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RR – James Benning – 2007

2a4y9f8cambiadaL’enfant sauvage.

   9.0   Mon fils n’a parfois d’yeux que pour les trains. Regarder passer un train en le surplombant d’un pont. L’entendre sans le percevoir en promenade non loin d’un chemin de fer. Fouler un quai de gare et attendre son passage. Possibilités qu’il accompagne d’un plaisir non feint, entre béatement et excitation, sérieux et jovialité. Un rituel qui me touche beaucoup (et que j’agrémente, finalement) puisque j’ai toujours plus ou moins été fasciné par ce transport, le filmant parfois, le photographiant souvent.

     C’est ainsi que je me suis permis de lui montrer (à mon fiston, 2 ans depuis trois semaines) son premier film de cinéma (hors quelques courts de Charlot) en espérant qu’il serait sensible aux trains de Benning autant qu’à ceux qui font son quotidien. En espérant, en somme, qu’il accepte la barrière de l’écran mais aussi la poésie de la répétition et de l’attente.

     RR, que l’on pourrait traduire (si l’on ôtait l’acronyme) par Railroad, est une succession de plans fixes plus ou moins conséquents où passent des trains. 43 trains. 43 plans. C’est le train qui détermine la durée de ce plan et donc la durée qui nous est offert pour observer cet espace donné. La longueur des plans varie en fonction de la grandeur du train, de sa vitesse, de sa position dans l’espace, dans le cadre. Le plus souvent, ils apparaissent, passent, puis disparaissent. Au fond, dans le champ ou derrière, hors champ. L’un s’arrête un moment et repart. D’autres s’arrêtent aussi mais restent immobiles. Chaque train a sa singularité. Chaque voie ferrée aussi. Et la caméra en se plaçant ici ou là ajoute aussi à la singularité de ce train ou de cette voie ferrée.

     L’idée est de filmer la multitude de possibilités. De varier chaque composante en fonction de l’événement qui le nourrit : le passage du train. Soumettre au cinéma du XXIe siècle ce que les Lumières offraient à la naissance de l’art en réalisant les quatre minutes de L’arrivée d’un train en gare de La Ciotat. Créer l’infinité cinématographique. Une question de hauteur de wagon, de couleurs, de bruit, de vitesse. Et de décor : un silo, une usine, un patelin, une plage, une montagne. Il y a un paysage avant le passage du train et un autre paysage après. Pas tout à fait le même. Enfin, notre regard ne voit pas tout à fait le même. C’est une transformation abstraite.

     Mais plus qu’un film hommage, c’est un voyage à travers l’Amérique. Mouvement, durée et profondeur du plan comme de l’Histoire. Le train transporte avec lui du temps. Les trains serpentent les déserts, brisent les parois rocheuses, traversent les cours d’eau, sectionnent les forêts, alimentent les villes. Train de containers à Angiola, Californie. Un autre de marchandise dans le Kentucky. Un train très lointain dans une prairie de l’Utah, d’où l’on entend le bruit des coyotes. Un train de marchandise en plein brouillard à Manor, Pennsylvanie. Un passage à niveau à Winona, Minnesota. Le seul train contenant des passagers le long de Graviota beach, Californie. Deux ponts. Deux paysages enneigés. On ne va pas tout citer. Pourtant il faudrait parler de quelques détails troublants tel ce klaxon ici, une voix radiophonique là. Ou encore le tunnel Tehachapi où deux chemins de fer se croisent, un étrange marécage rouge, une chanson de NWA, le bruit des éoliennes, recouvrant celui du train après sa halte.

     Je connaissais déjà ce film de James Benning et j’avais par le passé été très gêné par sa construction mais aussi parce que le plan lui-même, avant la focalisation sur son contenant, pouvait représenter. Le passage. Naître puis mourir. Il y avait quelque chose dans ce cérémonial qui me terrifiait. Qui me terrifiait d’autant plus que le plan m’offrait le passage de trains. Trains imposants, scellés, sans fenêtres, sans ornement. Comment ne pas penser à ces allers directs vers les camps de concentration ?

     Je l’ai perçu différemment cette fois. Davantage en tant que parcours au travers d’un continent, racontant son histoire, sa topologie, ses ressources, ses richesses, sa beauté, sa cruauté. 43 plans de trains qui racontent à la fois La conquête de l’ouest et l’ère numérique. L’avènement du train et sa chute. Son sillon rapide quasi abstrait à travers un lac salé infini et son épuisement progressif dans un cimetière de pneus devenu champ d’éoliennes.

