Aberration.
2.0 Je ne pensais pas Egoyan capable de faire quelque chose d’aussi laid. Je n’ai pas vu la moitié de sa filmo mais sur le peu et bien qu’il y ait des hauts (De beaux lendemains) et des bas (Adoration) ça se tient. Ça se tenait. Ça se tenait même pendant Remember, modérément, avant l’inacceptable.
Remember s’ouvre sur une séquence d’oubli. Zev (Christopher Plummer) cherche Ruth, sa femme, sans savoir qu’elle est décédée une semaine plus tôt. En fait il le sait, mais à chacun de ses réveils il a oublié. Zev est atteint de démence sénile, enfin d’Alzheimer. C’est donc une situation qui revient souvent dans le film : La quête de Ruth, son point d’ancrage, avant qu’il ne suive la mécanique des mots avec ces lettres qu’ils se trimbalent, ces mots qu’il se gribouille sur les bras. C’est le versant troisième âge de Memento, en somme. C’est un peu verrouillé et filmé platement mais comme le récit prend forme petit à petit il parvient à nous agripper.
En fait, Zev est investi d’une mission, celle commandée par son ami de maison de retraite (de laquelle il s’échappe) qui a vécu les camps de la mort à ses côtés et y a perdu comme lui toute sa famille. Ne pouvant plus se lever, ce dernier lui rappelle la promesse que Zev avait tenu : Retrouver, après le décès de sa femme, l’exterminateur SS de leurs deux familles, terré dans le fin fond du Nevada afin de lui régler son compte. Pour ce faire, il voyage avec une liasse de dollars, des billets de train et une lettre conséquente dans laquelle sont répertoriées son histoire personnelle et les étapes de sa mission, de manière à ce qu’il ne laisse rien au hasard.
Zev doit trouver un dénommé Rudy Kurlander. Quatre hommes répondent à tous les critères, il va donc effectuer quatre rencontres. Il va découvrir que le premier est un nazi ayant agi en Afrique du Sud. Que le deuxième est un juif survivant d’Auschwitz. Que le troisième est un collectionneur nazi qui vient tout juste de mourir. Reste le dernier, forcément. La construction programmatique et régie par des schémas classiques hollywoodiens fait un peu de peine au regard d’un tel sujet. Créer un tel suspense en crescendo c’est déjà limite mais soit, ces trois rencontres sont passionnantes, toutes trois dans leur registre. Mais on attend le quatrième homme, le vrai Rudy Kurlander. Zev va enfin pouvoir se venger.
Et là, Egoyan nous sort un twist de la mort. Un truc de petit magicien sourire aux lèvres qui ne relève plus seulement de la gêne en sourdine qui régnait jusqu’alors. Un virage infâme qui remet une heure trente de film en perspective, une heure trente durant laquelle le spectateur est dupée par une identité masquée, une heure trente d’empathie obligée pour un uppercut imparable. Certes, on pourrait dire que le récit en entonnoir découle de cette mémoire capricieuse. Dans un polar quelconque je veux bien, mais là, franchement, J’ai trouvé ça tellement nul et obscène que ça ne m’a même pas agacé, juste donné envie de dégueuler.