Les comédiens.
6.5 Avec ce troisième film en moins d’un an, Dupieux poursuit son travail de sape habituel, absurde et inachevé, réhaussé ici d’un catalogue de tous les sujets brulants d’aujourd’hui, qui mixés ensemble provoquent une (non) forme de panel génialement improbable. Et pourtant, lui qui était encore si punk à l’époque de Steak ou Wrong, le voilà qui ouvrait ici le festival de Cannes. Avec un casting quatre étoiles : Lindon, Seydoux, Garrel, Quenard.
Afin d’aller dans ce non-sens cher au cinéma de Dupieux, c’est Manuel Guillot qui vole la vedette aux quatre stars. Il n’est pas acteur. Son rôle est de servir les personnages, les acteurs. De leur servir du vin, littéralement, comme on sert du jeu de figuration. Et il galère. Il en est incapable, il s’agace, il en chiale. C’est magnifique, tellement drôle : Rarement eu des moments de fous rires comme j’ai pu en avoir ici. C’est lui qu’on retient.
Le film est une succession de mises en abyme et envolées méta en rafale : le film dans le film, les comédiens qui parlent du métier d’acteur, se moquent d’eux-mêmes, le jeu entre réel et fiction, les regards caméra, les interactions avec l’équipe technique et j’en passe. Tout y est. Les curseurs de l’absurde ludique et théorique sont poussés jusqu’à leur point de rupture.
Dupieux me séduit moins sur la fin, il se perd un peu, notamment avec le doublon de la scène de l’ordinateur. Il m’ennuie aussi avec sa sortie en travelling sur le travelling interminable sur rails. Juste eu la sensation qu’il souhaitait dépasser l’heure de métrage (je suis mauvaise langue, il est un poil plus long que les précédents, celui-là) afin d’étirer gratos son nouveau petit film concept.
Le deuxième acte c’était aussi (avant sa sortie) une bande-annonce délicieuse, avec des images (un unique travelling arrière, je crois, don déjà dans l’air du film) qui n’apparaitront pas dans le film, durant lesquelles quatre acteurs se tirent la bourre à propos de leur place de héros dans le récit, avant d’être coupés net par un inconnu, statuant que c’est lui la véritable tête d’affiche, c’est tout. Un spot qui semblait renouer avec l’idée utilisée par l’équipe du Splendid fin des années 70 lors de la sortie des Bronzés font du ski : revoyez ce teaser d’époque, il est mortel.