Artisan boucher.
5.5 La séquence introductive (pure marotte de slasher) est exceptionnelle. On ouvre sur une fillette venue réveiller ses parents après avoir fait un cauchemar. On ferme sur Art le clown tueur, dévorant les cookies laissés dans la cuisine pour le père noël. Entre ces deux pôles, une boucherie d’une brutalité sans nom, jouant malicieusement avec le hors champ et une démarche clairement frontale. Gosses ou pas, on sait que le film ne reculera devant rien.
En effet, la grande particularité de Terrifier, troisième volet du nom est qu’il a écopé d’un « unrated » aux US et d’une « interdiction aux moins de 18 ans » chez nous (ce qui n’était pas arrivé à un film horrifique depuis Saw III) : pas cool pour sa distribution mais c’est aussi ce qui lui garanti une curiosité un peu malsaine et les chiffres sont clairement de son côté, apparemment.
On retrouve une mécanique de film d’horreur avec une final girl (et son frangin, ici) rescapée d’un épisode précédent, qui se retrouve hantée, avec toute sa famille par le retour du bogeyman, dédoublé puisqu’il est accompagné d’une ancienne victime tout aussi cinglée. On y retrouve tous les fondamentaux du slasher et du gore. Avec de purs éclats de sidération, des interstices géniaux et malades (jusque dans cette apparition de Tom Savini) héritées d’un Bava, d’un Romero ou d’un Fulci. On est en terrain connu, bis et galvanisant.
Son antagoniste est toujours aussi sadique. Jusque dans ses mimiques, puisque faut-il le rappeler, ce clown est muet. En revanche il arbore un sourire avec dents pourries permanent. Une mixture improbable de Charlot, Joker, Myers et Freddy. Qui se moque des cris de douleurs de ses victimes quand il les trucide brutalement. Art avait pourtant été décapité ; il semble ici ressuscité d’entre les morts.
Le film est généreux sitôt qu’il arpente le terrain de la violence pure. Dès qu’il ralentit, se repose, c’est déjà plus compliqué. D’une part car c’est affreusement mal écrit, d’autre part car c’est très mal joué : Les scènes de transition sont atroces, les dialogues écrits par des teubés. C’est beaucoup trop long de toute façon. On a envie de tout condenser en 1h20.
Toujours étant qu’on en a pour notre argent sitôt qu’on soit venu pour les effusions de sang, de corps atrophiés, de membres déchirés, de mises à mort toutes les plus dégueulasses les unes que les autres. A tel point qu’on en vient à tenter de répertorier les moments qui ont pu lui couter son interdiction aux moins de dix-huit ans : L’explosion au supermarché ? La douche ? Le bout de verre ? Le dépeçage de visage ? Le carnage final (qui peut rappeler celui de Massacre à la tronçonneuse) ?
C’est un film d’artisan. Un film bricolé aux effets spéciaux à l’ancienne. C’est l’anti-elevated horror en somme et rien que pour cela cette franchise me séduit. C’est bête à manger du foin mais assumé comme tel. Et doublé ici de cette étiquète « film de noël » qui lui confère à mon sens une dimension plus carnavalesque et granguignolesque encore.
Artisan comme le personnage, qui fabrique ses armes, passe de l’une à l’autre, esquisse tel un peintre qui navigue d’un pinceau à l’autre. Un vrai punk qui hésite entre le simple couteau et la masse, en passant par un marteau, une tronçonneuse, une hache, de l’azote, un flingue, une bombe ou des intestins. Tout y passe. Il peaufine son art, qu’importe l’instrument, comme lorsqu’il éventre un personnage puis l’accroche au mur, viscères qui pendent. C’est son tableau. Dans lequel il enfouira la gueule de la final girl. Et ce sont les boyaux de son père. C’est du no limit.
Dommage que Damien Leone se sente obligé de broder une mythologie sans intérêt. L’idée qu’il faille expliquer les retours des uns et la présence des autres ne produit absolument rien. Ça devrait être entièrement abstrait, Terrifier. Le premier opus exploitait cela très bien, avec ses faibles moyens. Peut-être le quatrième volet (déjà en projet) saura renouer entièrement avec ce plaisir régressif là, mais j’en doute, tant les budgets sont chaque fois exponentiels.