Nerfs d’acier et d’argile.
7.5 Ici Loznitsa investit une de ces usines divisées en deux ateliers, fonderie et briqueterie, afin de s’intéresser en deux parties distinctes à l’acier puis l’argile, et à leur transformation. C’est bien ce qui caractérise son cinéma, cette obsession de la matière. C’est aussi comme souvent chez lui une occasion de filmer les hommes et les femmes, dans un dyptique plus distinct encore ici : la masculinité, pour l’acier et la féminité pour l’argile, répartition héritée du modèle soviétique. Les plans sont tous fixes et longs et s’intéressent aux postures et aux gestes des ouvriers et ouvrières, à leurs répétitions, jusqu’à la déshumanisation. Chaque plan est un tableau d’une mécanique industrielle au sein duquel s’organise une dynamique humaine asservie et des éclats visuels sidérants, de fours et métal en fusion d’un côté, de machines froides et néons de l’autre. Deux mondes, l’un chaud l’autre froid, l’un rouge l’autre vert, l’un bouillonnant l’autre humide. Un monde rouillé et désintégré, qui survit uniquement grâce à ces dociles manœuvres, automates à son service. Les ruines du régime soviétique. La monstruosité du travail saisie dans toute sa cruelle et paradoxale beauté matérielle, carcasse de valves, de cuves, de brasiers, de poulies. Il faut aussi entendre les râles de l’acier et les murmures de l’argile. Son plus beau film.