Archives pour la catégorie Alain Jessua

Les couleurs du diable – Alain Jessua – 1997

10.-les-couleurs-du-diable-alain-jessua-1997-900x581Rouge sang.

   5.5   J’en termine avec ma rétrospective Alain Jessua sur ce film dont je n’attendais strictement rien, le dernier de sa filmographie, dix ans après En toute innocence. A l’instar de ce dernier, Les couleurs du diable n’est pas sans défauts mais se suit autrement mieux que cette daube intersidérale que constituait Frankenstein 90. Mieux, la première partie est probablement ce que Jessua a promis de plus passionnant depuis Paradis pour tous.

     Le récit se déroule entièrement à Rome. Nicolas, un jeune peintre aux tableaux mortifères (Ses toiles sont des représentations du moment de la mort) aspire à la gloire mais ne récolte que l’indifférence. Jusqu’au jour où il fait la rencontre d’un homme mystérieux qui lui promet de lui ouvrir cette ultime porte du succès et faire parler son talent. Aussitôt, plusieurs de ses toiles se vendent en une journée. En échange de quoi, l’homme l’invite à le suivre là où des morts subites vont se produire, ici place du Risorgimento où un jeune homme va se suicider, là dans un match de boxe au KO fatal puis dans un Pipe Show meurtrier.

     Pour cette incarnation diabolique nommée Bellisle, Nicolas a le talent mais les moyens ne lui sont pas adaptés. Il cite à l’appui certains peintres qui ont su représenter la mort parce qu’elle leur avait été familière – Pendant la guerre, notamment. Il va donc lui offrir de voir la mort afin de parfaitement la représenter. Il s’agit donc de la meilleure idée du film, De Palmienne en diable, consistant pour le jeune artiste à accoucher sur toile la mort dont il vient d’être témoin, offrant jusque dans les moindres détails un naturalisme froid et brutal.

     Au moyen d’un crescendo attendu (Suicide, Accident, Meurtre) les toiles de Nicolas vont lui faire sa réussite autant qu’elles vont lui attirer la présence d’un flic amateur d’art et zélé – Un peu à la manière des flics dans les films de Guiraudie. On passera sur l’aspect policier du film, tant l’enquête autour de cette intrigue faustienne avec la nonchalance forcée de l’inspecteur se révèle encombrante et mécanique. Le problème, in fine, vient essentiellement d’une interprétation générale complètement amorphe, le summum étant atteint avec l’acteur qui joue Nicolas, sans aucune consistance.

     Mais le film est surtout passionnant dans sa dominante de couleur. Le rouge est central. Dans le premier plan, le dessin d’une bagarre sur une toile est aussitôt souillé par un violent trait rouge. Le garçon qui saute de l’immeuble porte un pull rouge. Le boxeur des gants rouges. Le pipe show est une chambre rouge. Et nous retrouvons cette couleur au détour de plans anodins comme ici un fauteuil ou une voiture, là une porte ou un bocal. Jessua crée une spirale vertigineuse, certes souvent bancale, mais rehaussée par ce coup de sabre pourpre qui envahit chaque plan.

     Parmi d’autres probablement plus discrètes, on retiendra cette sublime séquence sur le ring, où un montage épileptique superpose chaque coup réel avec le dessin que Nicolas s’en imagine. Dans ce bref instant, on retrouve vraiment le Jessua à son meilleur. Mais il ne faut pas lui ôter cette dimension fantastique chère à l’auteur, ainsi plus les morts s’enchainent plus la mort sur la toile est représentée à travers l’œil du peintre. Sur le meurtre du Pipe Show, Nicolas entre dans le plan et devient le spectateur qui regarde. Sur le tout dernier, il couche le lieu (une gare) sur toile avant de l’avoir vécu.

     Sans être un cinéaste indispensable, Jessua aura trouvé un univers formel fort et une singularité de ton assez passionnante. Je suis ravi d’avoir découvert une grosse partie de cette filmographie, aussi insolite que rare dans le paysage du cinéma français.

