Confinés léger.
5.5 Deux frères passent le confinement ensemble dans la maison de leur enfance, dans les Yvelines, dans un village de la Vallée de Chevreuse, accompagnés de leurs nouvelles compagnes. Étienne est réalisateur de film, Paul journaliste musical. La dimension autobiographique n’est pas masquée, Olivier Assayas ouvrant son film (et il y revient régulièrement) par des plans fixes des lieux, cette maison et son jardin, accompagnés de sa voix, en off. Cette maison c’est celle qui l’a vu grandir, c’est celle de ses parents, dorénavant la sienne, la leur, à lui et son frère Michka.
Il s’agit donc du récit des trois mois de covid vécus chez les Assayas. À priori on s’en branle. D’autant qu’il y a pire comme endroit : ils peuvent même faire leur jogging ou du tennis dans la propriété tellement c’est grand. Le film est parfois insupportable d’obscénité qui plus est dans ces petites engueulades, autour des gestes barrière, du lavage des courses, des commandes Amazon, de la paranoïa collective et du vivre ensemble plus globalement. Sans parler du temps passé à se faire des blind tests, à parler cinéma, manger des crêpes, à se prendre la tête pour faire cuire des fraises puis comment récupérer une casserole cramée. Le confinement c’était vraiment pas le même pour tout le monde. Mais faut avouer que Macaigne et Lescot sont excellents, souvent très drôles.
Ça peut être affreux pour certains j’imagine (le film s’est fait démolir de partout, c’est compréhensible) pour moi ça passe, tant il rejoint le cinéma d’Assayas en général, cette vision à la fois fantasmée et bourgeoise qui le caractérise, qu’on trouvait déjà dans Après mai ou L’heure d’été. Mais comme avec ces deux films, il parvient à trouver une émotion, libérer des trouées, une mélancolie dans l’intimité. Notamment au cours de cet épilogue avec Maud Wyler jouant Mia Hansen-Løve et cette discussion de parents lors de l’échange de garde de leur fille. C’est d’une grande douceur.
Et un peu à l’image de ces séquences qui entrecoupent la fiction, séquences commentées des lieux, des objets, de l’histoire de cette maison, pas si loin de ce que pouvait faire Varda. C’est la vertu documentaire du film qui m’attrape. Et je pense que c’est la seule motivation d’Assayas pour le faire. Dommage qu’il se vautre dans une ultime scène, revenant à l’essence même de son combat ridicule, l’obsession de l’immobilier, de la propriété et la transmission du patrimoine.
En définitive, c’est un peu le contrechamp gauchiste du 8 rue de l’humanité de Dany Boon. Deux films très bourgeois, mais aux deux antipodes politiques de cette bourgeoisie, deux films qui se répondent et qui servent finalement de parfaits documents (l’un est toutefois plus regardable que l’autre, chacun choisira) sur le covid vu par des cinéastes français privilégiés.