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Archives pour janvier 2025

Eephus – Carson Lund – 2025

16. Eephus - Carson Lund - 2025Last day.

   7.5   Au base-ball, l’eephus est un lancer très spécifique, consistant à tromper le receveur en lui envoyant une balle lente. C’est un peu ce que fait le film in fine : adopter l’exact opposé de ce qu’on attend d’un film sur le base-ball et d’un film sur un groupe, aussi bien du point de vue héroïque que de la construction dramaturgique.

     Car entre le film choral et le documentaire, Eephus ne choisit pas vraiment. Il veut les deux. Si bien que l’espiègle voix off qui survient lors des citations utilisées pour les transitions chapitrales n’est autre que celle de Frederick Wiseman. Tout un programme.

     L’action du film se déroule le temps d’une journée. Un jour d’octobre, un jour d’automne. On suit le match de base-ball de deux équipes amateures, composées d’une vingtaine de joueurs, vieux et jeunes, à se retrouver sur le terrain de leur petite ville de la Nouvelle Angleterre.

     Il y a celui qui se plaint de ses douleurs aux genoux, l’autre qui souffre de subir un régime alimentaire. Il y a celui qui est encouragé par sa femme et ses gamins, il y a l’autre qu’on viendra kidnapper au mitan pour assister au mariage de sa nièce.

     Un vieux fan, dans son coin, écrit les actions et le score sur un calepin. Il finira par être embauché à l’arbitrage quand l’arbitre désigné préférera plier bagage à la nuit tombée. Il y a un vieil homme, qui semble venir au stade depuis la nuit des temps et qui s’en ira en plein match, tel un spectre, à la fois nonchalant et rassasié.

     Tous ces personnages n’ont pas le même temps d’écran mais tous existent. Une belle galerie de portraits, drôles, pathétiques, émouvants. De superbes personnages qu’on voudrait d’ailleurs connaître davantage, qu’on ne veut pas quitter à la fin, un peu comme eux, ne veulent pas quitter leur terrain.

     C’est un beau film mélancolique, aussi léger de façade, qu’il est grave dans le fond, sur le temps qui passe et l’Amérique des oubliés qui restent attachés à leurs rituels qui les rattachent à la vie.

     C’est un film sur la fin d’un monde. Avalé par un autre. Car la motivation, pas si prétexte, c’est l’idée du dernier match sur ce terrain puisque celui-ci sera bientôt en chantier, rasé et transformé en école.

     Le film comme le lieu se meurt peu à peu. L’ennui pour les joueurs devient bientôt le nôtre. C’est aussi un peu la limite du film, qui par ailleurs s’intéresse moins aux actions de base-ball qu’à ceux, la plupart du temps, qui attendent, observent, boivent des bières, ou ne font rien.

     Il y a de très belles scènes, de jolies trouées à l’image de ce superbe homerun salué et célébré ou cette scène aussi poétique que burlesque de la balle frappée qui se retrouve engloutie par le ciel brumeux et crépusculaire.

     En tout cas c’est un lieu magnifique que Carson Lund parvient à capter et à rendre aussi mourant que vivant. On sent qu’il les aime ces lieux, autant qu’il aime ses personnages et leur petite guerre d’égos et de vannes, bref la désuétude de ce monde. La photo est sublime. Plus beau film automnal depuis le Miséricorde, de Guiraudie.

Notre siècle (Nach vek) – Artavazd Pelechian – 1983

11. Notre siècle - Nach vek - Artavazd Pelechian - 1983Le vol d’Icare.

   8.5   Film extraordinaire. Pelechian au sommet de son art, ambitionne de raconter l’humanité et le XXe siècle, le combat contre la gravité, la conquête spatiale et la soif cosmique, en bref la vanité des hommes.

