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Archives pour octobre 2024

Le deuxième acte – Quentin Dupieux – 2024

08. Le deuxième acte - Quentin Dupieux - 2024Les comédiens.

   6.5   Avec ce troisième film en moins d’un an, Dupieux poursuit son travail de sape habituel, absurde et inachevé, réhaussé ici d’un catalogue de tous les sujets brulants d’aujourd’hui, qui mixés ensemble provoquent une (non) forme de panel génialement improbable. Et pourtant, lui qui était encore si punk à l’époque de Steak ou Wrong, le voilà qui ouvrait ici le festival de Cannes. Avec un casting quatre étoiles : Lindon, Seydoux, Garrel, Quenard.

     Afin d’aller dans ce non-sens cher au cinéma de Dupieux, c’est Manuel Guillot qui vole la vedette aux quatre stars. Il n’est pas acteur. Son rôle est de servir les personnages, les acteurs. De leur servir du vin, littéralement, comme on sert du jeu de figuration. Et il galère. Il en est incapable, il s’agace, il en chiale. C’est magnifique, tellement drôle : Rarement eu des moments de fous rires comme j’ai pu en avoir ici. C’est lui qu’on retient.

     Le film est une succession de mises en abyme et envolées méta en rafale : le film dans le film, les comédiens qui parlent du métier d’acteur, se moquent d’eux-mêmes, le jeu entre réel et fiction, les regards caméra, les interactions avec l’équipe technique et j’en passe. Tout y est. Les curseurs de l’absurde ludique et théorique sont poussés jusqu’à leur point de rupture.

     Dupieux me séduit moins sur la fin, il se perd un peu, notamment avec le doublon de la scène de l’ordinateur. Il m’ennuie aussi avec sa sortie en travelling sur le travelling interminable sur rails. Juste eu la sensation qu’il souhaitait dépasser l’heure de métrage (je suis mauvaise langue, il est un poil plus long que les précédents, celui-là) afin d’étirer gratos son nouveau petit film concept.

     Le deuxième acte c’était aussi (avant sa sortie) une bande-annonce délicieuse, avec des images (un unique travelling arrière, je crois, don déjà dans l’air du film) qui n’apparaitront pas dans le film, durant lesquelles quatre acteurs se tirent la bourre à propos de leur place de héros dans le récit, avant d’être coupés net par un inconnu, statuant que c’est lui la véritable tête d’affiche, c’est tout. Un spot qui semblait renouer avec l’idée utilisée par l’équipe du Splendid fin des années 70 lors de la sortie des Bronzés font du ski : revoyez ce teaser d’époque, il est mortel.

Megalopolis – Francis Ford Coppola – 2024

25. Megalopolis - Francis Ford Coppola - 2024Haut-le-cœur.

    2.0   Le film s’est clairement fait démonté à Cannes et s’il est un peu réhabilité depuis c’est en grande partie, je crois, parce qu’il s’est fait démonté à Cannes. Certains adorent toujours se défouler sur un auteur, d’autres aiment (un peu trop) les récupérer. Rarement eu autant la sensation d’assister à une guerre d’avis opposés et stériles.

     Megalopolis c’est aussi un fantasme de cinéma, un projet dont on entend parler depuis longtemps. Bon, c’était pas du tout un fantasme pour moi, sans doute car je suis loin d’être un amoureux de Coppola, j’adore certains de ses films (comme tout le monde, en fait) mais je pense qu’il aussi fait des choses pas très intéressantes ou carrément ratées, notamment durant ces trente dernières années. Mais j’étais curieux, bien sûr.

     Bon, j’aurais adoré l’aimer ce Coppola, sincèrement. Car sur le papier, je le retrouve. Mais j’ai souffert. Tout m’a semblé beaucoup trop laborieux, laid, déjà vu, mal branlé, daté. On ne croit jamais à cet univers. Jamais à ce New Rome. Ni à la chute de cet empire. Ni à ce matériau nouveau. L’idée du pouvoir d’arrêter le temps n’est même pas exploitée.

     T’as même des scènes de citations, de Plutarque et Marc Aurèle, j’avais l’impression d’être dans OSS117, avec la scène de la battle d’expressions. J’espérais voir débarquer François Damiens. Bref c’est indigeste comme pas permis. Même pas nul. Mais sans intérêt. Mieux vaut revoir n’importe quel Coppola que se fader ce machin-là.

