Archives pour la catégorie Bertrand Tavernier

Laissez-passer – Bertrand Tavernier – 2002

22. Laissez-passer - Bertrand Tavernier - 2002Voyage à travers le cinéma de l’Occupation.

    6.0   Rien d’étonnant à voir Tavernier, cinéaste cinéphile engagé, faire un film de guerre et un film sur le cinéma. Le plus troublant, c’est qu’il fasse les deux en même temps. Le récit se déroule sous l’Occupation. On suit la trajectoire de deux hommes qui ne se croisent pour ainsi dire jamais, mais qui se reflètent, se font échos. Le premier, Jean Devaivre, assistant metteur en scène, actif et calculateur, va entrer à la Continental (firme cinématographique allemande qui produit des films français) afin de camoufler ses activités de résistants clandestins. L’autre, Jean Aurenche, scénariste, passif et ferme, refuse autant la résistance que toute collaboration allemande. Deux personnages incarnés par Jacques Gamblin et Denis Podalydes. Deux héros, disons, secondés par une kyrielle de personnages dantesque puisqu’on parle de plus d’une centaine de rôles parlants. Le film est aussi une plongée au cœur des plateaux de tournage parisiens et sera l’occasion de reconnaître la conception de certains films, dont La main du diable, de Maurice Tourneur. Laissez-passer est donc un moyen de réhabiliter ces cinéastes qui continuèrent d’exercer leur art malgré tout, pour lesquels Tavernier rendra par ailleurs hommage plus tard au cours du chapitre « La nouvelle vague de l’occupation » dans son long Voyage à travers le cinéma français. Laissez-passer est sans doute trop dense, trop confus, trop saccadé, trop ambigu, déséquilibré dans ses deux destins, trop conscient de son name dropping – paradoxalement discret puisqu’on entend de grands noms mais on voit essentiellement des petits, comme si Tavernier englobait tout le monde dans un grand tout, aussi chaotique et absurde que la guerre. Il y a beaucoup trop de personnages et de situations, de variations entre comédie et drame, pour réellement passionner et émouvoir, sur près de trois heures. Mais l’ambition en impose, le film est souvent impressionnant, dans sa reconstitution, ses plans-séquence et nombreux travellings, et sa volonté de combiner les mémoires de Devaivre et les souvenirs d’Aurenche. Ça ressemblait sur le papier à un film impossible, Tavernier en a tiré un truc inégal certes, mais assez vertigineux.

Quai d’Orsay – Bertrand Tavernier – 2013

25. Quai d'Orsay - Bertrand Tavernier - 2013Intrigues de bureau.

   5.0   Bien que je n’aie aucun souvenir de la bande dessinée de Blain & Baudry si ce n’est que j’avais adoré lire les pages de ces chroniques diplomatiques, découvrir la richesse et truculence de ce monde de langage, en mouvement permanent, j’ai toujours été très curieux de voir ce que Tavernier avait pu en tirer. Il a dû adorer ces deux tomes tant le film respire BD, son rythme, ses planches, ses cases, son jeu azimuté. Trois personnages se démarquent clairement, tous trois différents, bien campés par Lhermitte, Personnaz & Arestrup. Dommage que le reste du casting soit si peu incarné et que la mise en scène ne leur offre pas la place qu’ils méritent. Il me semble que Tavernier est aussi trop prisonnier de son dispositif, cherchant trop à coller au matériau d’origine alors qu’il pourrait ambitionner d’être un peu plus consistant, quelque part entre ce que feront plus tard la série Au service de la France ou L’exercice de l’état, de Pierre Schoeller. Ce quotidien d’un cabinet ministériel s’il ne tombe jamais dans une peinture caricaturale facile peine à être plus qu’un tableau nerveux et burlesque qu’on oublie in fine assez vite, malgré l’énergie qu’il insuffle dans chaque scène à l’image de ces feuilles qui s’envolent en permanence à chaque ouverture ou fermeture de porte du ministre.

Un dimanche à la campagne – Bertrand Tavernier – 1984

Louis Ducreux, Sabine AzémaCoup de pinceau.

   5.5   Du Tavernier milieu de tableau. Soit la chronique d’une famille bourgeoise du début du XXe siècle, réunie le temps d’une journée dans le domaine valdoisien du patriarche. Un peintre veuf et usé qui refuse de se soumettre à cette usure, continuant d’accueillir les visites dominicales de ses enfants et petits enfants à la gare ferroviaire, quand bien même il soit de plus en plus en retard au rendez-vous. Le film est traversé par deux forces.

