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Archives pour février 2025

L’impossible Monsieur Bébé (Bringing up Baby) – Howard Hawks – 1938

01. L'impossible Monsieur Bébé - Bringing up Baby - Howard Hawks - 1938En chère et en os.

   7.0   Avec ses situations saugrenues, ses dialogues percutants et son rythme dantesque, L’impossible Monsieur Bébé est un fleuron de la screwball comedy.

     Mis en scène par Howard Hawks, qui toucha pourtant à tous les genres, le film est une savante succession de gags (visuels ou de langage), blagues ou quiproquos en rafale. Jamais une comédie loufoque n’atteint ce degré de frénésie.

     Un paléontologue s’apprête à recevoir le très attendu os de clavicule pour parfaire la reconstitution d’un squelette de brontosaure grandeur nature mais il doit aussi se marier avec sa secrétaire dans la journée. Or en plein golf puis dans un restaurant chic il va croiser la route d’une riche héritière maladroite qui l’emmènera entre autres dans une course au léopard.

     Cary Grant (grimé en Harold Lloyd) et Katharine Hepburn y sont tous deux excellents.

     Mais le film pâtit de son extravagante cadence, justement, à mon humble avis. S’il se relance en permanence (le fauve entre en scène au bout de vingt-cinq minutes, la tante aux deux-tiers) il me semble que le film n’est jamais aussi parfait et hilarant que durant son premier quart. Ensuite il lui manque une respiration, un glissement formel ou narratif, une cassure.

     J’avais adoré la première fois. Cette fois, moins. Suivant l’humeur c’est donc assez épuisant mais tellement impressionnant et radical dans son uniformité de ton, son dispositif comique entretenu d’un bout à l’autre et au diapason du personnage féminin, instinctif et cyclothimique, qui passe à l’essoreuse aussi bien Carry Grant que le spectateur qui devient lui aussi, le temps d’un film, Cary Grant.

Le gout des autres – Agnès Jaoui – 2000

16. Le gout des autres - Agnès Jaoui - 2000La moustache.

   6.0   Castella est un petit patron de PME, pas méchant, comme tout le monde s’accorde à le dire, mais très beauf. Un jour il se retrouve au théâtre devant une représentation de Bérénice, pas du tout parce qu’il vénère Racine mais par obligation parce que sa nièce y joue. Il se fait chier comme un rat mort jusqu’à littéralement flasher sur une des actrices, Clara. Une sorte de ravissement, qui le pousse à retourner voir les prestations suivantes, à s’intéresser à ce petit groupe d’artistes en vue de passer du temps avec Clara, du moins attirer son attention. Il la rejoint pour un repas, achète une toile d’un ami peintre de l’actrice. S’il poursuit les cours d’anglais c’est évidemment moins en vue d’être bilingue que pour écrire un poème à cette actrice aussi prof d’anglais à ses heures. S’il se rase brutalement la moustache ce n’est pas pour plaire à sa femme aux goûts fleuris qui le répugnent (« marre de vivre dans une bonbonnière ») que parce qu’il a entendu Clara, au détour d’une conversation, dire qu’elle n’aimait pas les moustaches. Or, elle se fiche complètement de lui, le méprise. Et c’est justement quand il comprendra cela, s’éloigne d’elle, qu’elle reviendra vers lui : lorsque la certitude d’une supériorité bourgeoisie culturelle de l’une se heurte au supposé vide vulgaire de l’autre, soudain animé par la beauté.

     C’est un film choral articulé autour d’un unique objectif : la jonction des univers, des ignares et intellectuels, des bourgeois et des prolos, des industriels et des artistes. Et donc le chassé-croisé forcément cruel qui découle de ces rapports impossibles. Il s’agit aussi de suivre le garde du corps de Castella ainsi que son chauffeur. Ainsi que de suivre la serveuse du bar dans lequel tout ce petit monde passe leurs afters. Les dialogues sont finement écrits, l’interprétation assez irréprochable, jamais emphatique – Bacri y est fabuleux, très touchant. Mais le dispositif est assez cousu de fil blanc, je trouve, cloisonné dans un système assez binaire et laborieux : l’art abstrait face aux papiers peints Desigual / Racine face aux blagues de cul, pour faire vite. Mais la tendresse l’emporte, je crois. J’en gardais un souvenir de leçon de tolérance pour les nuls, mais sa mélancolie m’a séduit cette fois. Les solitudes respectives incarnées par Bacri, Alvaro, Lanvin, Chabat, Jaoui, m’ont touché. Il y a de très jolis moments.

