Publié 7 novembre 2021
dans Bruce Conner
To ghosts.
5.0 Le collage cher à Bruce Conner prend une tout autre double dimension ici. Il s’agit d’abord, visuellement, de mélanger des images de films éducatifs. Il s’agit ensuite d’accompagner cette mixture du morceau éponyme de David Byrne & Brian Eno, tiré de My life is the bush of ghosts, ce chef d’œuvre absolue de la scène expérimentale. Du sampling qui rencontre du sampling, en somme. Il semble que Conner ait été recruté pour créer une vidéo pour ce morceau ainsi que pour « America is waiting ». On raconte que Byrne était fasciné par les films de Conner, ceci explique sans doute cela.
Publié 5 octobre 2021
dans Bruce Conner
Kansa’s boyhood.
5.0 Un enfant entre dans une chambre, se glisse dans un lit, éteint la lampe de chevet puis s’endort. Un léger zoom nous rapproche de lui, comme si l’on plongeait dans son rêve, avant un fondu au noir. Dans une texture similaire à celle de son précédent film, Take the 5,10 to dreamland, Bruce Conner effectue un collage d’images glanées : Une locomotive à vapeur, un quartier résidentiel, le globe terrestre, le ciel, un troupeau de moutons, une gymnastique synchronisée sur un terrain de foot, l’épanouissement d’une fleur en accéléré ou des voitures traversant une route inondée. Valse triste dégage la mélancolie des souvenirs d’enfance, qu’accentue la couleur sépia des images.
Publié 25 février 2021
dans Bruce Conner
Les films rêvés.
6.5 Virage surprenant pour Bruce Conner puisqu’il réinvestit la nature. Bien sûr le procédé ne change pas, l’auteur fonctionne toujours sur un assemblage d’images trouvées. Ici, elles proviennent de nombreux films éducatifs que le réalisateur américain collecte depuis longtemps.
En raison de sa durée (Cinq minutes et dix secondes) le film est intitulé Take 5 :10 to Dreamland. Ça ressemble à un titre de western. Ce n’est ni Yuma, ni Gun Hill mais Dreamland : Une volonté de quête d’un paradis perdu. Un dernier train à prendre vers le pays des rêves.
Deux éléments jouent pleinement sur cet effet d’onirisme : Tout d’abord la musique de Patrick Gleeson, transe discrète accompagnée de cris d’oiseaux ; L’image en sépia ensuite, quand bien même elle semble déboucher d’une contrainte de production – un problème au niveau de la transformation du son en imprimante optique – plus que d’un parti pris.
Quoiqu’il en soit, le film est très beau, doux, lumineux, apaisant. C’est une série d’images agencées poétiquement, nous offrant la possibilité de faire nos propres connexions entre elles / avec elles. On y voit notamment un homme buvant de l’eau à la rivière, une plume voltiger au gré des vapeurs produites par un radiateur, une femme s’observant dans un miroir, un lapin endormi, une jeune fille faisant rebondir une balle, une éclaboussure (au ralenti) dans une tasse de lait, un objet non identifié dans le ciel. Il y a du Maya Deren là-dedans.
Publié 2 février 2021
dans Bruce Conner
Une affaire de forme.
6.0 Du pur Conner, à la fois joueur, cynique et bricoleur. Il assemble des rushs de Marilyn Monroe à poil (pour des pubs ou des magazines de charme ?) en les superposant, de façon très cutée et répétitive au point que je me suis demandé s’il n’avait pas là, créé le gif. Des boucles dans des boucles, puisque les douze minutes de Marilyn times five sont accompagnées musicalement par le morceau “I’m Through with Love” qui dans la même logique est répété lui aussi, puisqu’on l’entend cinq fois. Des images glanées, de l’assemblage et des répétitions mais aussi une obsession pour la matière cinématographique. En effet, il existe sans doute un film (une publicité ?) au départ mais en récupérant les images, Conner en a proposé totalement autre chose : Ce n’est plus le « corps-objet » Marilyn que l’on voit mais l’image que Conner en fait. On ne regarde plus les formes, mais la forme.
Publié 7 décembre 2020
dans Bruce Conner
The massive picture.