     D’abord l’affrontement invisible de ses deux enfants, Gonzague (incarné par Michel Aumont, très bien) un garçon vieillissant et ennuyeux, plein de convenance, professionnelle et familiale ; et Irène (Sabine Azéma, qui joue un peu trop de son hystérie) l’anti-conformiste, femme moderne, libérée qui a choisit son indépendance et qui débarque par ailleurs ce jour-là complètement à l’improviste.

     Ensuite par l’imminence de sa mort, traduit notamment par une idée, la seule idée forte du film : Tandis qu’il l’accompagne dans ses jardins, Gonzague a soudain la vision d’être au chevet de son père défunt. Ce qui est très beau lors de cette séquence, c’est sa soudaineté au point que l’on ne sait pas bien, le temps d’un instant, s’il s’agit d’une vision, d’une prémonition ou plus frontalement d’un saut dans le temps au sein duquel le film, désormais, évoluerait. C’est très troublant et dans un film aussi peu inspiré, c’est plutôt bien vu.

     Il faut par ailleurs rappeler que Tavernier s’inspire du roman de Pierre Bost, Monsieur Ladmiral va bientôt mourir. Il y avait probablement moyen d’être plus subtil. Il y a bien ce plan, similaire en ouverture et en clôture, sur un arbre doré dans le jardin, mais il y a aussi à l’opposé une voix off aussi inutile qu’elle est pénible. C’est pas Partie de campagne. Impossible de ne pas y songer et donc de l’y comparer : En « peignant » par l’intime la fin d’un monde, Tavernier semble vouloir se loger aussi bien entre Renoir fils que Renoir père. Ça manque un peu d’envergure et d’intensité.

Voyage à travers le cinéma français – Bertrand Tavernier – 2016

17. Voyage à travers le cinéma français - Bertrand Tavernier - 2016Bertrand le fou.

   7.0   Ce qui est très beau, je crois et qui révèle un titre plutôt mensonger c’est qu’on n’a jamais cette sensation de conformisme dans le traitement documentaire, qui aurait imposé une lourde exhaustivité. Tavernier parle moins de l’histoire du cinéma français que de sa propre rencontre avec le cinéma français, en truffant son récit d’extraits de films, interviews et d’anecdotes en tout genre. Ainsi ouvre-t-il 3h15 de métrage avec vingt minutes consacrées à Jacques Becker. L’immense Jacques Becker. Il m’arrache les larmes quand il termine son chapitre en citant les éloges de Melville pour Le trou. C’est alors qu’il plonge sur le cas Renoir. Car les deux premiers chocs cinématographiques de Tavernier sont Dernier atout, de Becker et La grande illusion, de Renoir. Le quart de ce documentaire est donc consacré aux deux auteurs français d’avant Nouvelle vague qui me sont très chers. J’étais aux anges. Arrive alors une déclaration d’amour pour Gabin et une réhabilitation un peu forcée pour Carné. Si ces deux chapitres me touchent moins que les deux premiers, ils me permettent de voir ce qui a pu me gêner chez Gabin et me gêne toujours chez Carné. Malgré tout, Tavernier m’a donné envie de revoir Un jour se lève. Alors, l’auteur de L627, emporté par ses souvenirs, glisse et se perd, ici du côté de Maurice Joubert, compositeur de classiques comme Le quai des brumes ou L’Atalante, là dans son attachement à Eddie Constantine, notamment dans un film de Jean Sacha, puis il évoque le cinéma de Gréville. Difficile de savoir où Tavernier veut aller. C’est alors que déboule Melville, avec Bob le flambeur et Deux hommes dans Manhattan, sur lesquels Tavernier revient un  peu en avouant s’être emballé à l’époque, notamment sur le second où il écrivit un élogieux texte dans un mag qui le fit rencontrer l’auteur de L’armée des ombres. Melville aura surtout offert à Tavernier son premier boulot : assistant sur Léon Morin, prêtre. De fil en aiguille, Tavernier nous emmène à Godard. Si leurs cinémas (Celui de Tavernier et celui de Godard) n’ont à priori rien en commun, il est touchant de voir l’admiration que Tavernier voue au réalisateur de Pierrot le fou. C’est alors qu’il arrive à Pierre Schoendoerffer, l’une de mes grandes découvertes de cette année, avec La 317e section (Pour lequel Tavernier aura travaillé sur la création de la bande-annonce) et Le crabe-tambour. Puis à Claude Sautet (Qui permit à Tavernier de faire sa première interview d’un cinéaste pour Classe tous risques) qu’il compare beaucoup à Jacques Becker. La boucle est joliment bouclée. Ça dure 3h15 et ça se regarde tout seul.

La fille de d’Artagnan – Bertrand Tavernier – 1994

La_fille_de_d_Artagnan1Au temps des Mousquetaires.