     On y verra des visages de cosmonautes déformés par l’accélération, des champignons atomiques, des mises à feu dans le désert, des machines qui s’écrasent, d’autres qui explosent. Les pionniers de l’aviation. Un biplan qui s’élance, un autre qui se crash. Et plus tard ces deux trains qui entrent en collision, une fois, deux fois. Un dirigeable avant qu’il ne s’enflamme. Des lueurs cosmiques synchronisés à des battements de cœur. Et parfois le film vire au burlesque (musique à l’appui) lorsqu’il dévoile ces tentatives manquées d’envol.

     Le film s’ouvre dans le vif : Une plate-forme de lancement. Une salle de contrôle, les yeux rivés vers le ciel. La carlingue d’un vaisseau. Des visages. Un décompte. Décollage. La boucle reprendra vers la fin du film, quasi identique, comme pour rappeler que tout n’est qu’un éternel recommencement. Que tout est à la fois magnifique, fou et vain. L’hypnose par l’absurde.

     C’est une succession d’images détournées provenant d’archives probablement utilisées pour des films de propagande. Pelechian les assemble avec des images d’anonymes et de projets scientifiques, formant un tout vertigineux et musical. C’est Vertov qui aurait rencontré 2001, l’odyssée de l’espace dans un collage d’images et une expérience sensorielle hors du commun. Un voyage effrayant et somptueux.

     Cette ambivalence – fascination / répulsion – est toujours au cœur de son cinéma. Rien d’étonnant à voir une foule acclamer le retour d’un cosmonaute dans une rue partiellement inondée avant d’en voir une autre pleurer ses héros disparus. Le film est jalonné de raccords fous. C’est une merveille de montage. Chef d’œuvre.

We live in time – John Crowley – 2025

14. We live in time - John Crowley - 2025Le temps de l’amour.

   7.0   Le titre traduit du film ne lui rend vraiment pas honneur. L’amour au présent : ça ressemble à tous ces titres de rom’com de Noël abreuvées par Tf1 ou Netflix. Préférons l’original, captant bien l’idée du couple à travers le temps. Représentant in fine davantage aussi l’idée du mélodrame.

     We live in time raconte donc l’histoire d’un couple sur une dizaine d’années. Elle est cheffe cuisinière, il est représentant pour une marque de céréales. Ils se rencontrent tandis qu’elle vient de quitter sa petite amie et qu’il est en plein divorce. Il veut des enfants, elle non. Elle tombera malade, un cancer dont elle sera vite en rémission. Ils auront une fille. Elle tombera à nouveau malade. C’est si trivial, si déprimant raconté ainsi.

     Mais John Crowley a l’idée astucieuse quoiqu’un peu manipulatrice de déployer cette histoire d’amour à la manière du 21 grammes, d’Inarritu. Il navigue dans le temps et fragmente son récit, moins pour nous perdre ou faire le malin, que pour illustrer son titre, d’un amour capté dans le temps, comme Zemeckis captait lui récemment avec Here, un unique lieu, à travers le temps, de façon tout aussi éclatée.

     Ce qui est très beau, très réussi, c’est la limpidité des enjeux malgré le dédale imposé par le dispositif. On s’y perd au départ mais très vite, tout est clair, sans que le film ne donne de repères évidents (de dates ou de lieux) c’est dire combien Crowley, à qui l’on devait le beau Boy A (qui révéla Andrew Garfield) il y a dix huit ans, a confiance en son spectateur et en son récit.

     L’idée c’est donc l’amour dans le temps. Ce qu’on veut en faire, ce qu’on va laisser de soi. Le personnage incarné par Florence Pugh se donnera la mission de participer au concours Bocuse. Mais est-ce vraiment ce dont elle a besoin ? Le film cumule les jolies correspondances (celle des œufs, magnifique) et de belles scènes, sans cesse partagées entre légèreté et gravité, à l’image de celle de l’accouchement (tellement drôle) et de celle sur la glace (tellement déchirant).

     Pas mal pensé au I origin, de Mike Cahill. Beaucoup aimé. Et donc en grande partie grâce aux deux interprètes. Géniaux tous les deux.