Kaizen – Basile Monnot – 2024

07. Kaizen - Basile Monnot - 2024Trafic d’influenceurs.

   2.0   Je passe sur la mécanique de sortie multiple et hors-la-loi dont a fait l’objet ce film, sur la question de la chronologie des médias notamment : certains papiers/podcasts en parlent très bien. Je passe aussi sur sa réussite colossale et ses millions de vues. Je passe aussi sur les placements produits.

     Je reviens uniquement sur le film et vais tenter rapidement de dire pourquoi il m’est aussi intriguant qu’irregardable, d’autant plus que ça dure deux heures et demie cette plaisanterie.

     Tout d’abord il y a ce fond rance, bourgeois, qui consiste pour l’intéressé (le youtubeur Inoxtag, de son vrai nom Inès Benazouz) à grimper l’Everest pour véhiculer de grands messages de courage, de motivation, de dépassement de soi, cette obsession de faire quelque chose de grand en espérant qu’il sera un autre homme après blablabla.

     Je savais pas combien ça pouvait coûter de faire l’Everest. J’ai su. Eh bien c’est un tarif à minimum cinq chiffres. Donc bon, même en faisant le pari de « profiter de la vie » je crois pas que la majeure partie des gens puisse tenter cette aventure-là. Mais passons.

     Inoxtag assène régulièrement ses petites leçons de morale sur l’éducation (le type se fait chourer ses bouteilles d’oxygène à 7000m, c’est balo) l’écologie (la pollution du site revient beaucoup) et même – c’est un comble – sur les méfaits des écrans. Mec, franchement ! Le gars est vidéaste influenceur. Disons que c’est assez problématique.

     Cela étant, il a pour lui une certaine humilité (il ne cesse de mettre en avant les sherpas ou les « vrais aventuriers » qui font ça sans oxygène) et un capital sympathie, candide (Il avouera tranquilou s’être trompé de photo pour son teaser, insérant une photo de l’Ama Dablam et non de l’Everest) qui compensent l’aspect de petit con père-la-morale tout juste majeur. Il a un petit côté humoriste improvisé, ayant rien à envier à la moitié du casting de LOL : Je parie sur sa présence dans l’une des prochaines saisons.

     Ensuite et c’est un vrai problème pour moi : formellement c’est épouvantable. Visuellement y a de quoi s’arracher les cheveux et les yeux avec ce montage cocaïné, ces rafales d’images associées à la va comme je te pousse dans une imagerie publicitaire immonde. Le tout accompagné d’une soupe musicale imbuvable et permanente. À côté, un épisode de Koh Lanta c’est du Bela Tarr.

     En tout cas je ne connaissais pas ce type, Inoxtag. Mais mon fils, oui. Apparemment le gars est super connu pour qui a ouvert YouTube pour mater des vidéos sur des jeux vidéo type Minecraft ou Fortnite. Le type est exactement l’idée que je me faisais d’un youtubeur en 2024, avec sa frénésie et ses anecdotes sans intérêt.

     Voilà, j’attendais pas non plus du Werner Herzog, dans le fond comme dans la forme, mais simplement quelque chose d’un peu moins hideux, pour mes yeux et mes oreilles, quelque chose qui ressemble pas à un spot Nike ou une bande annonce allongée, quelque chose d’un peu travaillé, voire une version documentaire de L’ascension, le film avec Ahmed Sylla, ça m’allait bien. Ne reste qu’un gros kouglof en forme de gigantesque publicité décathlon, pour des tentes et softshells. C’est vraiment le film que cette génération mérite, un peu comme Athena, de Romain Gavras.

Les rivières pourpres – Mathieu Kassovitz – 2000

09. Les rivières pourpres - Mathieu Kassovitz - 2000Intrigue alpine.

    5.0   Encore un film que je n’avais pas revu depuis vingt ans. Mais vu à l’époque, ado, plusieurs fois lors de ses passages télé. J’aimais beaucoup. J’avais même lu le bouquin de Grangé. J’aimais bien le duo Jean Réno / Vincent Cassel aka Commissaire Niemans / Lieutenant Kerkerian et je trouve l’idée de les faire évoluer chacun dans une enquête puis se croiser qu’au bout d’une heure de film est assez bien pensé cinématographiquement, créant un découpage dynamique et jamais frénétique : ils ont du temps d’écran très long à chaque fois.