En toute innocence – Alain Jessua – 1988

35.7La fleur du mal.

   4.0   Serrault, brillant architecte, s’apprête à rejoindre son fils sur une affaire quand il surprend sa bru (Nathalie Baye) dans les bras de Didier, éventuel futur associé de la société. De colère, il prend son véhicule, roule à fond les ballons et s’encastre dans un poids lourd. Il s’en sort avec les deux jambes cassées et feint spontanément de ne plus pouvoir parler. Sur un postulat aussi prometteur que classique Jessua emprunte les voies du thriller cheap, une sorte de guerre des Rose entre un père et sa bru, qu’il soupçonne de vouloir se débarrasser de lui. Tout le film s’intéresse à leur relation (et le secret qu’ils partagent) tout en observation d’abord avant qu’il ne glisse vers une violence sourde avant le carnage. Quelques séquences réussies, dont cette très belle fin et son parfum de famille brisée, s’échappe d’un lot amorphe, pantouflard et petit bourgeois, comme si Jessua prédisait le cinéma Chabrolien des années à venir. On a connu Jessua nettement plus inspiré même si je lui préfère cette veine à celle tentée dans Frankenstein 90. Mais bon, son cinéma semble bien derrière lui.

Frankenstein 90 – Alain Jessua – 1984

20La soupe à la grimace.

   2.0   J’osais penser que la touche Jessua, toujours sur la corde, n’allait pas être troublé par les années 80. Que nenni. Décennie malade : Frankenstein 90 est un ratage absolu, qu’on pourrait sans problème ranger aux cotés de La créature du marais, de Wes Craven et Parking, de Jacques Demy. Aucun frisson, aucun sourire, dans le sens du film tout du moins. C’est un frisson de la honte qui nous accable en permanence ; Un rictus moqueur. Comment Jessua, qui voulut semble t-il faire renaître les traits de Boris Karloff a eu l’idée, ne serait-ce qu’une seconde d’offrir le rôle de la créature à Eddy Mitchell ? On lui laisse d’abord le bénéfice du doute, tant le cinéaste est un spécialiste des dérèglements, narratifs et fantastiques. Mais rien ne prend. Tout est dessiné (dialogues, montage, jeux, enchaînements) à la truelle. L’écriture atteint des sommets de nullité, les rebondissements des montagnes d’invraisemblances – Le point d’orgue dans la séquence aux Deux Alpes fait beaucoup de peine. Il y a des micro séquences dont on se demande ce qu’elles viennent faire là ; Des maquillages qu’on aurait même pas accepté au temps du muet. Bref, ce n’est ni fait ni à faire. C’est niveau Soupe aux choux. Mais on pourra toujours sauver le capital nichons du film, très généreux, encore que là aussi ça semble complètement disproportionné faisant chaque fois davantage basculer le film dans une vulgarité irréparable.

Paradis pour tous – Alain Jessua – 1982

02.-paradis-pour-tous-alain-jessua-1982-900x616La mélodie du bonheur.

   6.5   Employé d’une compagnie d’assurance, Alain Durieux, las, décide de mettre fin à ses jours mais se rate lamentablement en restant accroché au V de La Mutuelle Vie, l’enseigne de la société dans laquelle il trime désespérément, puis entre dans un processus psychiatrique à base de flashage permettant de se délivrer de toutes ses angoisses.

     Construit en syncope, Paradis pour tous est parfois difficilement regardable, pratiquant les retours en arrière et au présent à la chaine, l’usage continu de voix off, une post synchro souvent dégueulasse et un appui sur l’absurde cynique (on ne veut plus mater des films mais des pubs en boucle) qui délite un peu son caractère singulier et transforme sa drôlerie en lourdeur. Le film est long, trop long pour du Jessua. Au bout d’une heure, la coupe est pleine, on se lasse de tout, Dewaere compris, le comble.

