Another biopic bites the dust.
4.5 Sans trop revenir sur sa laborieuse fabrication, il me semble que Bohemian Rhapsody s’en tire plutôt bien en définitive. On parle d’un film lâché juste avant son tournage par son acteur vedette (ça devait être Sacha Baron Cohen) et d’un film que son réalisateur plantera en cours de route avant de réapparaitre pour le montage. Ça sentait la catastrophe industrielle. Et non, le film est en course pour les Oscar. Et il est fidèle à la fois à Queen, mais aussi à ce qu’on s’imaginait d’un biopic signé Brian Synger. Tout est très académique, programmatique, plus proche du feel good movie que d’un film sur le groupe, un artiste barré ou sur la création, doté de quelques séquences affreuses (par exemple, une conférence de presse parasitée par les visions obstruées d’un Freddie Mercury défoncé : Au secours) mais aussi de certaines plus audacieuses, à l’image du dernier quart d’heure qui rejoue le concert de Live Aid à Wembley.
Peut-être que le film s’en tire par ailleurs mieux dans ses moments les plus intimistes, avec Mary, avec Jim, mais aussi parfois avec le groupe, mais ça va beaucoup trop vite évidemment, c’est monté comme un clip, et surtout toutes ces séquences qui montrent les montées d’inspiration (Ici pour Bohemian Rhapsody, là pour We will rock you etc…) ne fonctionnent pas du tout, c’est de l’écriture mais ça ne s’incarne jamais, on n’y croit pas une seule seconde, d’autant que très souvent elles permettent d’esquiver une scène de ménage ou une dispute. Comme si le film avouait son impuissance à outrepasser la dimension lissée du biopic. Donc forcément toutes ces scènes qui montrent l’inspiration sont suivies d’une scène montrant le concert live de ce morceau. Plus plan-plan, c’est difficile à faire.
En tout cas, les acteurs sont bien castés. Quid de savoir si Baron Cohen porterait mieux les prothèses dentaires que Rami Malek (C’est un vrai problème, on ne voit que ses dents, ça m’a terriblement gêné, au début, j’avais l’impression, chaque fois qu’il apparait à l’écran, qu’il allait faire des blagues façon Toni Erdmann, et sortir un coussin péteur) mais quoiqu’il en soit, Rami Malek est bien, sans doute beaucoup trop dans le mimétisme, mais il est bien. Pour une fois on voit davantage ses dents que ses yeux, mais il est bien.
Je ne reviens pas sur les nombreux gimmicks utilisés pour rendre le film punchy, mais c’est tellement un cas d’école qu’on dirait presque parfois une immense parodie. Idem pour les musiques, on sent que le film veut amortir le fait qu’il ait eu les droits sur les morceaux donc il les passe TOUS, enfin tous les plus importants, tous ceux qu’on entend encore aujourd’hui à la radio, ça devient presque un jeu de deviner quelle sera le prochain qu’on va entendre. Et tout est à cette image, lourd. Par exemple, vers la fin, quand on sait que Queen fait partie des plus gros succès musicaux, allant jusqu’à voler la vedette aux plus grands venus aussi pour le live de Wembley, le film insère un plan totalement gratuit du producteur dépité qui avait refusé la diffusion de Bohemian Rhapsody sous prétexte que le morceau dure six minutes. C’est tellement grossier.
En revanche j’aime bien le parti pris de distorde la réalité chronologique pour agrémenter sa dimension fictive, donc d’offrir un concert final en forme de super entonnoir opératique, qui te donne presque l’impression que Mercury va crever sur scène, alors qu’en vrai il avait découvert qu’il était atteint du Sida un an après ce concert. C’est osé. J’aime bien car on sort un peu des rails, enfin. Même si c’est pour mieux se loger dans une tendance hollywoodienne visant le final grandiloquent qui fait jubiler, rire et pleurer.
L’autre truc étonnant c’est la place du groupe dans le film. Enfin la place des trois autres membres. Le film ne parvient pas à les faire exister, puisqu’il est entièrement centré sur Freddie Mercury, mais il les dessine de façon hyper lisse, montrant des gars sympas, et surtout en appuyant bien sur le fait qu’ils ont tous participé à l’élan Queen, que la musique de Queen porte bien l’inspiration de tout le monde. Quand t’apprend que les mecs ont mis des billes dans la production, tu comprends le truc, ils sont tous brossés dans le sens du poil. Le film fait bien la distinction avec les vrais méchants, soit le producteur qui a refusé Bohemian Rhapsody et le petit copain de Mercury qui l’avait poussé à faire une carrière solo et qui tenta de ternir son image en balançant des informations sur sa vie privée. Eux c’est vade retro satana, ils sont irrécupérables. Enfin bref, c’est un biopic sage, sur toute la ligne. C’est pas Love & Mercy, quoi.
Malgré tout j’ai trouvé le film assez chouette, agréablement divertissant. Et raccord avec l’image que me renvoie Queen, dont je n’ai jamais été fan, même si j’aime bien entendre un tube ou deux de temps en temps, au supermarché ou dans un film. Pour moi Queen est à la musique de stade ce que Bohemian Rhapsody, de Bryan Singer, sera au film du dimanche soir. Parfait dans son genre.