     J’ai beaucoup observé les réactions de mon petit garçon. Et je me suis mis à penser à plusieurs reprises que Benning avait dû faire ce film pour rester un petit garçon. Pour se souvenir de lui en tant que petit garçon. Là où la pensée n’est pas encore trahie par l’obligation. Ce n’est pas dans la succession que j’ai décelé parfois un ennui chez lui. S’il y avait vu quatre fois plus de trains, sa réaction aurait été similaire. Non, son ennui est un refus de l’hypnose, je crois. Ce qu’il voulait voir avant tout ce sont des passages de trains – peut-être est-il habitué à les voir vite apparaître et disparaître aussi, en vrai. Dès que le train (de marchandises, fréquemment) s’installe à l’infini (certains plans peuvent durer jusqu’à cinq minutes) il ressent le besoin de se focaliser sur quelque chose qui va à nouveau le surprendre. Il lui arrivait donc de décrocher de ce train à la longueur interminable et observait les alentours, une voiture au passage à niveau ici, des fleurs ou des maisons là. Il guette plus qu’il ne s’abandonne. Ainsi parfois, le plus drôle je pense, il se levait et faisait autre chose tout en gardant un œil sur l’écran afin de ne pas rater la disparition du train (aisé quand il provient d’une profondeur visible, plus délicat quand il vient de notre dos). Et chaque fois, véridique, il revenait pour cette disparition. Aussi pour ne pas manquer l’apparition du prochain.

Zodiac – David Fincher – 2007

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La solitude du génie.

   9.0   A l’instar du JFK de Stone, Zodiac fait partie de ces œuvres qu’il faudrait revoir régulièrement, mettons tous les deux ans, pour constater qu’elle est, au-delà du renouvellement qu’elle impose au genre et la richesse de son récit, un miroir de nos propres sensibilités. Revoir Zodiac c’est revoir chaque fois un film différent. C’est se focaliser sur des éléments qui passaient au second plan la fois précédente. Choisir le mouvement ou la parole ou la reconstitution ou la fausse piste ou l’aliénation ou l’image ou le rythme. Il faudrait écrire des lignes sur chacune de ces composantes. Et voir à quel point c’est un film inépuisable.

     La revoyure de Zodiac arrive à poing nommé dans mon envie de polar, enquête et buddy movie en tout genre juste après avoir revu un autre Fincher, Seven, mais surtout après l’électrochoc que constituèrent les huit épisodes de True Detective. Une belle histoire de polars parfaits, tout ça, en fin de compte. De trucs déments que l’on continuera de voir et de revoir indéfiniment. Qui traverseront j’en suis sûr le temps avec élégance.

     J’ai d’abord reçu – la toute première fois – Zodiac en tant que monstre de documentation méticuleuse. Cette richesse m’avait impressionné mais aussi tenu à l’écart. C’est sa dimension aliénataire qui m’avait terrassé la deuxième fois. Ou l’impression de voir des hommes tomber devant la fascination éprouvée pour ce tueur aux lettres et aux symboles. Tomber physiquement, lamentablement, comme c’est le cas du personnage campé par Robert Downey Jr., qui sombre dans l’alcool et la folie. Ou tomber à petit feu, mentalement, se faire engloutir pour le personnage joué par Jack Gyllenhaal.

     Aujourd’hui c’est l’obsession de Fincher pour mettre en scène la parole que je trouve hallucinant. Rien d’étonnant puisque je redécouvre son œuvre et l’appréhende entièrement de ce point de vue fondamental là. Ou comment ici tenir un film de près de trois heures sans jamais ou presque cesser le dialogue. Tout en restant limpide et passionnant.

     C’est en fait un film d’une grande noirceur mais il est néanmoins habité d’une certaine humeur joviale par instants, arborant çà et là quelques saillies comiques, mais il ne donne pas le temps de rire ni parfois de comprendre qu’il était drôle ou détaché, tout se succédant et se superposant à une vitesse effrénée, indécente. C’est comme les fausses pistes qui le construisent, utilisées pour nous donner l’impression d’être parfois sur le bon fil avant de le détruire plus tard d’un coup de hache. L’une des pistes finales en est l’exemple le plus représentatif, puisqu’elle couvre une majeure partie de l’enquête parallèle de Graysmith et est évincée sans cérémonie. Le film ose cela, sans se défiler, de bâtir du solide et tout anéantir dans une cave – une séquence particulièrement éprouvante, par ailleurs.

     Il y a peu de cinéastes capables de faire trois chefs d’œuvre en l’espace de cinq ans. Fincher fait dorénavant partie de ceux-là. C’est sa trilogie de l’incommunicabilité à lui. Même s’il fait ça depuis le début on sent dans ces trois films le besoin d’en faire une thématique à part entière. Robert Graysmith, Mark Zuckerberg, Lisbeth Salander. Trois personnages isolés aux similitudes confondantes. Véritables autistes et génies passionnés, en décalage total d’avec un monde qui les rejette, dans lequel ils n’ont en tout cas pas la place qu’ils souhaitent acquérir.