L’usine (Fabrika) – Sergei Loznitsa – 2004

12. L'usine -Fabrika - Sergei Loznitsa - 2004Nerfs d’acier et d’argile.

   7.5   Ici Loznitsa investit une de ces usines divisées en deux ateliers, fonderie et briqueterie, afin de s’intéresser en deux parties distinctes à l’acier puis l’argile, et à leur transformation. C’est bien ce qui caractérise son cinéma, cette obsession de la matière. C’est aussi comme souvent chez lui une occasion de filmer les hommes et les femmes, dans un dyptique plus distinct encore ici : la masculinité, pour l’acier et la féminité pour l’argile, répartition héritée du modèle soviétique. Les plans sont tous fixes et longs et s’intéressent aux postures et aux gestes des ouvriers et ouvrières, à leurs répétitions, jusqu’à la déshumanisation. Chaque plan est un tableau d’une mécanique industrielle au sein duquel s’organise une dynamique humaine asservie et des éclats visuels sidérants, de fours et métal en fusion d’un côté, de machines froides et néons de l’autre. Deux mondes, l’un chaud l’autre froid, l’un rouge l’autre vert, l’un bouillonnant l’autre humide. Un monde rouillé et désintégré, qui survit uniquement grâce à ces dociles manœuvres, automates à son service. Les ruines du régime soviétique. La monstruosité du travail saisie dans toute sa cruelle et paradoxale beauté matérielle, carcasse de valves, de cuves, de brasiers, de poulies. Il faut aussi entendre les râles de l’acier et les murmures de l’argile. Son plus beau film.

Bird – Andrea Arnold – 2025

15. Bird - Andrea Arnold - 2025Le corbeau puis le renard.

   4.0   Très déçu. L’impression d’avoir assisté à des (mauvaises) chutes de Fish Tank, parfumées d’un semblant de Kes de Ken Loach avec un zeste du Règne animal, de Thomas Cailley. Le réalisme social cher à la cinéaste se vautre ici dans un réalisme magique franchement lourdingue. Je trouve le film empesé, cloisonné dans ses métaphores animalières, ses interprétations forcées, son esthétique prolétarienne et son filmage à l’épaule d’une complaisance un peu embarrassante. L’équilibre qu’Andrea Arnold trouvait dans Fish Tank, entre l’énergie et l’émotion, ne fonctionne pas ici. Ne reste qu’une énergie un peu vaine. Et puis je ne vois pas où le film veut en venir ou au contraire je le vois trop bien : Cesse de bayer aux corneilles, soit rusé comme un renard. Au secours. Pas loin de trouver ça complètement nul.

Et la fête continue ! – Robert Guédiguian – 2023

19. Et la fête continue ! - Robert Guédiguian - 2023Sortir des ruines.

   6.0   Après une parenthèse malienne (Twist à Bamako) le réalisateur de Marius et Jeannette revient sur ses terres de prédilection, avec sa petite famille d’interprètes fétiches (Ascaride, Daroussin, Meylan) et à une mobilisation citoyenne et politique, jusqu’à l’élection d’une coalition municipale de gauche.

     Le point de départ c’est l’effondrement de deux immeubles rue d’Aubagne à Marseille en 2018, qui fit huit morts : Dès lors, la place Homère sera rebaptisée place du 5 novembre. Le film s’ouvrira d’ailleurs sur les images d’archives de la catastrophe.

     C’est de cette poussière et ce vide béant que Guédiguian ira chercher la lumière, de l’engagement politique et romantique, du désir et du combat, de la solidarité plus globalement, au travers d’un film choral très solaire, très doux, mais évidemment non dénué de gravité et mélancolie.

