la bête qui sommeille en lui. C’est l’histoire d’une ultime transformation, d’un prélude au chaos.

     Je suis fasciné par une chose qui sans doute ne me sautait pas aux yeux avant, c’est toute cette violence, sèche, sale, autour de laquelle le récit s’organise. Ce n’est pas ostensiblement violent, très souvent le manque de budget condamne le film à opter pour le hors champ, à l’image de la mort de Goose ou de l’agression sur le couple à la voiture rouge. C’est une violence de mise en scène. Une manière d’ancrer systématiquement la séquence dans le réel en la rendant la plus malsaine possible. Il faut voir à ce titre le nombre de scènes avec des enfants. Miller est fasciné par cette dichotomie entre l’absolu innocence d’un côté et l’horreur paroxystique de l’autre. Dans la course poursuite d’intro il y a ce moment ignoble où un bambin s’échappe de sa poussette et se retrouve esseulé sur l’asphalte sur laquelle surgissent ces bolides terrifiants – Le véhicule quel qu’il soit n’aura jamais été aussi sale que dans Mad Max. Les plans alternant le visage de l’enfant, le pare-chocs des voitures et la langue de Night rider sont terribles. On n’avait rarement poussé le nihilisme à un tel point d’abjection.

     Et le film est extra fluide, construit en toute simplicité, créant le vide (forcément imposé financièrement) autour des personnages, créant du même coup une ambiance hyper angoissante. Bifurquant parfois où on l’attend et parfois totalement en rupture. La vengeance finale par exemple, est extrêmement brève, dilapidée dans la noirceur ultime dégagée par cette image de chausson de bébé abandonné sur le bitume. Il n’y a pas de jouissance. Toecutter meurt vite. Seule la mort de Johnny peut être jouissive. Mais il est dingue plus que méchant. C’est un sale gosse. Max tue le gosse (ou tout du moins le force à mourir) et le film se ferme là-dessus, dans la foulée de cette explosion même pas salvatrice. Dieu que c’est noir.

14/07/24

      Enième retour sur Mad Max, cette fois avant de voir Furiosa. Pour beaucoup, le meilleur de la saga restera le deuxième volet. Pour beaucoup d’autres, j’ai l’impression que Fury road a pris le relais. Deux films qui vont ensemble par ailleurs, dans leur construction, leur démesure. J’aime beaucoup ces deux films, mais pour moi, Mad Max ça restera toujours le premier : chef d’œuvre de noirceur totale, un vrai western avec des bolides, du bitume, des gueules impossibles, des répliques immenses, une scène d’intro titanesque, une imagerie de désolation mais à peine futuriste encore, et un personnage sur le point de vriller, de devenir sinon comme les bêtes qu’il pourchasse depuis le départ, un fantôme, perdu dans le néant.

Les pistolets en plastique – Jean-Christophe Meurisse – 2024

07. Les pistolets en plastique - Jean-Christophe Meurisse - 2024Contre-enquête.

   8.0   Ceux qui ont vu les précédents films de Jean-Christophe Meurisse (Apnée et Oranges sanguines) sauront à quoi s’en tenir. Les autres dites-vous bien que c’est un cinéma traversé par un humour trash, subversif, radical et une mise en scène pensée, travaillée, pleine d’idées. Bref c’est de la comédie française comme on n’en fait pas. On pourrait lui trouver des référents, des similitudes avec d’autres, y en a plein, mais in fine ça ne ressemble vraiment à rien. C’est une chance d’avoir ce cinéma en France.

     Ici il s’agit parodier l’affaire Dupont de Ligonnès et notamment l’histoire de ce pauvre type confondu à Glasgow – ici ce sera à Copenhague : un danseur de country, avec une veste à franges trop courte. Mais le film, volontiers choral, accompagne surtout deux enquêtrices amatrices sur le terrain, prêtes à fouiller la barraque du tristement célèbre Paul Bernardin, dont on apprendra qu’il coule des jours paisibles au Mexique. Un moment donné l’une d’elles se masturbe, excitée en découvrant le lit conjugal. Ça donne une idée de la tonalité du film.

     On y retrouve complètement Meurisse, selon moi. Certes il y a cette fois des apparitions de stars (Jonathan Cohen, Nora Hamzawi, Vincent Dedienne, Laurent Stocker) très brèves qui font office de petites pastilles un peu plus mainstream, mais ça ne perturbe en rien l’ensemble, qui me semble tout aussi méchant (peut-être un peu plus attendu dans sa méchanceté, on va dire, sujet oblige) que les précédents. Je pense que ma scène préférée restera celle avec la concierge de l’immeuble voisin : j’ai ri aux éclats. Le film est super drôle. Mais c’est aussi un film à sketches, certains sont moins réussis que d’autres.

     Qu’importe, j’ai adoré. Je le reverrais volontiers. C’est un film fou, jusqu’au bout. Jusqu’à la reconstitution froide des meurtres, à la fois embarrassante et importante. Rien que l’affiche du film était folle : une photo du vrai XDDL annonçant qu’on l’avait enfin retrouvé. Courez-y. Ma salle (mi pleine) était hilare. Ah et rien à voir mais ces temps-ci j’écoute beaucoup Grant Lee Buffalo et notamment ce tube imparable qu’est Fuzzy (posté sur mon mur y a une dizaine de jours) et cerise sur le gâteau, c’est le morceau utilisé par Les Pistolets en plastique pour son générique final.

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