     Le film fascine dans son processus de dédoublement et d’effacement, comme s’il voulait aligner sa respiration sur les conséquences de l’enquête. Perdre ses enquêteurs autant que perdre son spectateur. Il est à ce titre curieux de voir des personnages disparaître soudainement, comme Paul Avery qui noie son échec dans l’alcool, sur un vieux rafiot épave, hors du monde. Il pourrait être celui qui relance l’enquête, un moment donné, on se dit que c’est un personnage qui sert de relais, mais pas du tout. Une fois évincé, il ne servira vraiment plus à rien. Pas aux recherches de Graysmith tout du moins. Chez les flics c’est la même chose, ou presque. Si l’un d’eux disparaît à mi film ce n’est pas non plus pour nous orienter vers un banal duo Flic/journaliste que l’on attend (On attend impatiemment la vraie rencontre entre Graysmith/Gillenhaal et Toschi/Ruffalo) mais il n’aura qu’à peine lieu, maquillé. Quand on les sent se rapprocher David Toschi finit par se retirer de l’enquête. Toutes les attentes sont systématiquement déjouées. Ce ne sera plus qu’un duo à distance, téléphonique, codé, sans aucun affect. Le film est d’ailleurs très déceptif dans ses conclusions, au contraire des Fincher d’antan (Le twist de Fight club en est la plus fidèle illustration).

     Le film impose un rythme et une tension hors du commun durant 2h40, et tout cela par le dialogue, généralement. Et puis il y a quelques scènes extérieures, d’une force rare. Celle du lac, avec le couple ligoté puis massacré au couteau. Scène impressionnante. Celle du taxi, en plein carrefour, de nuit, avec la caméra qui remonte peu à peu, venant capter l’appel de détresse de personnes âgées en train de voir exactement ce que l’on est en train de voir. Une autre scène en voiture, avec un bébé sur la banquette arrière cette fois. Et il y a les vingt dernières minutes du film que je trouve absolument extraordinaires. C’est la dynamique que Fincher a réussi à insuffler (par la musique, les mentions géographiques et temporelles, le mouvement permanent de ses personnages) qui est passionnante. On ne s’ennuie pas une seule seconde et pourtant on en comprend pas toujours tout tant ça va vite.

     Les trois derniers films de David Fincher pourraient donc se décliner selon une trilogie, celle de la solitude, irrémédiable. Trois grands films sur l’autisme. Avec en son sein, un personnage génie au centre qui réussit en s’alliant à un tiers avant de sombrer dans sa solitude. La réussite a son revers. L’issue amoureuse pointe chaque fois mais se fait échec inéluctable chaque fois davantage. Graysmith délaisse sa famille mais les retrouvera dans le carton final, sans célébration. Zuckerberg se fait jeter par sa petite amie d’entrée de film et attend un clic d’acceptation à la fin. Lisbeth s’amourache de son binôme provisoire, mais le découvrant aux bras d’une autre lors de l’épilogue, s’engouffrera seule sur sa moto, dans la pénombre.

Casting a glance – James Benning – 2007

1514555_10151892554737106_1274930513_nSpirale temporelle.

     8.0   La spiral jetty est une sculpture de land art construite en 1970 par Robert Smithson. Elle se trouve dans l’Utah sur Salt Lake City. Sa particularité première est d’avoir été érigée lorsque les eaux du lac étaient particulièrement basses avant de disparaître submergée durant plusieurs décennies et de réapparaître régulièrement en fonction des variations du niveau du lac. C’est une digue faite de pierres, un chemin imposant effectuant une avancée droite en mer (environ cinq cent mètres) avant de se replier en spirale. Un escargot de pierre en somme. Une spirale modifiant un paysage comme n’importe quel monument ornant un espace vierge ou disons pur, aux proportions si bien définies que le regard converge inévitablement vers la singularité que cette sculpture occupe dans le cadre. Casting a glance signifie Jeter un œil en anglais et c’est toute la démarche de Benning qui est résumée dans ces mots, d’observateur des infimes parcelles et mouvements singuliers de ce monde. Il effectue ici divers angles de vues, à diverses saisons, durant près de quarante ans, dévoilant les possibilités d’ouvertures du regard que la spirale peut offrir, présente ou non, sans jamais se laisser tenter par la vue aérienne classique. Voir la spirale au sein d’un paysage, dictant le regard, proposant des lignes, supprimant violemment l’horizon invisible, recueillant des couches de neige en hiver, de nombreux reflets en été, les corps lointains de touristes s’y abandonnant. Ou ne pas voir la spirale et accepter la pureté de ce même paysage, en saisissant ici une légère ondulation, là l’aboiement d’un chien hors champ ou un oiseau mort sur la glace. Contrairement aux autres films du cinéaste (que j’ai vu) qui s’attachent à saisir la fragmentation d’un lieu sur une durée donnée présente, sans histoire explicite autre que celle que l’on peut lui donner, Casting a glance s’inscrit cette fois dans une démarche temporelle, multiple, précise et répétitive. C’est un lieu unique qui traverse le temps et raconte sa propre histoire, non plus la somme de lieux. On retrouve néanmoins la fascination du cinéaste pour ce principe d’apparition/disparition qui nourri chacun de ses films, à la différence qu’il choisit ici la transformation lente, celle que seul le cumul des années peut entrevoir. James Benning est donc venu filmer à plusieurs reprises la Spiral jetty de Smithson, une quinzaine de fois d’après les dates qu’ils nous laissent et en a rapporté ce qu’il a vu, le coup d’œil qu’il y a jeté. Portrait saisissant d’un lieu mystérieux, qui résiste au temps car meurt puis ressuscite, prend place ou s’absente, donne à un paysage la convergence des regards venus l’observer et permet de se souvenir d’un lieu à un moment donné de son existence tout en ignorant les autres moments que l’on n’a pu saisir. C’est le portrait de l’incertain, de l’impondérable, d’un lieu saisit dans l’infime représentation de lui-même à travers le temps, comme si l’on racontait l’histoire d’un être en ne proposant que quelques minutes de sa vie.