Providence – Alain Resnais – 1977

14. Providence - Alain Resnais - 1977Clive pour mémoire.

   3.0   Un vieil écrivain malade fait venir ses enfants pour son soixante dix-huitième anniversaire. Auparavant il passe une nuit d’insomnie et d’ivresse à rêver d’une fiction autour de personnages constitués des membres de sa famille.

     Les trois quarts du film sera donc le récit imagé de cette création mentale, qui tâtonne, fait se chevaucher les lieux, les temporalités, les irruptions de personnages, un univers fantasmé et le réel déformé par sa mémoire défaillante.

     Parfois, Resnais m’ennuie à mourir. C’est le cas ici, dans cet essai conceptuel. Souffert comme rarement. Je n’aurais gardé que les vingt dernières minutes, dans le parc de cette bâtisse. Tout y était. Le film sur le deuil de cet homme dont la femme s’est suicidée résonne déjà brutalement dans cet épilogue. Tout ce qui précède n’est qu’un gloubiboulga laid et sans queue ni tête.

     Je sais que c’est un film adoré par beaucoup. Que c’est un film multi-césarisé. Qui reprend tous les thèmes chers au cinéaste de Je t’aime, je t’aime. Mais rien à faire de mon côté : j’ai trouvé ça aussi éprouvant que Stavisky, I want to go home ou Vous n’avez encore rien vu.

Tous les matins du monde – Alain Corneau – 1991

13. Tous les matins du monde - Alain Corneau - 1991Le tombeau des regrets.

   7.0   Au XVIIe siècle, reclus dans son manoir, M. de Sainte-Colombe compose de la musique baroque et maîtrise la viole de gambe comme personne. Triste et sauvage, il ne se console pas de la mort de sa femme. Il élève ses deux filles dans la doctrine janséniste et le goût de la musique pure. Un jeune admirateur, Marin Marais, force sa retraite et souhaite devenir son élève. Deux conceptions musicales s’affrontent : l’austère solitude de l’un face à la mondanité arriviste de l’autre.

     Or le film s’ouvre d’abord sur ce personnage d’admirateur. Son visage emplit le cadre. Sa fatigue, sa vieillesse et sa tristesse aussi. Gérard Depardieu sera celui qui se souvient. Guillaume Depardieu incarnera son personnage quelques décennies plus tôt. Cette idée de relais, de faire jouer le père par le fils est déjà magnifique.

     Marielle y incarne tout aussi merveilleusement ce mystérieux compositeur et violiste de l’époque baroque, ce veuf inconsolable, qui s’enferme dans une cabane. Tous les matins du monde est avant tout un beau film sur le deuil.

     Sa réussite est assez insolite puisqu’il totalise plus de deux millions d’entrées en France et sa bande-son (de la musique ancienne !) signée Jordi Savall, est propulsée au top30 de RTL Virgin.

     Mais le film est superbe aussi bien visuellement qu’à écouter. Corneau n’a pas fait que des bons films mais celui-là en est un.

Thérèse – Alain Cavalier – 1986

12. Thérèse - Alain Cavalier - 1986Sœur sourire.

   5.5   C’était ma première rencontre avec le cinéma d’Alain Cavalier, il y a fort longtemps. Un peu rude. J’étais curieux d’y jeter à nouveau un œil. Le film est comme dans mes maigres souvenirs, très austère. Cloîtré dans son couvent, le quotidien des sœurs et en grande partie de celle qui deviendra Sainte Thérèse, une fois canonisée après son décès prématuré de la tuberculose. La carmélite de Lisieux est captée outre sa gaieté permanente (jusque dans la souffrance de la maladie) dans ses tâches diverses au sein d’un décor réduit à peau de chagrin, plans fixes et scènes très courtes, entrecoupées de fondus au noir, restituant méticuleusement les visages et les corps dans un cheminement de soumission mystique impalpable. Ce n’est pas un biopic comme un autre, c’est certain. Mais cet impressionnant art du dépouillement révèle, tout de même, une fabrication moins passionnée que corsetée.

Borgo – Stéphane Demoustier – 2024

09. Borgo - Stéphane Demoustier - 2024Engrenages.

   8.5   Mélissa, est une surveillante pénitentiaire expérimentée. Auparavant affectée à Fleury elle est mutée en Corse ou elle s’installe avec ses deux jeunes enfants et son mari, l’occasion d’un nouveau départ. Elle est propulsée à Borgo, un centre pénitentiaire où dit-on, ce sont les détenus qui surveillent les matons.

