Archives pour la catégorie Anton Corbijn

Un homme très recherché (A most wanted man) – Anton Corbijn – 2014

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   5.5   A l’instar de J.C.Chandor, Corbijn fait partie de cette nouvelle vague de cinéastes hollywoodiens faussement indépendants, qui proposent sinon un univers personnel reconnaissable entre tous, une sensibilité et une minutie d’orfèvre qui les place forcément dans une veine suffisamment non académique (ce fameux classicisme moderne) pour ne pas tomber dans le gouffre de l’Entertainment sans âme. Certes ils n’ont pas le même CV ni la même nationalité d’origine ni le même âge, mais leur évolution (On pourrait citer Gray dans ce panier aussi) dans le cinéma, est rempli de similitudes. D’autant que son travail de photographe et réalisateur de clips ne transparait plus beaucoup aujourd’hui.

     Faire un biopic sur Joy Division dans un noir et blanc léché tourné à Macclesfield, puis enchainer vite sur un polar au ralenti avec Clooney dans les Abruzzes, d’emblée Corbijn séduisait par cette évolution au moins aussi original que pouvait l’être en son temps un Cimino, par exemple. Le voir plonger dans un projet de film d’espionnage post 9/11 avec en chef de casting (de haute volée) Philip Seymour Hoffman (dont ce sera par ailleurs son dernier film crédité) et une action située entièrement à Hambourg (qui devient un vrai personnage) attisait curiosité, une fois de plus, non sans prolonger cette frustration de voir Corbijn devenir inéluctablement un bon artisan façon Doug Liman.

     Et c’est malheureusement le cas. Alors, malheureusement, oui et non car le film est vraiment fort, prenant, intelligent, limpide, hyper travaillé, ne tombe jamais dans la facilité démonstrative. Après voilà, je ne vois plus rien de Corbijn là-dedans. Certes je préfère le voir faire A most wanted man que de devenir un énième réalisateur de clip reconverti en cinéaste passe-partout, mais c’est un fait : Le film est bien fait comme on dirait que La vie des autres est bien fait, mais il est aussi très froid, programmatique, trop pour me happer pleinement, ne pas tomber dans l’oubli instantané et me faire croire que le Corbijn de Control et The american existe toujours.