Primrose hill – Mikhaël Hers – 2007

31.2Au-delà des collines.

   9.0   Sèvres, Hauts-de-Seine. Quatre amis marchent sur les hauteurs de Paris, immense colline qui surplombe le décor, laisse entrevoir une vallée pleine de vie, une perspective sans fin, jusqu’à la colline d’en face. Un groupe de quatre souvent séparé en deux, accentuant les individualités mais surtout le dialogue à deux. Le groupe n’a jamais été aussi bien filmé que chez Hers. Les protagonistes se croisent, échangent leur place sans que cela ne fasse prémédité. L’un prend du retard derrière parce qu’il s’allume une cigarette. L’autre se détache afin de passer un coup de téléphone. Mais chaque fois le présent se prolonge. Il n’y a pas une focalisation, il y en a plusieurs. Et au détour de quelques séquences, régulièrement saisies en un seul travelling arrière – Hers filme le groupe en sens inverse de celui filmé par Van Sant : de face. Ils avancent, la caméra recule – s’immiscent des idées, apportant à la séquence une cassure ou un choix surprenant, soit dans sa trivialité, soit même parfois selon un penchant plus comique. Un groupe qui marche ensemble, deux garçons qui échangent d’un côté, deux femmes de l’autre. Un chemin pris par les uns tandis que les autres prennent un raccourci. Peut-être font-ils toujours cela, peut-être est-ce la première fois, on ne sait pas. Puis le groupe se reforme quelques secondes plus tard et le plan, car il n’a pas changé, abandonne la discussion des garçons pour s’immiscer dans celle des filles. Une autre fois, alors que l’une constate qu’elle ne parle qu’avec l’un de musique, qu’ils n’engagent pas de conversation autrement que musicale, c’est l’autre, disparu par une grille dans l’arrière plan un peu plus tôt qui ressurgit au-dessus d’eux, par une grande clôture pour leur faire peur gentiment. Cela, c’est le cinéma de Hers, cette façon si singulière et authentique de filmer le groupe. L’écriture est un événement chez Hers, chaque dialogue est magnifique, une alchimie parfaite qui évite à la fois les facilités et la pose, le dialogue ampoulé ou trivial. Ou alors c’est une trivialité intelligente. Mais le cinéma de Hers est aussi traversé d’un courant mélancolique d’une intensité rare. Primrose Hill n’y coupe pas, c’est même par cela qu’il commence. C’est une voix off qui ouvre le film, celle d’une femme. Elle parle du groupe, d’un groupe de cinq alors que nous ne voyons uniquement quatre personnages. Elle évoque une colline londonienne alors qu’il semble que nous nous situons à Paris. Cette voix off revient régulièrement, mais se détache de l’image, elle occupe une place importante sans pour autant étouffer ce présent que l’on a sous nos yeux. Un présent d’une richesse hallucinante qui outre cette balade qui s’achève par une partie de football improvisée, une virée à l’hôpital pour rendre visite à un ami (proche pour les uns, quasi-inconnu pour les autres, mine de rien ce choix là est important) qui vient de sortir de réanimation, une promenade en médiathèque puis plus tard, offre, lorsque le film choisit définitivement ses deux personnages centraux, deux séquences incroyables. La première, une scène de séduction dans une chambre, d’une finesse et d’une pudeur merveilleuse, alors qu’elle dévoile leur nudité à tous les deux. La seconde, un retour chez les parents de l’un d’entre eux, bouleversante discussion père/fils qui met en lumière ce que l’on commençait à se douter concernant ce cinquième personnage fantôme, qui n’apparaissait jusqu’ici qu’en voix off. Je n’avais pas vu de dialogues aussi beaux depuis Rohmer. Et je n’avais encore jamais vu un groupe aussi bien filmé dans ses individualités. C’est un film dont je me sens incroyablement proche et dans lequel je vois énormément de moi-même. Cette colline de Primrose Hill, bien qu’on ne la voie jamais dans le film, tellement bien évoquée dans le journal de la fille disparue, de même que cette photographie, ultime cliché du temps de paix (remplacé dans le dernier plan par une du présent, à quatre) me resteront longtemps en mémoire. Dans Primrose Hill, le poids du passé, ses douleurs comme ses bonheurs inéluctablement engloutis, est systématiquement rattrapé par un présent fragile mais qui vaut le coup d’y survivre. On peut voir le film telle une construction en partition car si la musique y est concrètement prépondérante (elle est régulièrement évoquée, le groupe d’amis semble aussi être un groupe de musiciens pop et surtout cette cinquième voix évoque Primrose Hill comme le voyage vers les terres entonnées dans le refrain d’un certain morceau…) elle intervient aussi formellement, Hers choisissant un début à quatre instruments (longue discussion en balade) avant d’en isoler deux (intimité de la naissance d’un amour) pour conclure avec un seul, le soliste (le retour chez les parents) et donc créer une sorte de mélodie pop aux doux accents de jeunesse envolée et de grandes espérances possibles.