     Ce que j’aimais surtout à l’époque dans Les rivières pourpres c’était son ancrage géographique, le fait qu’il se déroule intégralement en Isère et Haute-Savoie. Évidemment je n’avais pas vu de Rohmer, de Guiraudie, de Larrieu et j’en passe donc pour moi le cinéma français ne visitait que peu les provinces, ne rendait jamais grâce aux lieux. Ce que j’aimais dans Les rivières pourpres c’est un peu ce que j’ai retrouvé récemment dans un film comme La nuit du 12 : le plaisir du polar évoluant en terres Auvergne Rhône-Alpes. Bref, j’aimais le cadre de ce film. Il me plaît toujours aujourd’hui.

     Si Les rivières pourpres m’a semblé bien laborieux à la revoyure, aussi bien dans sa mise en scène que dans son récit, le manque de relief de ses personnages que les seconds couteaux (punaise, les autres flics sont tous débiles, on le refait pas le Kasso) mais il a au moins pour lui d’avoir gardé cet ancrage, ces lieux, cette université, ce glacier, ce couvent, cette bibliothèque ou le Pavillon Keller. J’aime aussi l’idée que l’antagoniste ne le soit pas vraiment, que les vrais méchants soient les nazis de cette fac eugénique.

     Le film est sombre mais n’assume pas pleinement son obscurité. C’est pas Seven, quoi, mais on sent que c’est une grande inspiration pour Kassovitz. Dommage aussi qu’il se perde souvent dans des dialogues et délires inutiles un peu beaufs à l’image de la scène gênante (très bessonienne) dans le squat de skinheads, et un final aussi grandiloquent que bâclé. Le film a mal vieilli sur de nombreux points mais ça ne m’a pas complètement déplu de le revoir. Passable, donc.

Amelia’s children (A semente do mal) – Gabriel Abrantes – 2024

06. Amelia's children - A semente do mal - Gabriel Abrantes - 2024Time eats us.

   6.0   Ravi de retrouver le réalisateur de Diamantino qui m’avait tant séduit il y a six ans. Ce deuxième long est plus classique, reprenant grassement les codes du film d’horreur, mais j’aime sa façon de jouer avec ce manoir et les couches de révélations crescendo. C’est clairement Shining, dans la forme. Le récit, lui, s’inspire du tableau de Goya « Saturne dévorant ses enfants » faisant d’Amélia, la mère, un être en putréfaction qui retrouve sa jeunesse sitôt qu’elle engendre ses progénitures avec ses progénitures. Il y a de bonnes séquences bien cringe et creepy.

Hit man – Richard Linklater – 2024

05. Hit man - Richard Linklater - 2024Double vie.

   5.0   Un prof de philo arrondit ses fins de mois en effectuant planques et missions d’infiltration pour la police de la Nouvelle Orléans. C’est le quotidien de Gary, un homme seul, qui s’occupe aussi de ses deux chats et ses plantes. Lorsqu’il doit jouer les tueurs à gages et coincer n’importe quel quidam commanditaire, ce quotidien si huilé change, Gary devient Ron. Enfin, surtout lorsqu’il rencontre Madison, qui veut faire tuer son mari, et pour laquelle il s’amourache. C’est pas mal hein, c’est frais, il y a d’ailleurs quelques jolies scènes (celle sous écoute, par exemple), de bons personnages (Jasper, évidemment) mais je cherche encore Linklater là-dedans. C’est vraiment un film tout ce qu’il y a de plus anecdotique, une rom’com jamais désagréable, jamais passionnante non plus.

Today we are going to build a house (Segodnya my postroim dom) – Sergueï Loznitsa & Marat Magambetov – 1996

02. Today we are going to build a house - Segodnya my postroim dom - Sergueï Loznitsa & Marat Magambetov - 1996Ni le ciel ni la terre.

   6.0   À l’époque de la sortie de My Joy (2010) sélectionné à Cannes, je ne connais Loznitsa même pas de nom. Il a pourtant réalisé une multitude de films, courts pour la plupart, documentaires en totalité. Bref, je découvre un nouveau « cinéaste narratif » mais il est déjà un documentariste installé.

