L’ouragan de la vengeance.
7.5 Ce remake a neuf ans, déjà et ça se voit, c’est curieux. Je l’avais découvert il y a huit, en solo, dans ma chambre d’ado, j’en ai un souvenir agréablement douloureux, j’avais souffert et transpiré. Davantage que devant l’original de Craven, tout du moins. Je suis ravi de l’avoir revu aujourd’hui déjà parce que cela me conforte dans l’idée que j’avais de Aja sur le fait qu’il avait atteint là son point d’orgue. C’est sa plus belle réussite, haut la main. Dans le genre, ça me parait délicat de faire aussi efficace. Et si le film emprunte parfois les voies de la facilité et de l’emphase – Aja n’étant pas le garant de la subtilité – il est agréable de constater combien il décalque peu et ressemble peu, dans le ton, à tout un pan de ce cinéma que l’on connait, des Seventies à aujourd’hui.
Dans une séquence comme celle de l’attaque de la caravane, il lâche les chevaux. J’en avais gardé quelque chose de terrible, d’insoutenable dans le rythme comme dans l’image et l’effet ne s’est pas dissipé. C’est sans doute même ce qui a le mieux vieilli, avec le dernier acte. Au passage, là où le genre nous habitue à de petites pluies régulières de cadavres (notamment parce que les personnages se dispersent au compte-goutte) Aja choisit une scène pivot, tempête absolue, puissante, sans compromis. La caravane transporte une famille de sept personnes, nourrisson compris. Trois vont y passer, violemment, en cinq minutes. Ajoutez à cela un viol et la disparition du bébé, je ne vois pas trop comment on peut faire plus trash en un laps de temps si réduit.
Trois morts, d’un coup. Et ce seront les trois seuls – dans cette famille de touristes américains. Le reste ne sera que transfiguration animale, d’autant plus intense qu’elle investit le personnage le plus pacifique, qui n’aura d’autres préoccupations que de venger sa femme et de retrouver son gosse, tandis que le patriarche, beau grand défenseur des armes à feu, se fait très vite griller comme une merguez – les inserts en question sont d’ailleurs super longs, mal fichus surtout qu’Aja prend l’option de tout montrer plutôt que de jouer sur une suggestion plus choquante. L’idée que dans la vengeance, il n’y ait plus ni idéologie (le républicain et le démocrate) ni groupe (les hommes et les mutants) qui compte, mais un seul déluge de violence barbare et sadique est la grande idée du film, du reste absente de l’opus de Wes Craven.
La première partie du film est relativement soft bien qu’y transpire déjà un profond malaise, provoqué par ces grandes étendues désertiques, ces quelques apparitions à peine visibles et une ambiance sonore bien marquée, façon western. Il y a quelque chose de Massacre à la tronçonneuse (Il est évident qu’Aja en fait sa référence ultime) dans cette seconde (longue) introduction, celle qui nous familiarise avec les personnages. L’ouverture, la vraie (le massacre de deux scientifiques) est assez mauvaise en fait, elle fait mensongère au sein du reste qui plus est, voulant attirer d’emblée son spectateur dans un sillage qui ne lui ressemble pas. La deuxième partie, post caravane, est un survival à l’énergie, bien relevé, creepy et bloody à souhait. Aja y agrémente même son matériau de détails assez jouissifs sur l’Amérique, bien qu’inutiles au regard de ce qu’il crée déjà du monde des mutants, dont on apprend qu’ils sont la conséquence d’essais nucléaires qui avaient eu lieu dans leur zone d’habitation qu’ils n’avaient pas souhaité quitter.
On retiendra surtout ce gros travail sur l’espace, aussi bien dans le désert au milieu des collines ou dans ce cratère faisant office de cimetière de bagnoles, que dans le village test à la fin. Un remake brillant qui surpasse donc allégrement l’opus de Wes Craven, trop fauché qu’il était pour marquer durablement les esprits et faire couler le sang autant que les retombées radioactives.