Archives pour la catégorie Barbet Schroeder

Tricheurs – Barbet Schroeder – 1984

05. Tricheurs - Barbet Schroeder - 1984« Life is for nothing ».

   7.0   Après la claque The Card counter, j’ai pensé que c’était le bon moment pour découvrir ce Schroeder qui se déroule aussi dans l’univers des casinos. Cette fois moins autour du poker que de la roulette. C’est un beau film sur un homme dévoré par le jeu. Voire dévoré par la sensation de perdre. « Tout est plus beau quand j’ai perdu ». Le parfait pigeon des casinos, en somme. Puisque s’il gagne, Elric (Jacques Dutronc) relance systématiquement ses gains, de façon compulsive : Il faut le voir courir de table en table, en sueur, et y balancer ses jetons : terrifiant. Et il perd souvent tout, inéluctablement. Une première rencontre le fait se raccrocher à la chance, une superstition autour du chiffre 7 arboré par une autre joueuse, Suzie (Bulle Ogier) qu’il croise autour d’une table à Madère. Le tandem qu’ils vont former ensemble est aussi beau que troublant, comme si deux aimants s’étaient trouvés. C’est pourtant une autre rencontre qui va un temps les séparer. Elric va croiser la route de Jorg, tricheur professionnel, qui va l’embarquer dans ses combines. Jorg ne sera que moteur de ce glissement puisque c’est avec Suzie, qu’Elric retrouve plus tard, qu’il va se lancer dans un autre système de triche. Il y a le fantasme d’un château au bord du lac Leman mais ce n’est jamais une fin en soi. Le happy end masque un ton nettement plus grave tant il est évident qu’Elric, dépendant à la perte, reviendra au jeu très vite, aux tables d’Annecy. La mise en scène de Schroeder colle au personnage, tant elle aussi répétitive et monocorde (d’un classique froid, élégant mais troublant) que lumineuse et insondable – notamment dans son utilisation des ellipses, sa captation très étrange des lieux et sa photo instable résultante légitime de l’instabilité de son personnage. Pour ne pas dire de son cinéaste, qui après ses films emblématiques de la culture hippie (More & La vallée), un docu sur Idi Amin-Dada, un film autour du sadomasochisme et un autre autour du jeu, s’envolera bientôt pour Hollywood.

JF partagerait appartement (Single White Female) – Barbet Schroeder – 1992

15. JF partagerait appartement - Single White Female - Barbet Schroeder - 1992Le poids de la gémellité évaporée. 

   6.0   Il faisait partie de cette vague de thrillers hollywoodiens vaguement érotiques sortis durant les années 90 que j’affectionnais tant quand j’étais adolescent, au même titre que d’autres se passionnaient pour La trilogie du samedi, j’imagine. Il était surtout l’un de ceux que je préférais, avec La main sur le berceau ou Color of night. Autant je sais que le premier, signé Curtis Hanson, est resté absolument génial, autant le second, j’ai bien des doutes. En tout cas, j’étais curieux de revoir JF et moins pour le plaisir de la retrouvaille que pour voir un film de Barbet Schroeder – donnée qui à l’époque m’échappait. De Schroeder et de cette même période il faudra que je revoie L’enjeu (avec Michael Keaton et premier DVD qu’on avait eu à la maison, si mes souvenirs sont bons) et Le poids du déshonneur (avec Meryl Streep, Liam Neeson & Edward Furlong), deux films que j’aimais bien aussi. Si cette période n’est sans doute pas la plus intéressante de sa carrière, il me semble qu’il fut un bon artisan du genre en ce temps-là.

     Dans ce genre, justement, le film fonctionne toujours bien, distillant trauma et tension crescendo avec une certaine dextérité, captant l’atmosphère imposante et lugubre de cet appartement post-haussmannien d’un ancien hôtel de l’Upper West Side avec un sens de l’espace percutant. Mais la réussite tient en grande partie grâce à son duo d’actrices au physique volontairement ressemblant : Bridget Fonda & Jennifer Jason Leigh sont si extra que le casting masculin qui gravite autour d’elles semble complètement amorphe. La mise en place est plutôt efficace à défaut d’être réellement brillante : Après une rupture douloureuse, Allie, conceptrice de mode, engage Hedy comme colocataire mais si cette dernière est d’abord agréable et attentive, elle va peu à peu devenir jalouse et envahissante, au point de s’approprier son identité, intercepter son courrier, s’acheter les mêmes vêtements puis copier sa coiffure, rousse et carrée. Ce n’est que le début d’un cauchemar vampirique qui aboutira dans une folie destructrice et meurtrière.

