Le garçon de la rue.
5.5 Premier long métrage de son réalisateur, Sauvage cumule les tares de premier long autant qu’il cultive sur la durée, une certaine insolence. Il renferme des séquences parfois bateau, mais les déploie dans un enrobage plus cru que la moyenne, quelque part entre Fassbinder et Guiraudie. C’est ce paradoxe global qui le rend singulièrement maladroit, mais aussi peu aimable dans sa galerie de personnages concepts. Du coup ça reste un peu anecdotique. Mais de l’anecdote qui toutefois sort du lot, au détour de situations stimulantes. Dommage que le film multiplie à ce point les plans, refuse d’étirer davantage, de jouer la carte de la plongée plutôt que ce découpage un peu hystérique, à l’image des stroboscopes lors des deux scènes de boite de nuit.
La scène inaugurale plaçait probablement la barre un peu haut : On y découvre un garçon dans le cabinet d’un médecin. Il a la vingtaine, est assez diminué, marqué à la fois par des bleus sur le visage et une toux inquiétante. Le médecin lui pose des questions habituelles puis enfin lui demande de se déshabiller et l’ausculte. Cette attendue banale scène de rendez-vous chez le médecin se transforme en collision de désirs à renfort de « Elle est bien dure. Je vais te soulager, mon petit chat » qui balance un énorme trouble, d’entrée de jeu. Sauf qu’après un cut brutal, on les découvre tous deux en train de se rhabiller. Et on comprend dans l’échange qui suit que toute cette mascarade relevait d’une passe sexuelle. Dès la scène suivante, on retrouve Léo (Félix Maritaud, déjà croisé dans 120bpm est prodigieux) sur le trottoir.
C’est une introduction forte. Et pourtant, on ne peut s’empêcher de voir qu’elle annonce le programme et la tonalité du film, qui ne cessera de jouer sur les cut et n’osera jamais l’étirement, ne laissera pas le temps à l’étrangeté de s’installer. Ce n’est donc ni complétement abouti ni vraiment passionnant, mais ça reste un premier long tout à fait singulier, donc, un peu hors du temps, dominé par l’interprétation de son jeune acteur vedette et par l’évolution atypique de son personnage, tant c’est moins son fragile état de santé que son immense chagrin d’amour qui le fait doucement glisser vers l’abstraction.