Archives pour la catégorie 2018 : En musique

Top 25 Albums 2018

01. Profligate, Somewhere else

     Pas vraiment de roi cette année mais cinq albums qui se détachent et pourraient loger tout en haut de cette liste, suivant l’humeur. Passons les déceptions (MGMT, Jasmine Guffond, Saaad, Dead Can Dance, Spiritualized) et les incompréhensions (Oneohtrix Point Never, The Necks) j’en retiens vingt-cinq (sur la grosse centaine écoutée) et j’en laisse quelques-uns de côté (Strië, Lawrence English, Etienne Daho, Die Wilde Jagd, Cat power, Dominique A, Taylor Deupree, Damien Jurado, Mount Eerie…) qui auraient mérité d’y figurer. Belle année, donc :

Profligate, Somewhere else.

     On reçoit cet album comme un rescapé de contrées cotonneuses et tentaculaires, qu’on aurait jadis foulées avec cette étrange sensation de plaisir et de crainte, suivant l’écoute, suivant l’humeur. Darkwave complètement engourdie – Il faut s’imaginer la version pop d’un crossover Coil / Scott Walker – Somewhere else s’impose d’emblée dans un titre éponyme qui ne laisse pas de place au doute : Ce sera un disque sombre. « A circle Of » se contentera de faire mal, très mal. On aura fait le plus dur : C’est peut-être bien le seul reproche que je ferais à cet album dantesque, ce cauchemar brulant qui s’assagit délicatement en lévitant entre ses propres décombres. Si j’adore ses voix, toutes ses voix, j’aime aussi les apparitions dissonantes sur certains morceaux : les stridences de la fin du morceau d’ouverture, les nombreux dérèglements accompagnant « Lose a little » et notamment son imposante cassure aux trois-quarts, la basse magnifique (digne de The Cure) de « Black Plate » qui guide les élans poétiques d’Elaine Kahn. Et deux titres extraordinaires ferment l’album. Deux titres qui te rappellent que tu viens d’écouter un truc rare, sans précédent, une merveille. Merci à L’ombre sur la mesure, mon dénicheur préféré, c’est le premier album écouté cette année, il aura fait du chemin mais n’aura jamais véritablement été détrôné. Chef d’œuvre absolu.

Laurent Pernice, A world too late.

     Si A world too late – et son titre à la nostalgie élégiaque – est une œuvre stupéfiante, il m’aura permis de surcroit de découvrir Laurent Pernice, musicien que je connaissais seulement de nom et réputation – percussionniste dans le groupe Nox, notamment. C’est tout. Ça reste obscur, mais je ne dois pas être le seul puisque Pernice n’a même pas de fiche sur SensCritique, c’est dire. En écoutant par hasard « A world too late », j’ai fait connaissance avec ce nom puis fait la rencontre des superbes « Détails » (1988, son premier album) et « Sept autres créatures » (1996). Il faut que j’approfondisse, c’est certain. Mais en l’état, ce sont des découvertes majeures, qui m’évoquent plein de choses, plein de musiques (Brian Eno, Manuel Gottsching…) et en même temps c’est très difficile de le rattacher à un courant ou une époque. A world too late aurait pu accentuer cette impression de musique perdue dans l’espace-temps et pourtant, immédiatement, ça m’a semblé être le truc le plus moderne et prometteur (si j’ose dire) que j’écoutais cette année. C’est un album qui regorge d’idées, inédit sans pour autant crier qu’il révolutionne, traversé par des sonorités exaltantes. Durant chaque réécoute je découvre des choses, il me surprend sans cesse : Les personnages de contes enfantins qui tombent à l’eau avant les oiseaux qui tombent du ciel ; Une grosse voix caverneuse avant que l’arménien déboule sans prévenir ; le saxophone qui tente ici de se frayer un chemin, la guimbarde qui s’emballe toute seule un peu plus tôt ; une plongée électro qui devance des sonorités jazzy ; un trip énergique mais parfois ankylosé ; un voyage en Afrique ici, puis en Orient là-bas. Mention spéciale à cette flute bouleversante sur L’incendie. C’est donc un disque riche, monde, épique mais paradoxalement très doux. Triste mais doux.

The Empire Line, Rave.

