« Carrément rien à branler »
2.0 Le peu de crédit que j’accordais à Forgeard après le déroutant et assommant Gaz de France c’était dans sa faculté à s’approprier un univers absurde et un regard moderne, critique. Il enterre ces éventuelles promesses avec Yves, film sans aucune cohérence, entre la gentille folie de son récit de Hal-Frigo qui nourrit l’inspiration et l’indigence (pour ne pas dire l’inexistence) formelle qui l’enveloppe. C’est simple on ne retient rien. Pas une idée intéressante ni un plan farfelu, rien. Le néant. La palme du frisson de la honte étant atteinte lors de ce concours de l’Eurovision chanté par une cafetière italienne, un aspirateur portugais ou une machine à laver allemande. Il faut attendre les deux dernières minutes pour apprécier un semblant d’étirement surprenant, de subversion érotique. Mais il est déjà trop tard, malheureusement. Et puis Cronenberg est passé par-là avant. Et puis un frigo – hormis sa giclée de glaçons finale – a quand même moins de personnalité, d’élégance et de propension au fantasme qu’une voiture. Le sentiment qui nous parcourt durant tout le film est parfaitement résumé par le refrain (quasi méta, du coup) de la chanson de Jérem « Carrément rien à branler » d’autant que les dialogues et l’humour sont de ce niveau, insipides, la romance complètement idiote et les seconds rôles affreux : Katerine lui-même semble se demander pourquoi il est là. C’est par ailleurs la première fois que je trouve William Leghbil insupportable. Il tente de jouer comme Vincent Lacoste, sans doute pour récupérer un peu de sa magistrale énergie de loser qui mange des bananes dans Les beaux gosses, mais ça ne fonctionne pas. Est-ce que c’est en tournant avec dans Première année qu’il a été contaminé ? Qu’importe, un Leghbil lacostisé n’en vaut pas deux. Dans le registre de la comédie française absurde 2019, Yves, comme Convoi exceptionnel, de Blier, ont raté le coche. Ruez-vous plutôt sur le magnifique dernier Dupieux : Le daim.