Le quatrième pouvoir – Serge Leroy – 1985

13. Le quatrième pouvoir - Serge Leroy - 1985La couleur de la vérité.

   6.0   Un film de Serge Leroy qui ressemble à un film d’Yves Boisset. On y ressent les influences du cinéma américain, notamment post Watergate. C’est un beau film sur la mécanique journalistique. Sur l’affrontement entre la presse écrite et la presse télévisée, le journalisme d’investigation et le journalisme politique, La presse indépendante et intègre d’un côté, la course à l’audimat de l’autre, déontologie et arrivisme, quête de la vérité et concessions face aux hauts fonctionnaires. C’est par ailleurs le relais d’informations qui fascine ici bien plus que la résolution de l’enquête initiale, qui se dissout dans l’investigation complotique concernant les hautes sphères de l’Etat. Le film n’est jamais sensationnaliste. Mais il brûle d’énergie, de mouvement. Malgré tout, le soin se joue principalement au sein des dialogues et des interactions générales. C’est un film de son époque, parfaitement ancré dans les années 80. Le duo Philippe Noiret / Nicole Garcia est parfait. Et bien accompagné par une super distribution secondaire.

Les saisons (Vremena goda) – Artavazd Pelechian – 1972

23. Les saisons - Vremena goda - Artavazd Pelechian - 1972Voyage en Arménie.

    7.0   Sans doute le film le plus célèbre de son auteur. Ce fut ma porte d’entrée dans le cinéma de Pelechian. C’était il y a huit ans. J’étais pas préparé. J’étais passé complètement à côté. Évidemment c’est magnifique. Et très doux : un voyage tout en harmonie entre l’homme et la nature, les bergers et les montagnes arméniennes. On y voit un berger tenter de sauver sa brebis dans un courant, des paysans dévaler des collines avec leurs bottes de foin, une rangée de paysans fauchant le blé en cadence formant une ligne sous l’arrête d’une montagne. Et par des effets de montage et de rythme dont seul Pelechian a le secret, une séquence succède logiquement à la précédente avant de se fondre dans la suivante. Vivaldi accompagne ce voyage à travers les saisons. C’est très beau.

The Commitments – Alan Parker – 1991

04. The Commitments - Alan Parker - 1991Le temps d’un groupe.

   6.0   Longtemps, durant le visionnage, j’ai craint que ce soit le portrait d’une success story, qu’on se dirige vers une sorte de célébration de la réussite impossible d’un groupe musical improvisé et disparate. Que nenni, c’est une illusion, tout à fait éphémère, grisante, galvanisante qui se meurt comme elle est née. C’est très beau. C’est donc l’histoire de la construction d’un groupe de Soul irlandaise dans un quartier ouvrier de Dublin. C’est uniquement cela et c’est suffisant parce qu’il y a dix zicos paumés et bruyants à filmer, occasionnant de sacrés joutes verbales et rivalités diverses au sein des nombreuses répétitions. Et je n’ai pas eu l’impression qu’on en filmait un plus que les autres, un peu comme dans un autre beau film musical d’Alan Parker : Fame. Peut-être même que le vrai personnage principal c’est Dublin et la crise économique. Un beau feel-good-movie qui ne manque pas de lucidité, en somme.

Rififi à Tokyo – Jacques Deray – 1963

03. Rififi à Tokyo - Jacques Deray - 1963La valse des truands.

   6.0   Un Deray qui était disponible sur Canal dont je n’avais même pas connaissance le nom. C’est son deuxième film. Rififi à Tokyo raconte l’histoire d’une bande de malfrats – et en particulier d’un gangster vieillissant (Charles Vanel) préparant son dernier coup – qui organise le braquage d’une banque à Tokyo afin de récupérer un diamant, aussi convoité par la pègre japonaise. Bref, c’est Du rififi chez les hommes, transposé au Japon, moins la maestria formelle de Jules Dassin. Deray fait le boulot, certes, son film est très beau visuellement, mais il manque de souffle, de clarté dans ses enjeux à croire que Jacques Deray (à la réalisation) et José Giovanni (à l’écriture) sont un peu dévorés par les lieux et le mélange culturel. Mais le film laisse une trace malgré tout tant il ne ressemble pas vraiment aux films de casse habituels, dans sa mélancolie et son désenchantement et réussit paradoxalement dans cette impression de gangsters déracinés, perdus dans un monde dont ils ignorent les codes.

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