     Album monstrueux, littéralement. Aussi bien dans ses accords que dans ce timbre vocal qui recouvre « Ipad modernity / Powder » le morceau qui ouvre le disque et le plonge dans un dédale de violence brute, comme une version condensé de Shining. Le morceau suivant introduit une ambiance plus mélodique mais très métallique. On ne s’attend pourtant pas à ce que Rave soit un monument de techno pure, convoquant les traces de poudre d’un Shifted. Le monument « Herrensauna » mettra tout le monde d’accord à ce petit jeu : Les voix ne sont pas loin, les scies métalliques déboulent sans crier gare et le beat est effréné, intraitable. Les trois morceaux suivants sont du même acabit – dont un final tonitruant, qui enverra n’importe quel raveur dans les cordes – dans la lignée tout en étant à la fois complètement différents. Le groupe suédois aura pondu une bombe, qui a tout pour être glauque, mais qui se révèle galvanisante. Une autre très, très belle découverte.

The Field, Infinite moment.

     Du The Field pur jus. C’est le sixième album du suédois mais c’est comme si c’était le premier : une boucle infinie, une heure d’extase, aux variations microscopiques. Je comprends que ça puisse lasser, ennuyer, agacer. Moi je trouve ça toujours aussi divin. A chaud si je dois faire un classement des albums de The Field ça donne : Looping state of mind > Cupid’s head Infinite moment > Yesterday and today > The Follower > From here we go sublime. Classement inutile et quasi aléatoire puisque je les adore tous, donc le premier est dernier sans être dernier, c’est simplement que je l’ai moins écouté que les autres, puisque j’ai découvert The Field avec la sortie du second. En tout cas c’est fou de constater combien le changement d’un disque à l’autre n’est pas significatif, en revanche quand on réécoute le premier avant ou après le sixième c’est flagrant, les boucles sont plus étirées et endolories aujourd’hui tandis qu’hier on naviguait dans des eaux plus club. De plus en plus radical, The Field ?

James Murray, Falling backwards.

     A défaut de piano cette année (pas de Quentin Sirjacq ni de Daigo Hanada) voici ce bijou de lévitation pure, un album cotonneux, véritable doudou/bouillotte qui réchauffe, réconforte et accompagne les longues nuits d’hiver. Une musique qui évoque aussi bien les ambiances d’un Angelo Badalamenti ou les envolées de Jóhann Jóhannsson, mais qui m’a surtout rappelé le Centralia, de Mountains, l’un de mes albums préférés de ces dernières années. Falling backwards est un disque d’une délicatesse absolue, à te faire survoler des souvenirs de vieilles destinations, de vieux amis oubliés, à faire ressurgir des images d’enfance. Les 20 minutes du triplé final « Old friend », « London plane », « Father figure » sont au-dessus du reste, pour moi. Au-dessus de tout cette année. Merci à Tartine de contrebasse, mon autre dénicheur préféré, pour m’avoir fait découvrir ce nom et cette merveille.

Alva Noto, Unieqav.

     Sans surprise, Alva Noto fait partie de ce top et du top10. Comme d’habitude, en somme. Le musicien allemand poursuit son insolente excellence dans le genre musical dont il est devenu l’un des grands acteurs. A l’instar du troisième opus des Xerrox, qui était le plus abouti des trois, le troisième volume des Uni (après Unitxt et Univrs) est aussi le plus brillant, complet, puissant des trois. Les dunes métalliques d’Uni blue, je ne m’en remets pas. Quand d’emblée Uni sub semblait naviguer à la surface des abysses, Uni chord clôt le voyage dans un brio solaire enivrant. Tout l’album est top mais cette ouverture, cette fermeture et ce chef d’œuvre central, lui permettent de tutoyer la perfection.

Vox Low, Vox Low.

     Un découverte de taille. Un premier album tranchant. Quasi du niveau du premier Tristesse contemporaine. Une pépite de post punk / cold wave made in France, aussi bien inspirée par le krautrock de Kraftwerk, l’électro de la French Touch que les sonorités dépressives d’un Joy Division (sur « What if the symbols fall down » notamment) ou d’un Sonic Youth (l’ouverture de « Trapped on the moon »). Bien qu’un peu inégal puisque pas toujours lucide dans les enchainements de ses neuf titres, ce disque aux pulsations métalliques entêtantes bordés par cette imparable voix caverneuse tourne en boucle sans problème. Quant aux sept merveilleuse minutes de « Rejuvenation » qui ferment l’album, que dire, si ce n’est que l’album mériterait qu’on l’écoute rien que pour elles.

Tim Hecker, Konoyo.