Tout est pardonné – Mia Hansen-Løve – 2007

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Les baisers de secours.   

   9.5   L’ellipse est l’élément fondateur de l’œuvre de la réalisatrice Mia Hansen-Love. Elle lui permet à la fois de contourner tout pathos inhérent à ses sujets délicats autant qu’à marquer au fer la cruelle force du temps. Tout est pardonné se découpe en trois parties représentant trois niveaux temporels différents. Les deux premières se rejoignent dans leur continuité temporelle (quelques mois les séparent) mais s’opposent par leur géographie (Vienne puis Paris) tandis que la troisième effectue un saut chronologique de onze ans en avant, déplaçant ainsi le récit centré sur le couple vers leur petite fille devenue grande.

     L’ampleur de la dramaturgie dans le cinéma de Mia Hansen-Love joue beaucoup sur ses bases géographiques et temporelles. Les mouvements dans Le père de mes enfants (déplacement dans la maison de famille en campagne, vacances en Italie, virées sur les tournages) accentuaient cet état d’étouffement lors des retours dans la capitale parisienne. L’envolée détachée à la fin d’Un amour de jeunesse plonge le film dans une mélancolie infinie, entre respiration nouvelle liée à l’espace (volontairement, la dynamique s’essouffle, une jeune demoiselle a grandi) et identification éternelle du passé (souvenirs des lieux). C’est la même chose ici : Vienne, Paris, un Venezuela évoqué, la Corrèze. Une période de onze années. Les films de Mia Hansen-Love portent en eux cette émotion qui traverse le temps, une obsession qui lui permet aussi finalement de s’en affranchir, de faire des films sans véritables unités temporelles, des films intemporels, des films qui lui permettent de traverser le temps, de le suspendre.

     Les cassures en question n’apparaissent pas aux instants où il est coutume de les voir, dans le sens où la cinéaste choisit de ne jamais vraiment se soustraire aux causes/conséquences ultimes de ces déplacements : peu de climax dramatique, d’affrontements de non-retour, de scènes clairement clés. Tout ce que l’on voit se situe entre les lignes. Ce sont des dialogues d’apparences anodines, des errances troublantes, un repas familial, une relation épistolaire. De nombreuses situations qui disent beaucoup de la situation sans jamais tomber dans l’édifiant, le sensationnel. Et même si elle y succombe parfois (l’overdose, la séparation, l’annonce d’une mort) tout est alors enrobé pour l’offrir de la plus pudique des manières. Partant de ce principe, le film n’hésite pas à se séparer de certains personnages, se centrer puis se décentrer, glisser d’un vers un autre, utiliser des personnages intermédiaires.

     C’est un cinéma qui me touche énormément, dans lequel je ressens toutes les douleurs alors qu’elles ne sont jamais ostensibles. Un cinéma qui apprivoise ses personnages par leur corps et leur parole et dont on a la curieuse impression de les voir sortir du scénario. Comme tous ces moments où il nous semble tenir un fil dramatique balisé avant que la mise en scène nous emmène ailleurs. Le plus bel exemple c’est la séquence de fête chez une amie, alors que Pamela vient d’apprendre que son père, qu’elle n’a pas vu depuis onze ans, habite sur Paris tout comme elle. Elle se met à danser et probablement à rêver, il doit s’en passer des choses dans cette tête, il s’en passe aussi dans la notre. C’est La ritournelle, de Sébastien Tellier. Mia Hansen-Love fait tout bien, même ses choix musicaux.

     Les trois parties suggèrent un rythme assez différent. De la gaieté familiale malgré des problèmes encore masqués on en vient à un amour dissolu. La famille unie s’éclate. C’est quelque chose de récurrent dans le cinéma de la jeune réalisatrice. Il y a évidemment la tragédie qui vient casser le bonheur de la petite famille dans Le père de mes enfants, il y a aussi plus discrètement ce couple parent quasi hors champ dans Un amour de jeunesse dont le temps a finalement eu raison. Dans Tout est pardonné, le mouvement à Vienne devient statisme à Paris. Le couple semblait se servir de ses défenses immunitaires de façon imparable (l’idée élégante du film par exemple est de ne jamais faire se prononcer la femme sur la dépendance à la drogue de son mari, comme si elle n’en savait rien, alors qu’elle est clairement au courant de tout) alors que c’est un cancer immuable qui finit par le ronger. Il n’y a plus rien qui tient. C’est le lieu, c’est un tout. Même Pamela, l’enfant, finit reléguée au second plan. Il n’y a plus d’unité. Juste une femme qui sature et un homme qui se perd. La troisième partie pioche sa force dans la retrouvaille père/fille justement parce qu’elle n’est jamais filmée comme telle. On dirait une rencontre. Une rencontre tout en ayant conscience de son aspect retrouvaille. On ne se revoit pas par obligation mais par envie, choix, liberté. Il est moins question d’oublier (ils parleront aussi de ce passé) que de renouer tout naturellement un lien nouveau, délicat, en finesse.

