Un moment d’égarement.
7.0 John Forbes se réveille un matin et réalise que sa petite vie paisible et bien huilée de mari, père de famille et employé d’assurance se levant et se couchant toujours à la même heure, l’emmerde. Tandis que ce jour-là il traîne avec lui une mine désabusée du simple mortel conscient de sa mort à venir, le voilà rendant visite à une certaine Mona Stevens, la compagne d’une petite frappe qui s’est faite pincée, afin de saisir les biens achetés par son client avec l’argent détournés à sa compagnie. Habituellement, Forbes, employé modèle, aurait scrupuleusement rempli son dossier afin d’établir la saisie. Mais d’une part il ne mentionne pas le petit bateau, ce que Mona « aime le plus au monde ». D’autre part, il la revoit, s’amourache d’elle et se retrouve bientôt menacé par un détective (qu’il avait engagé pour la retrouver) jaloux, un mari sur le point de sortir de prison et sa propre conscience. Lui qui souhaitait de l’animation dans sa vie, c’est plutôt réussi.
C’est un beau film noir, avec une intrigue aussi claire que minimaliste. Avec trois hommes épris d’une femme, fatale à l’épure et malgré elle. Si l’on retient Raymond Burr, qui incarne Mac, une petite raclure de privé pathétique et cynique absolument dégueulasse, c’est surtout les deux rôles féminins traversant le film qui marquent : La voix rauque de la blonde Lizabeth Scott et la force tranquille de la brune Jane Wyatt, qui campe l’épouse de l’assureur paumé. Surtout c’est un film noir à la fois traditionnel dans sa mécanique et très différent dans son récit, plus resserré sur l’intime, à l’image de la présence essentielle du petit garçon et de ses cauchemars récurrents. Il y a vraiment le portrait d’une petite bourgeoisie fissurée de partout avec cette fin qui n’en est pas vraiment une… « On essaiera… » Très beau. D’André de Toth je ne connaissais que le sublimissime La chevauchée des bannis. Merci beaucoup Arte (encore) pour cette découverte.