     Pourtant, de discrets virages viennent redorer le blason du film : On reste dans les thématiques chères à Jessua, j’irai même jusqu’à dire qu’elles n’ont jamais été si jusqu’au-boutistes, où les masses ne sont plus qu’un tas de zombies, satisfait de leur réussite capitaliste et de leur médiocrité intellectuelle – L’absence d’angoisse permettant une réussite professionnelle évidente car dénuée de toute considération humaine.

     Personnages zombies pris en charge comme le fut avant eux le chimpanzé Charles, par Henri Valois, créateur de ce fameux bonheur électronique. Comme d’autres après lui, Durieux (le cobaye) devient une parfaite machine, qui s’il ne travaille pas corps et âmes, sans affect, fait de son quotidien une somme d’exercices sportifs à n’en plus finir, obsédé par l’idée de se dessiner une ceinture d’Apollon. A côté, Durieux ne jure plus que par ces publicités aseptisées, décide illico de se coiffer comme le type de la pub Martini.

     Il y a des séquences incroyables à l’image de celle de la danse hypnotique entre flashés, qui rappelle celle du dressage dans Les chiens ; Ou de cette séance d’aérobic entre Audran et Dewaere, absolument démente. En fait, le film dérive à mesure vers le pur conte horrifique, avec son côté Body snatchers. Et pour couronner le tout, Paradis pour tous s’ouvre dans un futur indistinct où la société semble avoir accepté la trouvaille comme un vaccin – Durieux, en fauteuil roulant dans les premiers plans, semble s’en accommoder à merveille – puis se ferme sur les remises de médaille de légion d’honneur et du mérite, au docteur et au patient, explorateurs de la thérapie jusque dans sa future transmission génétique.

     Les derniers plans avec les deux corps noyés sous les draps, faisant qu’un avec le lit et la chaise, avant que les deux visages réapparaissent, vidés de leur substance, mais bien, heureux comme des bêtes (ça fait Orange mécanique du pauvre, mais tout de même, quel culot, quelle folie !) pour reprendre les derniers mots de Durieux et donc ceux de Dewaere au cinéma puisqu’il ne sera déjà plus là quand le film sortira en salle, sont particulièrement marquants.

Jeu de massacre – Alain Jessua – 1967

06.-jeu-de-massacre-alain-jessua-1967-900x709Dessine-moi un héros.

   5.0   Il s’agit du deuxième long métrage d’Alain Jessua et accessoirement de celui que j’aime le moins à ce jour car pour la première fois ce qui jusqu’ici était une qualité à mes yeux, à savoir son penchant volontiers pour les récits à vagues, les tempos chaotiques, les ambiances foutraques, joue en sa défaveur et me laisse souvent perplexe. Les interprétations sont trop hirsutes, les postsynchronisations approximatives et il faut dire que le montage, aussi déluré soit-il, est particulièrement ingrat. C’est un peu comme sera Traitement de choc : Sitôt qu’on a appréhendé son mécanisme, son enveloppe est trop fine pour que le récit préserve une vraie saveur. C’est le mystère qui nous gardait en transe, dès que l’on a compris les récurrences et les enchainements (comme des Tome de Bd qui se ressembleraient tous) Jeu de massacre y perd énormément, probablement parce que sa matière comique ne prend pas. Malgré tous ces griefs, le film me plait. Justement parce qu’il ne rentre dans aucune case, ni dans un semblant de Nouvelle vague, ni dans le film de genre, ni la tendance mainstream. Et parce qu’il se joue quelque chose de très étrange, flottant et sensuel entre ce drôle de trio, constitué de deux artistes mariés, elle qui s’occupe des planches, lui des bulles, accompagnés, perturbés, sauvés, tourneboulés par un fan gourou, fils à maman psychopathe. Un jeu de manipulateurs/manipulés constamment en mouvement. Une sorte de mélange entre Psychose et La piscine quoi. Pour le lieu essentiellement, décor suisse qui fait la réussite du film, mais qui inéluctablement se trouve noyé sous la mise en scène épileptique de Jessua, alors que cette maison, ce lac, il y a tout pour en faire un film d’épouvante quasi Polanskien. Reste la belle Claudine Auger, assez magnétique et les incrustations de bandes dessinées réalisées par Guy Peellaert, ponctuant l’étrangeté d’un récit nerveux et plastiquement hétéroclite, jonglant en permanence entre fiction et réalité.