     Il y a cette faculté de ne jamais juger les personnages, de les garder dignes même s’ils sont au fond du trou, même s’ils commettent l’irréparable. Un garçon qui choisit l’aventure entre amis à son idylle amoureuse. Un père de famille, écrivain, qui trouve son réconfort dans la drogue. Un père de famille, encore, dans une situation professionnelle délicate qui opte sur un coup de tête pour le suicide, laissant tout derrière lui. Cette lâcheté n’est jamais pointé du doigt. Qu’ils finissent par réapparaître, qu’ils restent quasiment pour toujours hors champ ou qu’ils disparaissent, ces hommes gardent cette dignité à nos yeux. Ce sont des personnages tiraillés, qui ne font peut-être pas les bons choix, mais de beaux personnages. Le choix fait peur à Mia Hansen-Love, le choix et ses répercussions. Le cinéma lui permet de se projeter temporellement à partir de l’existence de ces choix. C’est aussi de cela dont parle son cinéma : l’importance des choix.

     Mia Hansen-Love attache une importance fondamentale à l’espace dans lequel elle filme. C’est ce qui la rapproche des Rohmer et Rozier, dans le mouvement, la simplicité, le ton. C’est un cinéma très différent, surtout dans son rapport au temps, mais un cinéma qui me donne l’impression que tout ce que l’on voit a une importance fondamentale, tout en restant trivial, ça ne clignote jamais, c’est naturel, miraculeux, ça se rapprocherait pas mal en ce sens du cinéma de Garrel, l’expérimentation formelle en moins. J’aime énormément ce rapport à l’espace. Les racines de la cinéaste sont à Vienne. Commencer le film là pour le poursuivre à Paris, où elle vit, prend alors une valeur émotionnelle et symbolique assez forte. Et il y a bien entendu tous ces moments miraculeux, des moments que l’on peut voir aussi dans ses deux autres films magnifiques. Une séquence sur un pont à Vienne. Une scène de retrouvaille tout en regard, en silence. Une enfant qui joue aux raquettes avec son père. Ou plus difficile : un affrontement conjugal violent, un fixe d’héroïne en temps réel. C’est leur clarté et leur simplicité qui font de ces instants des pics émotionnels discrets mais bien réels.

Naissance des pieuvres – Céline Sciamma – 2007

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Water lilies.

   8.5   Les pieuvres dans le titre ont un double sens. Pieuvres comme la naissance de ces reines du bassin, de ces jeunes sirènes de la natation synchronisée. Un faux sens ici. Ce n’est pas ce qui intéresse Céline Sciamma, ce n’est que le décor. Pieuvres comme ce qui tiraille à l’intérieur, des sensations nouvelles comme des tentacules qui agitent les sens. Cueillir un état de l’adolescence, l’effervescence des premiers émois, les amours indicibles, les petits riens si étranges qui font la richesse de cet âge de la découverte, première guerre avec soi qu’on a le sentiment de vivre comme des adultes. Voilà le véritable sens de ce titre si beau, si poétique, si grave. Pas d’adultes justement ici, même pas au second plan, tout est vécu de l’intérieur, une simple génération qui agonise de ses amours imaginaires, qui refoule ce corps offert, qui n’accepte plus son propre statut. Trois filles. Trois jeunes femmes de quinze ans. Deux amis de longue date, puis un glissement. L’appel de l’amour qui supplante l’amitié. Un amour si fort, si bancal aussi, mais une force indicible, indomptable. La cinéaste filme des instants suspendus, soutenus par la musique de Para One, qui donne une dimension cosmique au film, comme les scènes de boites, filtre rouge, complètement détachées, presque rêvées. Et puis des gestes, des manières auxquelles on ne s’attend pas. Une fille qui observe un plafond et l’assimile à la dernière impression de l’œil avant la mort. Le culte de l’autre par l’objet, l’attirance à s’oublier, à manger une pomme pourrie. Un moment on y enterre un soutien-gorge dans un jardin. On saute dans une piscine en y sortant peu avant la noyade. C’est tous ces gestes inexplicables, sans jugement, qui nourrissent l’intelligent récit de Naissance des pieuvres. Je ne regrette qu’une chose, que la jeune cinéaste n’ait pas mieux filmer les lieux, dans lesquels je vis depuis plus de vingt ans. Eric Rohmer avait donné toute une singularité étouffante et joyeuse à Cergy et ses alentours dans L’ami de mon amie. Céline Sciamma s’installe dans certains recoins, la piscine tout particulièrement, mais elle a du mal en extérieur à se détacher de ses plans serrés sur les visages. Il lui manque une variation, un détachement. Son récit lui permettait largement. Et une durée de plan plus intéressante aussi, pour installer l’angoisse, pérenniser le doute, le mal aise du corps dans cet espace. Tout le monde ne s’appelle pas Claire Denis. Mais avec le temps j’oublie ces points, aujourd’hui ils ne me gênent plus, j’ai appris à adorer le film comme on me l’a offert. Pour en revenir au récit et plus particulièrement à cette fin, comme bouquet final de sensations à différents étages, j’ai trouvé ça prodigieux. La cinéaste s’est aisément affranchi des stéréotypes de l’adolescence, son film ne cesse d’être surprenant et offre trois rôles de personnages absolument incroyables. Il y a des instants – la fin en fait donc partie – carrément déchirants. Et puis cette dernière phrase « Tu vois, c’était pas si difficile » si dure, puisqu’elle traduit parfaitement ces désirs croisés adolescents, entre celle qui rend service et l’autre qui voudrait qu’elle l’aime. Adolescence, monde cruel. Qu’importe alors les points faibles, le plus réussi dans ce film c’est cette impression de dépasser la fiction, d’assister à une mise à nu, une confidence douloureuse. Le regard final est bouleversant.