    Pourquoi cet album et pas le précédent ? A quoi ça tient ? Tim Hecker restera une énigme pour moi : Sur ses trois dernières sorties, il m’est arrivé d’y être hyper sensible (Ravedeath 1972) ou d’y être complètement indifférent (Love streams). Le très beau Virgins faisait la liaison : C’était froid mais impressionnant. Se jeter dans l’écoute d’un nouveau Tim Hecker relève de l’inconnue pure en ce qui me concerne. Et tant mieux, finalement. Après une première écoute pour le moins déstabilisante, le verdict est sans appel : Konoyo est une merveille et regorge encore de chemins secrets, passerelles invisibles, grottes désertiques à visiter. Sept titres aux durées variables (On oscille entre trois et quinze minutes) mais aux qualités insolemment homogènes. Disque d’ores et déjà inépuisable et qui pourrait devenir Le chef d’œuvre de Tim Hecker, avec le temps.

Julia Holter, Aviary.

     Bon. Difficile de se remettre de ce disque. C’est un voyage, doux autant qu’halluciné, trop long, probablement, sans précédent, certainement. Aviary est à Julia Holter ce que Vespertine est à Bjork. Et en même temps, on n’est parfois pas loin de tomber dans l’hermétisme outrancier de Tomorrow, in a year, de The Knife. Ce ne sont pas les quatre-vingt-dix minutes musicales les plus faciles à écouter cette année. La première fois je crois même que je ne suis pas allé au bout. Puis j’y suis revenu. Sans doute parce que Aviary m’avait plus impressionné qu’autre chose. Et puis il se passe un truc. Julia Holter, habituellement, c’est immédiat, c’est gigantesque dès la première écoute, on le sait. Là c’est un autre voyage. Ce sera jamais mon préféré (Mon cœur balance plutôt entre Loud city song & Have you in my wilderness) mais c’est son plus radical, ça c’est sûr.

Villeneuve & Morando (Feat. Vacarme), Artificial virgins.

     Ce bel album trimbale un défaut de taille : sa taille, justement. Doté de quatre titres -dont un dyptique – allongé sur vingt-trois petites minutes, il faut bien plusieurs écoutes avant de passer outre le constat que « C’est beau, mais beaucoup trop court ». Cette durée joue pourtant en sa faveur puisqu’on y revient sans cesse et quand on y revient, on le passe deux, trois fois. Il se passe alors un truc, qu’on peut éprouver à l’écoute de certaines pièces de Philip Glass, mais aussi des premiers albums « beaux mais courts » de Tangerine dream : Il ne faut plus jamais que ça s’arrête. Qu’importe, rarement la sensation que synthés et cordes se nourrissaient autant entre eux qu’à l’écoute d’Artificial Virgins, voyage étincelant, aussi limpide que retors.

Matthias Puech, Alpestres.

     Il faut un peu de temps avant de l’apprivoiser, cette « rencontre imaginaire » entre Chris Watson et Lawrence English. Autant qu’une randonnée entre les massifs, on rechigne d’abord, on s’éclate ensuite. C’est dans le grand air que nous convie Matthias Puech : Il faut déambuler entre les chemins escarpés, vaincre le vide et franchir les frontières suisses, françaises, italiennes (les titres des morceaux sont à cette image, dévoilés dans ces trois langues) dans un yoyo permanent, de plus en plus enivrant. Mais on sent que c’est un disque qui regorge de zones à découvrir, comme un massif qui cacherait quelques-uns de ses versants. On aimerait par exemple que « Incontro notturno » s’étire davantage pour parvenir à nous faire pleinement ressentir sa magie nocturne. Personnellement je ne me remets pas du caverneux « Krampus » sans doute l’un des plus beaux morceaux de l’année.

Yo La Tengo, There’s a riot going on.

     Le plus bel album de Yo La Tengo depuis longtemps, pour moi. Pour ne pas dire le meilleur avec Summer sun, c’est dire. S’il n’est pas dans le top 5 c’est uniquement parce qu’au-dessus il y a des monstres.

Skee Mask, Compro.

     On a beau en avoir souper de ces disques d’IDM, quand on en écoute un qui sort un peu de l’ordinaire, en 2018, ça fait du bien. Quelle tuerie, punaise. Quelle foi, quelle générosité ! Il suffit d’un « Dial 274 » ou d’un « Flyby vfr » pour s’en rendre compte : Le munichois n’a gardé que le meilleur d’Aphex Twin. Et me permet de me consoler de ne pas avoir encore osé écouter le dernier Autechre.