Les chiens – Alain Jessua – 1979

32Le choix des armes.

   7.5   J’avais été impressionné dans Traitement de choc par l’importance du lieu, Jessua construisant son récit autour d’une thalassothérapie perdue dans une vallée déserte encerclée par des falaises en bord de mer. Il y avait quelque chose de terrifiant dans cette approche faussement accueillante et balnéaire qui masquait le repli d’une société bourgeoise, malade et autarcique. Les chiens va encore plus loin. Jessua choisit la ville nouvelle de Torcy/Marnes-la-vallée, en chantier (encore loin de son cachet Disneyland) pour en faire une microsociété amicale dans son approche publicitaire (nombreux spots télévisés à l’appui) qui cache en fait un communautarisme puant, où règnent la peur et la terreur.

     Le film s’ouvre sur une multitude de plans de la ville, jamais nommée comme si elle était factice et futuriste, où se succèdent des petits immeubles blancs à l’architecture hyper géométrique, qui se ressemblent tous les uns les autres entourée par des terrains vagues, bercée par le bruit permanent des tracteurs et marteaux-piqueurs. Une ville chantier un peu glauque, où s’érige ici un immense centre commercial et là de petites collines que les jeunes traversent en moto cross. On est loin de ce qu’en trouvait Rohmer dans les années 80 (Les nuits de la pleine lune, L’ami de mon amie) qui en faisait un grand village ouvert sur Paris, idyllique et bienveillant.

     Victor Lanoux incarne le médecin généraliste Henri Ferret, qui s’installe tout juste dans cette petite ville de la banlieue parisienne. Il est très vite surpris par le nombre de patients venant à lui pour soigner des morsures de chiens. En effet, sous la peur grandissante, la plupart des habitants s’équipent de chiens d’attaque pour leur protection contre diverses agressions. Le film s’ouvrait sur le viol nocturne d’une institutrice. Plus tard, un magasin est vandalisé. Les chiens sont comme des armes, ils sont pour beaucoup l’unique remède contre l’insécurité ambiante. Et qui dit insécurité dit amalgame, refuge idéal et accessible. Ainsi c’est inéluctablement cette petite communauté sénégalaise qui est visée. « Difficile de reconnaitre un noir de jour, alors de nuit » Soit l’un des crédos de cette population haineuse et raciste, qui s’attaque aussi aux jeunes, en faisant d’une pierre deux coups, tandis que le violeur est parmi l’un d’eux, petit notaire seul et sans histoire.

     Les chiens est aussi un grand film politique. Elle y est présente de manière concrète, puisque l’on suit les divergences municipales à l’approche des élections, mais aussi métaphorique, puisque si le médecin s’oppose discrètement à cette lutte stérile, il se voit bientôt croiser le chemin d’un dresseur de chiens, Morel (incarné par Gérard Depardieu, incroyable, terrifiant, dans l’un de ses rôles les plus mémorables) qui souhaite récupérer, par la peur, d’une part une inflation commerciale (la demande de chiens est grandissante) et d’autre part des voix pour sa campagne électorale. Effet de groupe, dérive sécuritaire ou vengeance légitimée, le film d’Alain Jessua n’hésite pas à creuser la perversité d’une société dangereuse et malsaine, qui ne mise plus que sur l’autodéfense.