     Ce qui pose problème c’est probablement le nombre de rebondissements, d’artifices scénaristiques, de virages grossiers. Le film ne lésine pas à ouvrir des tiroirs, tient d’abord bien l’équilibre puis le perd dans sa dernière demi-heure où il gagne en efficacité cruelle ce qu’il perd en crédibilité sulfureuse. C’est dommage, cette tension domestique aurait méritée plus de rigueur, de force de frappe : On sent qu’il a Vertigo en modèle mais il ne prend jamais le temps de creuser un sillon aussi vénéneux qu’Hitchcock : La scène où Allie suit Hedy dans la nuit, jusque dans ce club où elle découvre que sa coloc se fait passer pour elle, est aussi géniale et malaisante sur le papier que foirée et expédiée à l’écran. Malgré tout et si l’on passe outre les grossières invraisemblances (l’utilisation aléatoire du son propagé par les conduits d’aération, notamment) avec JF partagerait appartement, Schroeder montre qu’il maitrise son petit suspense, trouve quelques éclats notamment dans l’utilisation de cet immeuble monstrueux, ses entrailles, naviguant avec aisance dans les couloirs, son ascenseur, sa cave. Bref, ça se regarde encore très bien.

La vallée – Barbet Schroeder – 1972

feX1lNKOc6XdOGZjPlYTQ0eJwahDans la brume.

   9.0   La beauté singulière du deuxième film de Barbet Schroeder c’est qu’il échappe aux canons que le genre pourrait imposer. Il n’y a plus ni intrigue ni dramaturgie claire, on est dans le pur récit d’initiation, entre la fiction contemplative et le documentaire ethnologique.

     Un petit groupe de marginaux occidentaux arrêtés dans une mission de Nouvelle Guinée, a entrepris de faire un voyage de plusieurs semaines, en land rover puis à cheval, afin de rejoindre ce qu’il nomme leur paradis, une étrange tâche blanche sur la carte, lieu inexploré (ou tout du moins lieu dont ses explorateurs ne sont jamais revenus) renfermé par les nuages.

     Au début c’est une histoire de plumes qui perd un peu Viviane (sublime Bulle Ogier), femme de consul en quête d’objets exotiques mais à priori peu enclin à l’aventure qui se laisse plus ou moins séduire par un blondinet hippie, qu’elle blesse malgré elle. Et c’est une autre affaire de plume qui la mènera sur le haut d’une montagne où un vieux sage lui offrira le présent convoité avant qu’elle ne se perde progressivement dans l’ivresse du sexe, de la drogue, de la passion du retour à la nature, la rivière Sepik, les serpents verts, jusqu’à l’état primitif, au point de désirer elle aussi découvrir cette fameuse vallée. Je retrouve là-dedans ce qui me plait tant chez Herzog.

     Schroeder avait prévu, après le succès de son premier film More, de tourner au moyen de financements hollywoodiens sur une jonque chinoise. Lâché par les investisseurs, il se replia sur une production française, moindre, qui lui imposait de faire autrement et donc de choisir l’Afrique. Le film est d’autant plus fou qu’il arrive après la bataille, si l’on se tient à son délire mystique marqué par la génération hippie.

     Un moment, le petit groupe débarque au beau milieu d’une tribu primitive, qui les initie au rite annuel festif, maquillages et dégustation de cochon compris. On atterrit soudainement dans le documentaire, la fiction n’existe plus. Schroeder n’hésite d’ailleurs pas y intégrer les mots du chef de la tribu « Vous emporterez les images pour votre film à l’autre bout du monde » renforçant cette abolition totale des frontières. Plus tôt, on filmait aussi un festival dans les Hautes terres occidentales dans laquelle avait lieu un rassemblement des tribus de toute l’île (rite commandé par les colonisations) dans laquelle on y engouffrait les acteurs, qui à l’image de Viviane, se faisaient littéralement engloutir dans cette immensité indomptable, ce que l’on pourra retrouver dans les mots de l’une des filles plus tard, qui témoigne de leur voyage comme d’une petite bouteille que l’on jette ouverte dans l’océan.

     En s’abandonnant aux peuplades dans lesquelles il s’immisce le film s’adoucit, s’émerveille, oublie qu’il tente de raconte un voyage d’occidentaux déracinés. Il filme les coutumes locales, dans leur beauté et leur cruauté, leurs danses et leurs cris.

     Pour autant si le film semble prêcher cet état de retour à la nature, il n’en reste pas moins éloigné, apportant son lot de scepticisme à l’image de Jean-Pierre Kalfon dissertant sur ce retour qui pourrait être vu comme « Mordre une deuxième fois dans la pomme ». Puisque finalement, la femme dans cette société primitive, n’a pas les droits qu’elle a dans le monde occidental. Que le film se permette se recul et ce détachement-là me sidère.

     La vallée est un objet hybride, insondable, rempli de soubresauts inutiles au sein de son semblant de récit mais si sa lente agonie dans la jungle pourrait être associée à des effets appuyés (à l’image de ce que Hooper utilise dans Easy rider) mais il n’en est rien ici, il n’y a de délire que l’immersion hypnotique jamais dans un visuel ostensible. Schroeder fait absolument confiance dans le travail de Nestor Almendros, sans doute l’un de ses plus beaux travaux en tant que chef opérateur. L’étrangeté du procédé participe je pense à cette fascination générale qui transpire dans chacune des séquences, aussi bien d’un point de vue technique (le son, sérieusement…) que de la simple présence des acteurs, habités, happés dans les fragrances vaporeuses de la jungle, sans pourtant en faire trop. Top 1 film hippie ever.


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silencio


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