Beach House, 7.

     Pour qui a bien cerné mes goûts musicaux, c’est une liste encore moins surprenante que d’habitude que celle de cette année. Année durant laquelle je me serais encore moins jeté dans le vide musicalement, sans doute car y avait un paquet de disques que je voulais à tout prix écouter. Le nouvel opus de Beach House étant bien entendu l’un de ceux-là. Faisons simple : Il n’y a aujourd’hui pas de musique qui me touche aussi intimement que celle de Beach House. Hormis The Field, peut-être, mais davantage dans la case lévitation. Alors on n’est pas dans les plus belles heures du groupe – On tape moins du côté de Cocteau Twins que sur My bloody Valentine, cette fois – qui avait atteint un génie monumental avec Depression cherry, mais n’empêche que lorsque j’entends un morceau comme « L’inconnue » je fonds, complètement. Quelle beauté, franchement. L’ensemble est inégal mais il y a de tels éclats.

Liberez, Way through vulnerability.

     Le duo récidive. Après la claque All tense now lax en 2015, voici une sorte de Face B plus brouillonne mais plus bouillante encore, avec ses effluves de flamenco et ses voix caverneuses derrière les coups de boutoir de plus en plus manifestes d’une post-indus swansienne plus franche, sans scrupules. Des morceaux comme « M’aidez » ou « Forget so that you may be forgotten » ou « Derelict Intentions » te calment sévère pour un moment. Et le pire c’est qu’on en redemande. Je le mets là, au pif, il est sans doute trop bas mais je l’ai découvert durant ce mois de décembre.

Aphex Twin, Collapse.

     Un album de 28 minutes aux allures de friandise et pourtant, de par ses trouvailles et une richesse inattendue, chaque pièce révèle ses secrets au fil des écoutes, ce qui en fait un truc bien plus fort que ce que la durée et la pochette laissaient entrevoir. Richard D.James a changé le paysage électronique mais il continue d’inventer, continue de titiller nos oreilles, sur format long (Syro, en 2014) ou court, comme ici ou sur Cheetah en 2016. Cinq morceaux, beaux, complexes à écouter encore et encore. Dommage que les deux derniers soient un poil en dessous, un poil plus « normaux » ou plus « polis » pour du Aphex Twin, autrement c’était toptenable.

Nicolas Godin, Au service de la France.

     Mieux que la (superbe) deuxième saison d’Au service de la France : Sa bande originale, entre jazz et bossa. Une merveille. Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas l’autre moitié de Air qui m’aura fait rêver cette année (Je n’aime pas beaucoup le H+ de JB Dunckel) mais bien cette création de Nicolas Godin, pourtant un soundtrack, comme quoi.

Animal Collective, Tangerine Reef.

     Très sage dirons les admirateurs d’Animal Collective, très pantouflard dirons ses détracteurs, il y a pourtant dans ce beau voyage aquatique un trouble qui perturbe constamment son apparente douceur. Le corail est beau et dangereux comme souvent avec le groupe et Tangerien Reef pourrait être une version « acoustique » de Merriwaether Post Pavilion, quelque part. Il y a plein d’idées partout, des textures changeantes, des anomalies inquiétantes, des sonorités exaltantes La grande idée du disque est de concocter treize morceaux à écouter comme un seul, sans coupure et pourtant chacun déploie son propre rythme, offrant un vrai voyage d’un point A à un point B, avec une ambiance se renouvelant en permanence tout en restant absolument cohérent d’une strate à l’autre.

Grouper, Grid of points.

     J’ai d’abord trouvé ce nouveau Grouper très, très paresseux. Mais assez vite je ne pouvais plus m’en passer. Minimaliste, il l’est sans nul doute, beau il l’est assurément. Ça dure 21 minutes de piano/voix et c’est beau comme c’est pas permis. Une pause, une parenthèse rêvée. Une petite errance qui s’arrête aux abords d’une voie ferrée, devant le passage d’un train : Beau réveil.

The Blaze, Dancehall.