     L’intégration de Mélissa est néanmoins facilitée par Saveriu, un jeune prisonnier qui semble influent et la place sous sa protection, à moins qu’il s’agisse d’un rapprochement un peu dangereux, d’un terrain glissant. En parallèle nous suivons le récit d’une enquête centrée sur un double assassinat sur le parvis d’un aéroport – basée sur le fait divers ayant eu lieu à l’aéroport de Bastia en 2017.

     Je n’avais pas été très intéressé par les deux premiers films de Stéphane Demoustier, mais je me demande s’il ne faudrait pas que je les revoie. Après l’excellent La fille au bracelet (déjà vu deux fois) le frère de l’actrice bien connue confirme son talent de cinéaste et passe même à la vitesse supérieure. L’inspiration du fait divers révèle bien l’intelligence de l’auteur : c’est un décorum, un point de départ, la fiction et surtout la mise en scène l’emportent. A ce petit jeu, la Corse elle-même est filmée autrement, nous épargnant l’ambiance de cartes postales qu’on connait tous.

     Borgo est une merveille, un film absolument brillant, dans sa narration, son étonnante construction, sa caractérisation de personnages, sa façon de brouiller les codes des genres, de mélanger les genres. Bien qu’on comprenne assez rapidement l’idée qu’exploitera le film dans son dernier segment, sa tension et sa force émotionnelle n’en sont pas évaporées pour autant, la mise en scène étant qui plus est toujours aussi inspirée, quasi Depalmesque dans sa multiplication des points de vue. 

     C’est à la fois un super film de prison, une drôle d’enquête policière et un émouvant portrait de femme. Et tout cela non sans une certaine opacité qui permet au film de préserver ses parts d’ombre et de mystères. Très grand film. Porté bien sûr par une immense Hafsia Herzi, dans la continuité du très beau Le ravissement, d’Iris Kaltenback l’an dernier. Dégoûté là-aussi de pas l’avoir vu en salle celui-là car il était haut la main dans le top ten de fin d’année.

Un parfait inconnu (A complete unknown) – James Mangold – 2025

05. Un parfait inconnu - A complete unknown - James Mangold - 2025Blowin’ in the wind.

   6.5   Pas revu Walk the line depuis sa sortie (vingt ans déjà, bordel) donc je me garderais bien d’effectuer quelque comparatif, simplement Un parfait inconnu m’a semblé être une belle réponse à Walk the line, un beau contrechamp, un film plus musical, moins intimiste peut-être, mais j’apprécie la passion que génère chaque film, cette passion de narration, de décorum, de rythme, d’amour pour Bob Dylan au même titre que pour Johnny Cash.

     Mangold est vraiment un cinéaste artisan passionnant. Ici dès les premiers plans on a le sentiment d’être à New York au début des années 60. La reconstitution est idéale, jamais clinquante. Et pour moi qui connais peu le milieu folk c’est aussi une belle plongée pédagogique, documentée, incarnée, superbement interprétée.

     Je trouve néanmoins dommage que le film s’intéresse si peu à Sylvie (Suzie Rottolo) et qu’elle ne soit définie que dans son rapport à Dylan exceptée quand elle se casse à Rome et disparaît du récit, cqfd. Dylan fait une autre rencontre un moment mais pareil la nana est amoureuse, il lui dit que c’est flippant et on ne la voit plus. Il me manque un peu d’émotion, dans l’ensemble, je crois.

     Mais je pense que le film s’est concentré sur cette idée de narration par la musique et donc par les musiques de Dylan. Pas un plan sans sa guitare. Pas une scène autour de laquelle ne tourne pas un de ses morceaux. Par ailleurs, je trouve que tous les moments avec Robin Guthrie sont les plus émouvants. Et que la séquence du festival ou Dylan chante avec Joan Baez devant les yeux de Suze Rotolo est d’une beauté totale.