     Un personnage intéressant dans le processus de transformation visant à annihiler son humanité pour ne garder que sa sève animale est incarné par Nicole Calfan, la femme violée du début, qui se laisse séduire par Henri Ferret avant de tomber dans les mailles de Morel. Une scène de dressage, absolument dantesque, enterre un peu plus son choix relationnel : Jessua cadre trois visages – Ceux de Calfan, Lanoux et Depardieu – pour en faire une montée d’ébats sexuels suggérés, où la bête mord le dresseur qui encourage la jeune femme à le mordre (Dans un amas de cris et d’aboiements hallucinants jusqu’à « l’orgasme » au ralenti) observés par un Lanoux médusé, qui ne peut que constater la déliquescence de son flirt, devenue proie d’un autre, de façon brutale, comme s’il les surprenait en train de baiser.

     Il n’y a pas de héros dans les films de Jessua. Lanoux traverse le film en observateur, non pas neutre, mais passif, à l’instar d’un documentariste, qui délivre sa propre vision du monde mais sait qu’il ne pourra rien faire pour la changer. Il est assez clair que Lanoux incarne Jessua. Et si le film tente d’emprunter une résolution plus optimiste, il le fait par le biais du personnage féminin, le seul qui ait véritablement évolué pendant le film. C’est de sa résurrection humaine que le salut d’une société débarrassée de ses hommes-chiens (comme les surnomment les ouvriers noirs) dépend.

     Et il y a donc Depardieu, qui incarne un gourou comme Delon l’incarnait dans Traitement de choc : Séducteur, charismatique, manipulateur, intelligent, mystérieux. Le centre de dressage ressemble finalement beaucoup au centre de thalassothérapie. Dans chaque cas, une secte qui dresse des chiens et fabrique des zombies. Il est le visage du Mal toute en puissance redoutable (il laisse parfois ses chiens s’entretuer, afin d’y récupérer le plus mordant) et vulnérabilité impénétrable, dans son amour canin absolu : Lorsqu’une chienne met bas, il semble bouleversé comme de la naissance de son propre enfant.

     Les chiens est un film formidable, visionnaire et terriblement moderne, sur la régression d’une société vers le tout-sécuritaire, dans lequel les chiens ont remplacé les armes à feu. Le film n’est pas exempt de nombreux défauts formels et se révèle parfois même assez bancal dans certains parti pris pas hyper judicieux, ce qui n’atténue pourtant jamais la portée de cet ovni rare, social et politique, qui navigue aussi dans les eaux du thriller horrifico-fantastique.

Armaguedon – Alain Jessua – 1977

20.-armaguedon-alain-jessua-1977-1024x767Au nom de tous les miens.

   6.5   Un modeste employé de mairie (Joué par Jean Yanne) hérite de son frère, mort tragiquement. Il démissionne et se met en tête de faire parler de lui. Il voyage à travers l’Europe et se fait prendre en photo avec des célébrités, en arborant un postiche et une barbe à la Castro. Avant de leur proférer des menaces, sous un nom de code qu’il s’est inventé (à la va vite en tombant sur le titre d’une BD) puis de narguer les polices internationales et d’annoncer qu’il fera sauter une émission de télé renommée.

     C’est un film qui a le cul entre deux-chaises mais qui trouve tout de même une certaine force, assez peu commune, dans son étrangeté malsaine qui correspondrait in fine au personnage qu’il met en relief, un peu paumé entre ses désirs vengeurs et ses contradictions, son appétit mégalomane et sa soif de retourner la société capitaliste toute entière, en jouant sur le phénomène de peur, unique moyen, dit-il, pour faire réagir.