     Sans génie mais une belle hype pleine de tubes cotonneux dans la mouvance d’un The XX, d’un Moderat ou d’un Rone, qu’on peut trouver très limité, peu inspiré, mais qui s’avère limpide dans ses mélodies, émouvant dans la subtilité de ses choix (les voix rondement épaissies face aux incantations plus féminines en écho lointain, le piano-house caressant face aux basses très marquées), compositions, enchainements. Il y a du volume, c’est doux, dansant, raffiné. Alors oui c’est facile, ça n’invente rien, mais je ne m’en lasse pas. Puis bon, je soupçonne ce disque de jouer sur ma corde sensible, puisqu’à l’écoute de « Heaven » il est impossible pour moi de ne pas repenser au final de l’un des plus beaux films sortis cette année : Nos batailles, de Guillaume Senez.

Nine Inch Nails, Bad witch.

     Où l’on réalise qu’à l’instar d’Aphex Twin, Nine Inch Nails est tout à fait capable d’envoyer du très lourd sur du format court. Six titres, trente minutes. D’ailleurs la comparaison entre les deux est intéressante car là où Collapse démarre fort pour s’en aller de façon plus classique, Bad witch fait l’inverse : Deux morceaux efficaces mais convenus en ouverture qui sont effacés par quatre titres puissants, magnifiques. Mention spéciale au jazzy/indus « Play the goddamned part » ainsi qu’au très « Girl with the dragon tattoo » « I’m not from this world » : Un chef d’œuvre à lui seul.

Anna Calvi, Hunter.

     Ou quand Lana del Rey rencontre PJ Harvey. Je ne connaissais pas du tout Anna Calvi et donc Hunter, qui est le troisième album de l’anglaise, est le premier que j’écoute. On pense d’abord qu’il restera l’affaire de quelques écoutes, mais il traverse le temps. J’adore chacun de ses morceaux et tout particulièrement Don’t Beat The Girl Out Of My Boy qui pourrait être un croisement insolite entre le Yeah Yeah Yeahs de It’s blitz et le Mica Levi, d’Under the skin. Il y a de la guitare parfois agressive mais aussi des mélopées vocales entêtantes.

Giulio Aldinucci, Disappearing in a Mirror.

     Sans doute la pochette de disque la plus en phase cette année avec la musique du disque qu’elle abrite. Un long chemin obscur entre la neige ( ?), les nuages ( ?), les cratères ( ?) et les montagnes ( ?). Un trou noir vertigineux, dans la lignée des voyages de Lawrence English. Il faut laisser infuser longtemps pour percer les mystères qu’il regorge, d’abord en se laissant caresser les esgourdes par les douces nappes miséricordieuses de « Mute serenade », le morceau qui ferme le disque, puis grâce à l’ébouriffant « The tree of cryptography », plongée dantesque absolue qui peut laisser sur le carreau, puis en se laissant guider par l’écho de cathédrale de « Aphasic Semiotics », Et ensuite, seulement, on appréciera la cohésion et la continuité de l’ensemble de ces sept pièces. Bref c’est très beau, mais faut quand même aller le chercher.

Flavien Berger, Contre-temps.

     Cette année, j’ai beaucoup écouté cet album ultra encensé partout. Je pense qu’on s’est un peu enflammé à son sujet, c’est tout de même très inégal, trop long, la voix est un vrai problème par instants, et un morceau comme « Deadline » reste quasi impossible à ne pas passer, celui qui s’étire sur neuf minutes et résonne comme du Cliff Martinez, s’étire pour pas grand-chose. Même les 14 minutes du titre éponyme sont bancales, géniales un jour, gênantes le lendemain, c’est très étrange. Et pourtant j’y suis souvent revenu. J’aime bien ses défauts, j’aime les références qu’il convoque – On va pas les citer, y en a des tonnes. Et c’est sans doute parce qu’il est foutraque et qu’il tente à foison qu’il me séduit.

Jon Hopkins, Singularity.

     On peut trouver cela paresseux, penser que ça ronronne, manque de générosité et tout cela de façon tout à fait calculée. C’est vrai et c’était déjà le cas pour Immunity (2013), que je continue de réécouter avec beaucoup de plaisir tout en le trouvant un peu passé. Singularity prend en otages d’entrée au moyen de son titre éponyme, subtilement crescendo jusqu’à l’implosion, définitivement accrocheur. La suite joue davantage de ses rondeurs d’electronica et son beat somatique et les soixante minutes, ensorcelantes, passent d’un claquement de doigts. Par ailleurs, argument non négligeable : Ses deux plus grands morceaux (dépassant les dix minutes) sont ceux qu’on ne veut pas voir s’arrêter. Ça dit tout. Ce bruit de « train de marchandises » lors des deux premières minutes de « Luminous beings », je ne m’en lasse pas.


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