     Ce qui frappe dès ce premier film c’est la puissance du regard et la force du cadre. À l’image de cette suite de plans, désordonnés, fragmentés, cette journée sur un chantier de construction semble relever d’un chaos absolu sans résultat et pourtant l’ensemble finira par prendre forme, le chantier aussi.

     L’essai, pas forcément pertinent (Loznitsa filme quand même beaucoup trop les ouvriers en train de glander) est visuellement très beau, notamment ce ballet archaïque de mains, de seaux et de cordes, et quasi burlesque dans sa dynamique sonore. Ni visages (ou si peu) ni dialogues, le film semble parfois faire écho à Tati dans sa mécanique spatiale.

     La constante chez Loznitsa, qui ouvrira My Joy sur un bulldozer dans la boue c’est la terre et le ciel : ce premier court s’inscrit déjà dans cette veine en s’ouvrant ainsi sur un plan de ciel et un plan de flaque. Entre les deux, un bâtiment s’érige.

Amis de combat (Wasei kenka tomodachi) – Yasujirô Ozu – 1929

01. Amis de combat - Wasei kenka tomodachi - Yasujirô Ozu - 1929Deux ou trois choses qu’on sait d’eux.

   5.0   Amis de combat ou « Combats amicaux à la japonaise » devait être un long métrage de soixante-dix-sept minutes mais il n’en subsiste qu’une version raccourcie de quatorze minutes.

     Deux amis vivent ensemble et subsistent en faisant des livraisons avec leur camion. Un jour ils renversement une jeune femme sans le sou et la recueillent. Ils en tombent tous deux amoureux et leur amitié se détériore. La jeune femme rencontrera finalement un étudiant. Dans la dernière scène, magnifique, elle s’en ira avec lui par le train quand nos deux amis célèbreront cette union en l’accompagnant avec leur voiture.

     Rien que pour cette première partie qui voit deux potes se partager un œuf, une clope et un oreiller chambre à air, Amis de combat mérite de s’étirer davantage. Ce qui manque ici c’est clairement la durée. Le plaisir de voir cette vie à deux, puis cette vie à trois. Dommage.

Jeux de plage – Laurent Cantet – 1995

23. Jeux de plage - Laurent Cantet - 1995Dernier été.

   6.0   Découvert ce court-métrage de Laurent Cantet sur Arte, qui diffusait certains de ses films après son décès. Ce n’est pas hyper abouti, mais on y retrouve cette fascination pour les rapports père/fils qui hantaient déjà son précédent court à savoir Tous à la manif, qui se déroulait intégralement dans un bistrot. Les lycéens en grève sont remplacés ici par les amis du garçon. Il y a l’idée d’une scission nette et cruelle, entre nostalgie et voyeurisme, entre le monde des adultes et celui des enfants – symbolisés ici par l’effervescence des corps. C’est en outre un beau film sur le mal de l’exclusion. Sur un père observant son fils. Sur la peur du dernier été d’un père avec son fils. Tout cela quelques années avant Ressources humaines, aussi avec Jalil Lespert, au sein duquel Cantet arpentera de façon bouleversante la violence des rapports entre père, fils et monde du travail. Jeux de plage est aussi l’occasion pour Cantet de filmer des lieux – ici les calanques de Cassis – qui évoquent déjà L’Atelier. La filiation, aussi bien thématique qu’esthétique, entre les trois sinon quatre films cités est aussi touchante qu’évidente.

Après mai – Olivier Assayas – 2012

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The leftovers.

14/12/12.

    9.0   On peut considérer Après mai comme un préquel à L’eau froide, son chef d’œuvre. On y retrouve les mêmes prénoms, Gilles et Christine, dans ce qui pourrait aussi être un après mai douloureux, plus indécis cette fois, quand L’eau froide s’intéressait à la fugue, comme si les personnages regrettaient de ne pas avoir pleinement vécu Mai 68 et son après.

     Après mai est un film tiraillé, comme semble l’être depuis toujours Assayas et donc son personnage, Gilles, alter ego évident. Le film puise son inspiration dans ce qu’Assayas fait déjà depuis plus de vingt ans. En somme, il redéploie L’eau froide, la séquence de la fête nocturne en est la plus fidèle représentation. Et dans le même temps il recherche plus grand, tente la fresque, n’oublions pas que Assayas sort tout juste de l’aventure Carlos, l’un de ses plus beaux films, le plus ample, un aboutissement et plus de cinq heures de film.