The American – Anton Corbijn – 2010

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     7.5   Ce n’est pas un polar sur un tueur à gages à la mode Jason Bourne (trilogie que j’aime bien cependant) on est plus dans le registre de l’homme solitaire et seul, pris dans un espace façon Melville. On pense assez au Samouraï, peu au niveau du récit – avant tout centré ici sur la préretraite d’un tueur – davantage au niveau formel, quand la lenteur épouse le quotidien du personnage. Quand on voyait Delon chercher la bonne clé dans un trousseau qui en comptait des dizaines, et cela, Melville prenait le temps de le filmer, presque en temps réel, ici il est récurrent de voir Clooney s’occuper d’un fusil, effectuer des réglages, l’assembler scrupuleusement pièce par pièce, afin que l’objet soit prêt pour un exécuteur. Avant cela, lorsque sa couverture est grillée, dans le fin fond de la Suède, où il est obligé de se séparer en plus de ses assaillants, de la femme avec qui il prenait congé, parce qu’elle découvrait son identité (ou parce qu’il la pensait inquisitrice de tout ça, possibilité peu probable mais non négligeable) l’Américain, car c’est principalement comme ça qu’il sera appelé ou parfois Jack, parfois Edward aussi, prendra le train pour l’Italie, la région des Abruzzes, pour se faire tout petit et attendre son prochain contrat. Et Anton Corbijn (le génial réalisateur de Control, son premier long métrage, qui succédait à de nombreux clips), avec minutie, filme le quotidien de cet homme. Dans la plus banale illustration : musculation matinale, divers repas, virées chez les prostituées, échanges avec le prêtre du quartier, quelques cafés pris ci et là, que Corbijn accompagne du plus profond silence. C’est un film silencieux, dont certains passages rappellent le cinéma de Léone, cité clairement le temps d’une scène où l’on passe Il était une fois dans l’Ouest dans un bar. Mais aussi dans sa représentation Melvilienne : Rapidement appelé pour un nouveau coup dont il n’en sera pas le finisseur, l’Américain se doit donc de préparer une arme pour une collègue. Tout est précis, minutieux, millimétré, incompréhensible aussi lorsque les deux tueurs échangent un jargon du métier qui nous arrive comme charabia, et surtout ancré dans une unité temporelle de façon à ce que l’on éprouve comme l’Américain. En ce sens The American ressemblerait plus à Policier adjectif, autre film vu cette année, sur le quotidien répétitif, solitaire et en temps réel, qu’à n’importe quel film (américain) sur le même sujet. Ou alors à The limits of control, sorti l’an dernier, plus classique cependant que le Jarmusch qui était solaire, ambiant drôle et très radical. Il y a deux scènes que j’aurai enlevées : une scène de bar, lorsque l’Américain observe l’homme qui le poursuit,  je n’aurai rien enlevé de la scène à proprement parler, je l’aurai simplement épuré en enlevant la chanson Tu vuo’ fa’ l’Americano, d’une part je n’en vois pas l’intérêt, si ce n’est comme clin d’œil second degré qui dénote avec le reste du film. J’aurai supprimé aussi les échanges entre le patron et la tueuse, en gros tout ce qui se passe dans le dos de Clooney, dans les toutes dernières scènes du film. Je préfère nettement quand je n’ai aucune avance sur lui. Finalement, la fin montrera qu’il en savait plus qu’on l’imaginait, mais c’est cette sensation que je trouvais remarquable, puisque de toute façon il ne s’agit que d’un film sur les inquiétudes, l’incapacité à se détacher de son passé. Car The American c’est avant tout un film sur l’homme vieillisant – George Clooney toujours beau (peut-être même encore plus que d’habitude) laisse apparaître un visage souvent fatigué, poil grisonnant, renforcé par les interventions de son patron qui lui dit constamment qu’il se ramollit – et sur le désir impossible de tirer un trait sur des choses du passé. C’est aussi ce que cherche Clara, la prostituée avec laquelle il passé le plus clair de son temps (hors travail) et dont il tombe amoureux. Un homme qui reste et restera éternellement seul, c’est ce qu’il serait condamné à être s’il faisait un autre job. Là, il est condamné à la solitude mais surtout à une inquiétude permanente, incapable de faire entièrement confiance en qui que ce soit, incapable de dormir à poings fermés (Et cette tension est bien rendue, elle est présente tout au long du film). Ce qu’il fait le mieux c’est appréhender le monde, calculer son entourage, et dégainer le plus vite possible dans toutes les situations. En retraite, l’Américain n’est alors plus de ce monde, d’une part car il est inutile, aussi parce qu’il représente un danger. Il ne lui reste plus qu’à éviter de disparaître. Il devient papillon le temps d’un envol (des moments de grâce avec Clara) mais ne pourra résister longtemps à cette transformation éphémère.

Control – Anton Corbijn – 2007

3467Love will tear us apart.    

     8.5   C’est un bien beau premier film que nous offre ici Anton Corbijn de part cette évocation de la vie d’Ian Curtis, chanteur du groupe Joy Division, qui connaîtra une renommée principalement post-mortem. De ses premières chansons écrites à son suicide le 18 mai 1980, la veille de leur concert aux Etats-Unis qui s’annonçait comme leur premier grand triomphe, Sam Riley incarne le chanteur Mancunien avec une parfaite maîtrise au point de nous faire oublier que la personne à l’écran n’est pas le vrai Ian Curtis.     Le réalisateur hollandais opte pour le noir et blanc, excellente initiative car d’une efficacité redoutable lorsque l’on évoque la descente aux enfers d’un homme coincé dans un monde trop grand pour lui. Car le leader du groupe précurseur de la new wave n’avait rien d’une destinée envieuse : marié trop tôt, père de famille trop tôt, il est très vite infidèle mais ne veut pas tourner la page, il est sujet à des crises d’épilepsie à répétition et ne partage pas les envies mégalomanes de son entourage. « Je préférais l’époque d’Unknown pleasure » dira t-il, c’est à dire les moments cool avant la gloire! Mais il a perdu le contrôle de sa vie (référence : « She’s lost control »), il est ravagé par un flôt de contradictions. Son suicide n’en sera que légitime.     Et cette représentation à l’écran dans un Macclesfield magnifié est redoutable de justesse et de pureté, entre longues séquences silencieuses, caractérisant le personnage fascinant comme l’étaient les leaders des groupes de rock des années 60′s et 70′s, et scènes musicales nostalgiques montrant les paroles mélancoliques du chanteur comme une évocation de ses sentiments personnels quotidiens. Un des meilleurs films de l’année.


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silencio


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