   5.0   J’aime assez. C’est un divertissement honnête. C’est dans l’esprit d’un Pirates des Caraïbes à la française. On sent bien que Tavernier voulait faire son clin œil aux quatre mousquetaires et les réunir, vieux, rouillés, mais pas ridicules. Il a fait bien mieux mais pas vraiment dans le divertissement, en fin de compte.

L627 – Bertrand Tavernier – 1992

161868_image_62940-cropPolicier, invariable.

   8.0   On pourrait considérer ce Tavernier comme le pendant chronique du Police abstrait de Pialat et du Neige baroque de Berto & Roger. Un document sur un Paris fantomatique, junky, nocturne (quoique pas si nocturne en fait) qui ne pourrait n’être que succession de catalogue d’affaires de stups mais y débusque une vraie réflexion sur le pouvoir du cinéma en plus d’être un remarquable film de terrain et d’investigation. Que le personnage central vienne du cinéma et soit en quelque sorte un cinéaste raté reconverti dans la police et les films de mariage pour arrondir les fins de mois, crée une proximité troublante, à la fois hyper théorique mais tout autant incarnée, entre lui, le cinéaste et le spectateur. C’est un film qui gagne à être revu parce qu’il est une plongée stimulante, sans frontières, dans les coulisses de la police fauchée, près de 2h30 dans les enfers de Paris qu’on ne voit guère passer, entre planques infinies, bureaux pourris, appartements miteux. Un truc frontal, sans concession, un pur film en mouvement permanent, parfois étiré, parfois détaché, doté d’une galerie de personnages formidables et une tripotée de flics bas du front, pathétiques, brossés dans leur médiocrité sans pour autant ôter un certain attachement, manifesté entre humour et tendresse – Blagues bien grasses, running gag du seau d’eau, entre autre. C’est souvent bien agencé. Seul bémol, L627 est beaucoup trop écrit, c’est ce qui m’avait considérablement gêné la première fois, certains dialogues semblent un peu trop bien organisés, mais c’est fait avec une telle générosité, un tel sens de la mise en scène qui ça rattrape haut la main les quelques trop plein d’écriture, notamment lorsqu’il veut faire rire, être en quête de la bonne vanne, du découpage parfait de l’utilisation de la parole. On a en effet parfois l’impression que c’est elle qui crée le montage, c’est vraiment mon seul reproche  – le Polisse de Maïwenn, que je ne déteste pas par ailleurs, s’est vraiment mal inspiré du Tavernier à ce sujet, seulement dans ses excès en fait. Pour le reste, j’aime que L627 commence, termine, sans réel début, sans réelle fin. Qu’il ne soit que des prolongements, des continuités. Grand film, qui gagne donc à être revu.

Ça commence aujourd’hui – Bertrand Tavernier – 1999

033865_ph3.jpg-r_1280_720-f_jpg-q_x-xxyxxLes combattants.

   8.5   Le film suit Daniel (Torreton) le directeur d’une école de maternelle, passionné, qui se heurte aux problèmes sociaux qui touchent les familles de ses élèves. Regarder un film, se prendre une claque que l’on n’attendait pas, être révolté par le sujet, bouleversé par l’authenticité. En parler plus d’une heure à deux après le générique. C’est aussi pour ce genre de soirée que j’aime le cinéma et tout particulièrement le cinéma engagé. Ce que j’ai vu de meilleur de la part de Tavernier, à l’aise. J’ai terminé en miettes.

Capitaine Conan – Bertrand Tavernier – 1996

1896758_10151986671467106_1611533471_n Guerre et paix.

   4.0   Là par contre, je retrouve le Tavernier qui me gonfle, celui de Que la fête commence. Tout est hystérique, surécrit, surjoué. Alors ok il y a une certaine ambition que l’on ne retrouve dans aucune fresque française populaire/intéressante mais ce n’est pas ce qui convient à ce cinéaste, à mon sens. Je n’ai vu que 1h15 car je me suis endormi – ce n’était pas dû qu’à la fatigue. J’ai vu la suite le lendemain, avec guère plus de conviction.

L’horloger de Saint-Paul – Bertrand Tavernier – 1974

1896873_10151986671447106_541844022_nLes rues lyonnaises.

   7.0   Merci Arte, qui diffusait deux soirs de suite, deux Tavernier que je ne connaissais pas. J’ai adoré celui-ci, l’un de ses plus beaux films à mes yeux, dense, mystérieux, qui démarre comme l’esquisse d’un polar pour finir en manifeste résistant. Noiret est immense. Et la relation que son personnage entretient avec son fils, bouleversante. Et Lyon y est sublimée, comme dans un autre des plus beaux films de Tavernier, Une semaine de vacances. A croire que la ville des Lumières (qui est aussi la sienne) lui réussit à merveille.


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silencio


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