Still Life (Sanxia Haoren) – Jia Zhang-Ke – 2007

still-life-jia-960x0-c-defaultMétamorphoses du paysage.    

     8.5   Nous sommes à Fengje, en amont du barrage des trois gorges, non loin de Shanghai. Le lieu a son importance tant il est magnifiquement filmé. Un homme cherche son ex-femme qu’il n’a pas vu depuis seize ans et sa fille qu’il ne connait pas. Une femme, de son côté, cherche son mari qui a disparu du foyer depuis deux ans. Deux recherches. Deux âmes errantes, ou presque. Tous deux ont un but, mais il est freiné par les bouleversements des lieux. Il suffit de voir le regard de cet homme pour le comprendre. Ce village qui était jadis le sien a disparu sous les eaux du barrage des trois gorges, entraînant la disparition de souvenirs et le déplacement intégral de la population locale.

     Incroyable ce qui transparaît à l’écran, autant dans la photo à tomber des lieux, cette profondeur à n’en plus finir, et ce fleuve qui semble avoir effacé un lieu, une époque. Tout comme dans l’approche des personnages, la direction des regards, vers un paysage qui n’est plus, un paysage métamorphosé. Quelquefois j’ai pensé à Je veux voir, le film de Khalil Joreige et Joanna Hadjithomas, sorti l’an dernier. Même intensité mélancolique dans les yeux des protagonistes, même tristesse muette.

     Quant à la partition musicale, elle est somptueuse. Elle semble accompagner chaque plan, chaque souvenir, chaque rêve des personnages. Et ces sons qui donnent un nouveau coeur à ce nouvel endroit, le son de la destruction, des masses qui frappent la pierre, perdus dans une immensité fabuleuse. Je n’en revenais pas. J’aurais aimé que ça dure encore et encore, que chaque plan s’installe davantage.

     Il y a pourtant ces deux scènes surréalistes, de cet ovni et du monument fusée, qu’honnêtement je peine à interpréter. Que tente de dire le cinéaste ? Si le premier effet semble simplement servir de liaison fantastique entre les deux histoires, qu’en est-il du second ? J’ai lu quelque part que le décollage du monument (l’histoire de la jeune femme) pourrait répondre à l’effondrement de l’immeuble, dans l’histoire suivante (celle de l’homme). On y voit donc cet éternel parallèle que Jia Zhang-Ke a construit, bâti durant toute la durée du film. Cette idée de destruction/reconstruction, un homme qui cherche à retrouver sa femme pour la reconquérir, une femme qui cherche à retrouver son mari pour le quitter, cette idée de fil entre deux rives symbolisé par ce funambule entre deux immeubles, plan qui semble tout droit sortir d’un tableau. Le monument décolle, la jeune femme souhaite détruire sa relation. L’immeuble s’effondre, un couple se retrouve. Plus qu’un parallèle, c’est une analogie directe entre la vie et la mort.

     Still Life, comme 24 City cette année, parle d’un pays, et en parle de la plus belle des manières. C’est un chant d’amour, poétique, un appel au changement, la marque en tout cas d’un immense cinéaste, avec lequel j’apprends, difficilement c’est vrai avec son dernier film, mais qui me passionne comme personne. Un chef d’oeuvre!

Lumière Silencieuse (Stellet Licht) – Carlos Reygadas – 2007

Lumière Silencieuse (Stellet Licht) - Carlos Reygadas - 2007 dans * 100 01-lumieresilencieuse-300x194Je vous salue Marie.

     10.0   La nuit. Les constellations. Le chant des oiseaux. Le ciel noir étoilé laisse peu à peu place à l’aube progressive, de fins rayons de soleil, puis très puissants vont envahir arbres et vallées, et laisser apparaîte un village de campagne. Il fait jour. Tout le film est à l’image de ce plan, à savoir le levé du jour en temps réel, il se révèle patient, et effectue une approche très sensuelle, naturelle d’une communauté mennonite du Mexique.

     Carlos Reygadas filme au ras du sol ou à hauteur d’homme, un peu à la manière d’un Malick, se faufilant dans les hautes herbes, dans une coulée d’eau de source, l’objectif toujours frappé par ce soleil éclatant. Jamais fixe, la caméra avance, zigzague, à tel point qu’elle en devient presqu’objet de documentaire, et nous propose de planer, de s’embarquer dans ce voyage aérien.

