Un air de famille.
8.0 Seulement quelques semaines avant la sortie de The Insider, sortait sur les écrans un autre Soderbergh, sa vraie première incursion dans le cinéma fantastique : Presence, tourné pour deux millions de dollars, avec un appareil photo Sony Alpha, sur un scénario de David Koepp.
Le film suit une famille de quatre personnes qui emménage dans une grande maison de banlieue du New Jersey. Celle-ci est habitée par un fantôme. L’originalité c’est que nous suivons ce récit entièrement du point de vue de cette présence dans une série de longs plans séquences, une vingtaine.
On sait combien le réalisateur de Traffic aime passer d’un genre à l’autre, d’un univers à un autre, d’un film populaire à un film confidentiel, d’une expérimentation formelle à l’autre. Celui-ci est avant tout un film dispositif, très théorique, sur les possibilités du cinéma, sur la position de spectateur, sur le vertige du regard. Un film sur un espace donné et une temporalité particulière.
En somme, on est tenté de le comparer au Here, de Robert Zemeckis, qui suivait la vie d’un lieu sur plusieurs époques, familles, générations. Or le cadre ne changeait jamais là où celui de Presence est au contraire très mobile – on vogue d’une pièce à l’autre, on arpente les lieux constamment. Et la temporalité plus resserrée.
Toutes les étapes du récit de maison hantée sont convoquées, de la peur grandissante aux objets déplacés, du placard étrange aux sursauts divers, de l’éclatement familial au surgissement d’une médium. Oui mais voilà, filmé ainsi, avec cette caméra subjective qui interdit inévitablement toute possibilité de contrechamp, cela offre à Presence une force inédite.
C’est simple, le film m’a chopé dès son plan d’ouverture et cette exploration de maison vide, au petit matin. J’avais l’impression de retrouver le début d’Halloween. Quid de savoir de quelle subjectivité nous étions l’œil. J’ai marché de bout en bout, jusqu’à ce dernier reflet et cet ultime cri terrassant. J’ai adoré voyager dans cette maison. Adoré ce qui se jouait – de terrible, insidieusement – au sein de cette famille dysfonctionnelle.
Et pourtant, le film est très épuré. Il ne joue pas la carte d’une peur constante et tape à l’œil façon Paranormal activity. Il ne joue pas non plus celle du récit à tiroirs et aux révélations multiples d’un The Haunting of Hill House. Il ne joue pas non plus le côté poseur d’A ghost story, qui était un beau film sur le fantôme. Presence est avant tout un film sur une famille. Le rôle du (beau)père est magnifique, par ailleurs – et incarné par Chris Sullivan, qui joue Toby dans This is us.
Et puis c’est peut-être un peu con de l’évoquer mais j’ai aussi marché dans son twist final, bouleversant. Pourtant le film lâche quelques pistes mais on est vite conditionné par ce qui nous est au préalable suggéré, au diapason du personnage de la fille, la première à sentir le fantôme. La première à nous voir. Le final m’a scié les pattes. Un peu comme dans les meilleurs Shyamalan, quoi.
C’est un pur film de mise en scène. Un suspense uniquement construit par la mise en scène. C’est un magnifique terrain d’analyse. Grosse claque pour ma part ! Hâte de le revoir…
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