6.0 Jay DeFeo a commencé à peindre « The white rose » en 1957. Lorsque la peinture inachevée a été enlevée huit ans plus tard, elle pesait plus d’une tonne. Et Bruce Conner vient capter son déménagement : Le récit d’un immense tableau que l’on retire de l’atelier d’un artiste. Si imposant, si lourd qu’il a fallu couper le mur et le soulever à l’aide d’une grue. Conner filme cet évènement comme une commémoration : les images sélectionnées et le montage donnent l’impression d’assister à une cérémonie mystique.
Publié 18 novembre 2020
dans Bruce Conner
Portrait sous verre.
4.0 A travers le portrait de l’actrice Vivian Kurz, enfermée dans une vitrine de verre, Bruce Conner déploie une satire du marché de l’art, accompagnée du Mona Lisa, de Conway Twitty. Performance filmée à l’occasion d’une exposition dans une galerie de San Francisco en 1964. C’est épileptique, hypnotique, très court, une sorte de clip grosso modo très proche de Breakaway (qu’il réalise l’année suivante) moins le fascinant dispositif renversé. Conner se fait la main, en somme.
Publié 10 juillet 2020
dans Bruce Conner
Le film cassé.
5.0 Au-delà de leur facture formelle très avant-gardiste, frénétique et/ou renversée, A movie (1958) et Breakaway (1966) s’offraient au plaisir du regard. C’était justement cette étroitesse entre le geste fou et le résultat fascinant qui rendait le produit troublant et restait de façon très surprenant collé à notre rétine, notre mémoire. Report va beaucoup plus loin. Trop loin, pour ma part. Il tourne autour de l’assassinat de Kennedy. Reprend les images télévisuelles rabâchées à l’époque en les déconstruisant un maximum, créant un sorte de ralenti décalé sans cesse renouvelé, sur la voiture ici, sur le fusil là. Le film vire même au noir durant trois minutes pour ne laisser que la bande sonore du commentateur radio d’époque. Pire, dans la deuxième partie, il s’en va saisir de l’avant 1963, dans un montage reprenant les mêmes codes, insérant tout ce qui fit l’Amérique sous Kennedy, son développement publicitaire et nucléaire, notamment. C’est intéressant mais ça gratte, hein, mieux vaut prévenir.
Publié 5 juin 2020
dans Bruce Conner
Be kind rewind.
6.0 Clip halluciné qui décompose le corps de la danseuse et chanteuse Toni Basil aka Antonia Christina Basilotta, qu’elle soit nue, presque nue ou habillée, arborant nuisette blanche ou collants à pois. En fragmentant chacun de ses mouvements par une suite de photogrammes isolés le film fait naître, par effet stroboscopique, ce corps qui danse, qui flotte, qui vole. Ça ne dure que le temps de la chanson, soit 2 minutes et 30 secondes avant que le film ne reparte, mais en arrière, images et son mêlés, formant un palindrome inattendu. Le clip dans sa fonction visuelle n’a pas trop changé (puisque l’image y était déjà fragmentée) mais le clip dans sa fonction sonore a disparu, ne reste qu’un amas informe. C’est aussi barré que réjouissant.
Publié 20 mai 2020
dans Bruce Conner
En quatrième vitesse.
6.5 Si l’on s’amusait à effectuer un comparatif à l’emporte-pièce en associant l’agencement de matières sonores existantes et celui d’images déjà utilisées, en musique on pourrait ranger ça dans la catégorie « Field recording ». Au cinéma, on appelle plutôt ça le found-footage : On glane et on assemble les éléments glanés. Pas certain d’avoir compris grand-chose, ni le pourquoi du choix de ces images ni celui de leur enchainement, en revanche certaines sont parmi les plus folles, agencées de cette façon-là, que j’ai pu voir, qu’il s’agisse d’un champignon nucléaire, d’un rafiot affrontant des vagues géantes, d’un pont tremblant sur le point de s’affaisser. Le film va à cent à l’heure. C’est une symphonie du désastre et de la folie : Un plan, deux secondes sur une voiture qui se jette d’une falaise, supplanté par un autre plan, deux secondes, sur un couple de funambules traversant entre deux tours. Impossible que Godfrey Reggio n’est pas vu ça pour son Koyaanisqatsi. Je me suis aussi demandé si Godspeed You ! Black Emperor n’avait pas utilisé les mêmes images mixées par Conner pour leur concert auquel j’avais assisté en 2015.