     Johan semble très contrarié. Après la prière du matin, les enfants s’en vont, probablement à l’école, sa femme s’en va aussi, il s’effondre en pleurs. En réalité Johan a le coeur tiraillé. Deux femmes l’occupent. Et pourtant ici tout se dit, cette famille comme la mise en scène du cinéaste sont d’une incroyable honnêteté. On ne saurait détecter le malheur. Pourtant Johan doit choisir. La mère de ses enfants ou cette  femme de fantasme.

     Il faut évidemment entrer corps et âmes dans le nouveau film de Reygadas, autrement son caractère hypnotique, envoûtant peut lasser. La nature a rarement été aussi bien sonorisée. Les plans s’étirent, encore et encore pour en atteindre le fruit de la contemplation extatique parfaite. C’est sompteux. C’est sidérant de beauté. Peut-être n’avais-je pas vu cela depuis Tarkovski.

     Evidemment on pense aussi beaucoup à Bergman et Dreyer. Le tic-tac des pendules dans Cris et Chuchotements. Et surtout cette magie dans la séquence finale qui est ouvertement liée à celle de Ordet. Pour moi c’est l’un des cinq plus beaux films de ces dix dernières années, si ce n’est le plus beau. Carlos Reygadas aura au moins prouvé, ici, qu’il était le digne successeur des plus grands, alors qu’il continue à nous envoûter ainsi…

La Nuit nous appartient (We Own The Night) – James Gray – 2007

Joaquin-Phoenix-dans-la-nuit-nous-appartient-de-James-GrayLet’s dance.    

   9.0   La barre était placée si haute au vu de ses deux précédents long-métrages que l’on craignait une déception quant au dernier opus de James Gray. Bien heureusement, Non! La Nuit nous appartient sonne même comme l’aboutissement d’une oeuvre de perfectionniste entièrement maîtrisée, vouée à la tragédie familiale déchirée entre mafia russe et police new-yorkaise.

     Entre la scène d’ouverture magnifiquement érotique, des séquences oppressantes à couper le souffle, une scène de poursuite automobile flamboyante au rythme des essuie-glaces, notre admiration est forcée, les poils s’hérissent : ces scènes d’anthologie sont d’une perfection rare.

     Ainsi le cinéaste brasse t-il des thèmes comme la reconnaissance familiale (ici représentant la loyauté, l’ordre), en perpétuelle contradiction avec les libertés décadentes des fréquentations de Bobby, les difficultés filiatives, l’amour, la vengeance morale, par l’intermédiaire de Joaquin Phoenix, perdu dans ses retranchements. Une interprétation donc sans fausses notes, une mise en scène intelligente et sobre, un suspense étouffant, une BO tantôt austère tantôt euphorisante, font de ce polar intensément dramatique une belle tragédie Shakespearienne qui apparaît d’ores et déjà comme un classique, plus proche d’un Coppola que d’un Scorsese, ce dernier réalisant des grandes fresques violentes exubérantes, loin de tous classicisme moral.

     A l’arrivée c’est une perle rare, un travail brillant qui mérite les acclamations nécessaires. Alors, on ne peut en vouloir à Gray de tourner peu car il frappe toujours très fort, mais il restait à espérer qu’il n’attendrait pas sept ans pour nous offrir son prochain chef d’œuvre…

Control – Anton Corbijn – 2007

3467Love will tear us apart.    

     8.5   C’est un bien beau premier film que nous offre ici Anton Corbijn de part cette évocation de la vie d’Ian Curtis, chanteur du groupe Joy Division, qui connaîtra une renommée principalement post-mortem. De ses premières chansons écrites à son suicide le 18 mai 1980, la veille de leur concert aux Etats-Unis qui s’annonçait comme leur premier grand triomphe, Sam Riley incarne le chanteur Mancunien avec une parfaite maîtrise au point de nous faire oublier que la personne à l’écran n’est pas le vrai Ian Curtis.     Le réalisateur hollandais opte pour le noir et blanc, excellente initiative car d’une efficacité redoutable lorsque l’on évoque la descente aux enfers d’un homme coincé dans un monde trop grand pour lui. Car le leader du groupe précurseur de la new wave n’avait rien d’une destinée envieuse : marié trop tôt, père de famille trop tôt, il est très vite infidèle mais ne veut pas tourner la page, il est sujet à des crises d’épilepsie à répétition et ne partage pas les envies mégalomanes de son entourage. « Je préférais l’époque d’Unknown pleasure » dira t-il, c’est à dire les moments cool avant la gloire! Mais il a perdu le contrôle de sa vie (référence : « She’s lost control »), il est ravagé par un flôt de contradictions. Son suicide n’en sera que légitime.     Et cette représentation à l’écran dans un Macclesfield magnifié est redoutable de justesse et de pureté, entre longues séquences silencieuses, caractérisant le personnage fascinant comme l’étaient les leaders des groupes de rock des années 60′s et 70′s, et scènes musicales nostalgiques montrant les paroles mélancoliques du chanteur comme une évocation de ses sentiments personnels quotidiens. Un des meilleurs films de l’année.


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silencio


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