Cavale forcée.
4.0 Le début est très prometteur. Un superbe plan fait renaître Ozu. Un plan intérieur très composé, qui s’étire et donne de la place au son, au moyen d’une bouilloire et d’une porte qui claque, je crois. C’est un plan fixe et il raconte beaucoup de chose, sur le couple, sur la place des hommes et des femmes, sur le lieu. Quant au suivant il s’aventure brièvement dans un langage à la Kiarostami. Il se déroule à l’intérieur d’une voiture, silencieux bien qu’on y entende et ressente les secousses, on y serpente déjà les longs chemins terreux. C’était une belle promesse. Mais hormis quelques idées ci et là, le film ne retrouvera pas ces élans, cette douce sidération. Il se focalise sur son scénario beaucoup trop programmatique et oublie d’inventer une forme pour le raconter.
Un père se voit dans l’obligation de promettre sa fille de dix ans en mariage à son grand ennemi, pour adoucir leurs querelles. Tous deux ont perdu leurs fils dans ces conflits de tribus sans fin, le seul moyen de stopper l’hémorragie est de forcer un nouveau lien de sang. Désolé pour le jeu de mot pourri. La mère, déjà victime d’un mariage arrangé dans sa jeunesse, tourmentée de voir son enfant reproduire son destin sclérosé, n’accepte pas cette proposition et s’enfuit avec sa fille, se cache dans des ruines, puis dans la cave d’une baraque perdue – Le moment le plus intéressant du film, formellement, dans lequel on retrouve un peu de mise en scène, entre rayons de soleil et de poussière, même si la chute est beaucoup trop maladroite – puis à bord d’un camion, pour fuir les deux tribus à leurs trousses.
Si l’on abandonne vite l’idée de voir un film avec un auteur derrière l’objectif, on reste aux crochets de cette mère et sa fille, sitôt que l’on reste avec elles, justement. Et c’est tout le problème du film, qui devient vite absolument indigeste en empilant les montages parallèles assommants, entre poursuivants et poursuivis, parcouru de pseudo climax foireux. Les scènes sont de plus en plus bâclées et brèves, comme s’il n’y avait plus d’idées (autant faire un court métrage, franchement) ou comme s’il fallait respecter un impératif de montage de plans courts et de scènes courtes pour dynamiser le récit. C’est dommage car encore une fois, quand ça s’étire un peu, il y a de beaux moments d’angoisse. Alors on finit par s’en balancer. Mais vraiment. J’ai fini par faire autre chose en même temps, juste pour ne pas m’endormir.