La plus précieuse des marchandises – Michel Hazanavicius – 2024

20. La plus précieuse des marchandises - Michel Hazanavicius - 2024Et la vie continue.

   7.0   Lu le livre de Jean-Claude Grumberg juste avant d’aller voir le film de Michel Hazanavicius : L’histoire d’un nourrisson recueilli par un couple de bûcherons, après avoir été jeté d’un train qui prend la direction des camps de la mort. Il s’agit évidemment d’un conte. Un conte pédagogique sur la Shoah. C’est très beau. D’une simplicité étonnante et d’une grande puissance d’évocation. Un beau récit contre l’oubli.

     Hazanavicius qui touche décidément à tout décide de l’adapter en film d’animation. Difficile de l’imaginer autrement, de toute façon. Il reste globalement très fidèle au livre, très littéral, à quelques exceptions près. Tout d’abord son montage alterné diffère. Dans le livre on est d’un chapitre à l’autre soit dans la forêt avec les bûcherons, soit avec la famille du bébé, dans le train ou les camps. J’ai d’abord cru qu’Hazanavicius allait couper la partie camp mais il y vient tardivement, comme s’il retardait l’inévitable : Elle est essentielle pour l’issue du récit, il faut qu’on y fasse la rencontre de ce père.  

     Dans les camps de concentration, Hazanavicius n’est jamais ostentatoire. Ses images agissent en saillies aussi brèves que puissantes, renforcées par ce dessin proche parfois de celui du Conte de la princesse Kaguya, s’il fallait nécessairement lui trouver un modèle. Et ce dessin c’est celui d’Hazanavicius lui-même. C’est un projet d’autant plus personnel / qui lui tenait à cœur, que Grumberg est un ami de ses parents.

     Le film prend donc peu de liberté par rapport au livre mais il en prend tout de même deux. Une première, assez embarrassante, qui agit en transition, puisqu’il s’agit de suivre un oiseau à travers la forêt, de la maison des bûcherons au camp d’Auschwitz. Une seconde, terrifiante, consistant à reproduire l’horreur des fours à travers des amas de visages s’égosillant, statufié par la peur, en image fixe, silencieux et noir et blanc, à la façon du Cri de Munch.

     Le film est très réussi, digne, émouvant (la fin avec la scène de la nappe et des crottins de chèvre, le reflet dans la vitrine, terrible…) encerclé, en introduction et en conclusion, par la voix off de narrateur-conteur, non moins émouvante, de Jean-Louis Trintignant, sa dernière « apparition » au cinéma.

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