L’enfance vue.
6.0 Objet hybride mêlant reconstitution fictionnalisée, documentaire sur l’amour du cinéma, témoignages de spectateurs, archives d’extraits de films, confessions et souvenirs d’un cinéphile, Spectateurs ! a ceci de gênant par son discours professoral et de touchant dans sa volonté d’évoquer une fêlure de cinéma.
Ce choc c’est celui du visionnage de Shoah, de Claude Lanzmann. Selon moi, Desplechin doit faire son film entièrement là-dessus, il peut laisser tomber le reste. C’est d’ailleurs le seul moment où il sera lui dans le champ, le seul moment où il ne convoque ni Paul Dédalus (son alter ego depuis toujours) ni des acteurs (aux multiples visages) l’incarnant. Desplechin raconte son expérience face à Shoah et la prolonge, en allant rencontrer à Tel-Aviv une historienne israélienne qui avait écrit jadis sur le film et avait trouvé les mots qui manquaient au jeune Desplechin pour dire ce que le film lui avait fait ressentir. C’est très beau.
J’aime aussi beaucoup l’instant où il parle des Quatre-cents coups, quand Dédalus est cette fois incarné par Salif Cisse (qui est si magnifique dans A l’abordage, de Guillaume Brac). J’apprécie sa façon aussi de raconter son premier rendez-vous manqué avec la salle de cinéma, devant Fantômas, avec sa grand-mère et sa petite sœur.
Dommage qu’il faille en passer par ses errances sentimentales et que son évocation d’autres films marquants soient si peu exploitée : Cris et chuchotements, Les petites marguerites, La maison du Dr Edwards ou Europe 51. Pire je vois un discours un peu démago derrière, quand il interview des gamins qui citent des Marvel. J’ai un peu de mal à ne pas voir Desplechin en surplomb de ces gamins. De même, j’ai un peu de mal à croire à ce moment où il balance des images de Die hard et Terminator, aussi.
Le film m’a touché par instants mais dans l’ensemble je me disais que Spielberg avait plié le game (du film sur l’enfance et le cinéma) avec The Fabelmans, quand bien même on reste toujours curieux de connaître les parcours cinématographiques émotionnels de ceux qui comptent. Et Desplechin comptait beaucoup pour moi un moment donné. Il faut donc ce film-essai « qui célèbre les salles de cinéma et leur magie multiple » (pour le citer) aussi émouvant que bancal pour que je retrouve un peu (après trois purges) mon Desplechin. Ça je ne m’y attendais pas.



« Je suis triste. Je regarde la fin de mon enfance. »
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