La Rosière de Pessac 79 – Jean Eustache – 1979

03. La Rosière de Pessac 79 - Jean Eustache - 1979« Il faut que tout change pour que rien ne change »

   7.0   Jean Eustache retourne à Pessac onze ans plus tard afin de filmer la traditionnelle élection de la Rosière. Tout y est identique et pourtant l’époque a changé. En premier lieu, ce qui change ostensiblement, ce qui frappe d’emblée, d’un point de vue formel, c’est le choix de la couleur. Peut-être ce choix rend t-il plus désuet encore cet étrange rituel de village. Mais il y a autre chose. Là où le premier film semblait rendre compte des étapes de cette coutume, de façon très neutre et méticuleuse, celui-ci fait presque office de reconstitution programmé. Et pourtant, Eustache filme exactement la même chose. De la même manière. C’est comme si les sujets avaient cette fois conscience du résultat à venir. Comme s’ils avaient vu le film de 1968. Le maire n’est plus le même et celui-ci semble surjouer. Les élections sont un vrai bazar, comme si on cherchait à les orner de rebondissements scénaristiques. La jeune Rosière elle-même semble surjouer le trouble et la gêne de se retrouver embarquer dans cette cérémonie absurde et archaïque, à enchaîner les bises aux notables. D’ailleurs, un élément est génial : elle est élue Rosière mais n’y habite plus. Il faut aller la chercher je ne sais où. Dans la dernière partie Eustache capte les festivités. Là encore son regard est neutre, sans surplomb, il saisit l’instant, le lieu, l’époque. Mais il y a deux très nets pas de côté. Le premier c’est une mise en abyme. Le temps d’un instant, quelques secondes, il filme l’équipe en train de filmer les déambulations de la Rosière. Mais très vite on revient au documentaire pur. C’est très troublant et cela ajoute à l’aspect de miroir déformé opéré par ce deuxième film. Le second concerne sa sortie. Un travelling nous éloigne lentement des festivités, figeant définitivement ce rituel dans le passé. C’est un vertigineux film théorique, un film passionnant en échos ou quasi réversible avec le précédent, un peu comme les deux parties d’Une sale histoire.

Le tableau volé – Pascal Bonitzer – 2024

11. Le tableau volé - Pascal Bonitzer - 2024Le vrai du faux.

   5.0   Avant de voir celui-ci, j’avais vu quatre films réalisés par Pascal Bonitzer, mais j’aurais bien été incapable, sans recherches, d’en citer un. C’est dire combien son cinéma me glisse dessus. Et c’est sensiblement ce que j’ai éprouvé devant ce film, peut-être bien son meilleur, que je vais aussi très vite oublier.

     Un commissaire-priseur reçoit un jour un courrier selon lequel une toile d’Egon Schiele, considérée perdue, aurait été découverte à Mulhouse chez un jeune ouvrier chimiste. Il se rend sur place et découvre que le tableau est authentique, un chef-d’œuvre disparu depuis 1939, spolié par les nazis. André voit dans cet événement le sommet de sa carrière, mais c’est aussi le début d’un combat qui pourrait la mettre en péril.

     Le film est pensé à partir de l’histoire réelle du tableau Les Tournesols fanés disparu en 1942 et réapparu en 2004.

     La plus belle idée du film, pas forcément bien exploitée à mon sens, c’est le transfuge de classe que représente ce jeune commissaire-priseur, né du prolétariat et réfugié dans une carrière solitaire, de luxe et de réussite. Le parallèle avec le personnage d’ouvrier détenteur du tableau de Schiele est bien vu. Et Alex Lutz est très bon.

     Néanmoins, entre spoliation des biens juifs, clients richissimes, classe ouvrière, œuvre authentique et partie de mensonges, le film fait mine de tout mélanger mais il évite tout je trouve. Et en grande partie de faire le récit initiatique d’une jeune stagiaire sur le marché de l’art. Ce personnage (incarné par Louise Chevillotte) ne sert pas à grand-chose sinon à étoffer la partie scénaristique.

     Bonitzer est un excellent scénariste et dialoguiste, et il semble avoir mis son talent dans ce film ci, qui manque toutefois beaucoup de mise en scène à mon avis. Il ouvre des pistes, des brèches partout mais ne choisit pas vraiment sa voie, son point de vue et sa mise en scène qui sont aussi transparents que ses personnages.

     J’aurais adoré voir le même film réalisé par Nicolas Pariser, je crois.

Jusqu’à l’os – Sébastien Betbeder – 2019

32. Jusqu'à l'os - Sébastien Betbeder - 2019Parti sensible.

   5.0    Thomas, pigiste au Courrier Picard, doit faire le portrait d’Usé, figure incontournable d’Amiens, musicien atypique et ancien candidat à l’élection municipale. En parcourant la ville, et la vie d’Usé, puis en s’abandonnant à une nuit d’ivresse, les deux hommes vont apprendre à se connaître avant de découvrir dans un terrain vague le corps inanimé d’un homme… qui se réveille.

     C’est une version courte servant de base au long métrage Tout fout le camp. Mieux vaut la voir avant tant elle n’est qu’une ébauche, certes tout à fait dans l’esprit du cinéma de Betbeder, mais sans le glissement narratif, tonal et formel imposé par le long, qui fait succéder les rencontres aux rencontres, formant un groupe éclectique, savoureux, émouvant et complètement barré à la fin.

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