     Et moins évident, je pense qu’Après mai est le film le plus proche de ce que pourrait faire Mia Hansen-Love (Sa compagne à la ville) aujourd’hui. On est moins dans le cinglant que dans la chronique, raison pour laquelle je ne vois vraiment pas cela comme une fresque mais comme la recherche d’un état, d’une ambiance, d’une douleur, quelque part entre Tout est pardonné et Un amour de jeunesse, version post soixante-huitarde.

     Le film est moins une revisite de l’époque révolutionnaire qu’un morceau autobiographique. L’eau froide ne suffisait pas et Assayas, qui semble assailli par le souvenir, voulait effectuer un parallèle différent, moins centré sur les destinées amoureuses (Les sentiments de Gilles valdinguent entre Christine et Laure, le confort et la vie de bohême) que sur ses désirs de cinéma (propulsés par la peinture et le dessin) et sa difficulté à choisir entre l’engagement politique et l’inspiration artistique.

     Ce que je retiens de ce type de ce film n’est pas tant la cartographie historique (bien qu’il soit à mon sens excellemment documenté, riche sans être illustratif, comme Carlos précédemment) que le flux d’énergie qui nourrit son récit, sorte d’enchevêtrement de destins, au mouvement sans cesse renouvelé. On fuie les brigades spéciales dans les premières images, puis on s’exile vers l’Italie, pour revenir dans la capitale française et se retrouver ensuite à Londres.

     Les personnages s’effacent et rejaillissent, sont au premier plan puis disparaissent. Les fondus au noir représentent des impasses, structurations du néant. Et aussitôt le film renaît des cendres qu’il dissémine. Il y a une sensation de quête perpétuelle dans laquelle je me sens infiniment bien, typiquement le type de film qui pourrait durer une heure supplémentaire tant j’apprivoise le rythme à mesure qu’il se déploie.

     C’est une vision un peu désenchantée (bien que jamais ostensiblement nostalgique) mais sous l’œil délicat, selon une captation sensuelle (ce qui était déjà magnifique dans L’eau froide) à travers des motifs sublimes : regards dans l’abîme, visages échoués, chevelures gracieuses, postures anachroniques, déplacements impulsifs, corps abandonnés. Le film est sans doute linéaire mais on ne retient que sa fragmentation, son effritement. C’est une affaire de mouvement, rien n’importe plus Assayas ici que de reconstruire cette gestuelle qui peuple sa mémoire, d’une époque pas si révolue mais qui aspire à des desseins isolés. Et de capter ce flux ininterrompu de désirs qui anime trois dynamiques qui ne cohabitent pas aisément : la quête individuelle, l’engagement de groupe et la rencontre amoureuse.

     Son film est beau. Magnifique quand il est mutique. Jamais aussi réussi que lorsqu’il saisit ces états de fuite, de perdition, mais aussi de transmission. Et c’est cette invisibilité qui me fascine, enfin plutôt cette transparence avec laquelle, par exemple, le cinéaste tente de faire jaillir les fantômes par le cinéma : un amour idéalisé et disparu (magnifique séquence de mort) dont on retrouve l’incarnation spectrale sur un écran de cinéma (la fin du film est sublime).

24/04/24.

     Film mal-aimé, aussi bien par les admirateurs d’Assayas que par ses détracteurs, qui fut pour moi à sa sortie en salle (il y a douze ans) un gros coup de cœur. Je ne l’avais jamais revu (surtout car je ne l’avais pas sous la main) mais je fantasmais ce moment. Je l’ai chopé récemment pour une bouchée de pain et l’ai donc revu hier. Plaisir intact. J’adore ce film, sa respiration, son mouvement, son flottement, sa fragmentation, sa douleur sourde. J’aime la douce mélancolie qui l’habite, ce parfum de révolte, de liberté, contrarié par une sensation diffuse que la révolution s’est déjà jouée. J’aime aussi l’humilité et l’honnêteté du film, fantasme gaucho-bobo entièrement assumé. Assayas redéploye L’eau froide (l’un de ses plus beaux films) et c’est merveilleux, évanescent. Et très proche formellement des films de sa compagne, Mia Hansen-Løve, qui fit avant lui tourner Lola Creton dans cette merveille absolue (que je rêve aussi de revoir) qu’est Un amour de jeunesse. Il faut toujours revoir ses films préférés.

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