     Il y a ici des meurtres sauvages (Deux prostitués filmés électrocutés) et spontanés (Un maitre-chanteur de bas-étage). Là une construction assez peu aimable dans son parallèle permanent entre les actes de Carrier et l’enquête menée par un duo Duchaussoy/Delon qui tente de lui faire retrouver raison. Quelques raccourcis et facilités, notamment dans l’aisance de compréhension du psychanalyste, pouvaient être évités. Delon pouvait être évité en gros, tandis que je le trouvais très bien dans Traitement de choc.

     Le film est assez informe en même temps qu’il emprunte des rails relativement classiques dans les schémas de polars à la française. Pourtant, il s’achemine vers une fin aussi tragique que pathétique, autant dans la diatribe pujado ridicule (et ridiculisée) proférée par Carrier aux invités du plateau télévisé, que dans la société spectacle qu’il dénonce et la vulgaire marche vers la survie finale visant à se piétiner les uns les autres.

     Jessua misanthrope ? Un peu, probablement. D’autant qu’il y a en Carrier une haine et un sang-froid assez terrifiant. Pourtant, la sensibilité vulnérable qu’il construit autour de ce personnage malade (Qui voulait réveiller la France) et de son complice simple d’esprit est étonnante. Même si l’on sait qu’il le manipule et l’envoie au sacrifice, on reste du côté d’Einstein (Renato Salvatori) acteur/spectateur démuni. Le dernier plan est vraiment hyper fort. 

Traitement de choc – Alain Jessua – 1973

16.-traitement-de-choc-alain-jessua-1973-1024x586Les vampires.

    6.5   Etant donné que je ne connais aucun de ses films, j’entame une petite rétro Jessua, j’en attends rien de spécial mais je suis un peu curieux : C’est un cinéaste très rare alors qu’il a tourné avec de nombreux acteurs archi populaires. Traitement de choc, s’il est loin d’être un film réussi, est un étrange objet qui ne ressemble pas vraiment à ce que l’on a l’habitude de voir dans le cinéma hexagonal des années 70. On pourra grosso modo situer ça entre du Boisset et du Enrico. Leur versant SF.

     La première partie est forte, complètement down tempo, hyper imprégnée des paysages sereins et hypnotiques de Belle-Ile en mer tout en dégageant une inquiétude durable. Anne Girardot incarne une femme proche de la dépression après s’être fait larguer, qui va prendre quelques jours dans une thalassothérapie réputée pour sa miraculeuse cure de rajeunissement. Elle y croise un ancien amant, inquiet et suspicieux quant aux velléités de ce traitement, qui finira par se tuer mystérieusement d’une falaise. Elle s’inquiète de voir le personnel (de jeunes garçons portugais) tomber malade (Les pensionnaires se répètent (en tentant d’en persuader la nouvelle recrue) inlassablement qu’ils ne parviennent pas à s’accoutumer au climat) puis disparaître, sans explications. Elle participe aux batailles d’algues dans les sauna et se baigne nue dans les vagues, parce que tous les patients font comme ça. Puis elle va finir par découvrir que ce microcosme est une sorte de secte de nantis qui bronzent le jour et donnent leurs veines à piquer le soir ; Et que l’établissement abrite un secret assez ignoble tendant vers le vampirisme, avec comme figure tutélaire un médecin bien ténébreux (Delon, donc) aux filets tellement denses que la jeune femme finira par y tomber, comme les autres.

     Traitement de choc fonctionne à merveille dans sa première partie parce qu’il multiplie les mystères, les cassures (Une utilisation musicale très originale) et les effets de sidération assez inattendus (La scène de baignade, point d’orgue sublime, envoutant et terrifiant à la fois) puis rentre peu à peu dans le rang jusqu’à rater complètement sa sortie, dans un final aussi ridicule que peut l’être cette altercation entre Girardot et Delon. Dommage. Malgré tout, ça me travaille un peu. J’aime beaucoup cette idée d’ouvrir et de fermer le film sur ces camions de jeunes immigrés, envoyés au sacrifice pour redonner du peps à un pan de la société de consommation, bourgeoise et raciste.


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