La vie de Delphine.
7.0 C’est un tout petit film, mais un beau. Programmatique sans être indigeste, schématique sans être grossier, un peu trop clair dans ses intentions, oui, mais il me touche beaucoup. Après, moi, les histoires d’amour contrariées par la famille, le système et/ou l’ancrage idéologique, ça me parle toujours. On pense au film d’Abdellatif Kechiche, évidemment, qui ne m’a jamais quitté depuis la projection. Et on y pense souvent durant celui de Catherine Corsini. Ça ne le condamne pas, puisqu’il a son identité, mais ça ne le sert pas non plus tant La vie d’Adèle écrémait sa puissance émotionnelle, comme jamais, probablement, nous n’avions eu à le recevoir ainsi dans un cinéma relatant le parcours d’une femme.
Si le titre sonne un peu « Comme au bon vieux temps » le film n’est pourtant pas réac loin de là, dans la mesure où il témoigne et s’entiche clairement de la progression nette du mouvement de libération des femmes. On voit que leur histoire, aussi inaccoutumée soit-elle, a plus de possibilité de s’épanouir sur une terre libre et aérée (la ville) que sur un sol hostile et fermée (la campagne). Alors encore une fois, le portrait de l’époque est assez emblématique du cinéma de Corsini, un brossage à l’essentiel et à l’excès : Les poils sous les bras et la cigarette au bec, en gros. Dans tous les plans.
C’est le récit d’une rencontre entre une fille de la ville et une fille des champs. Une sorte de Quatre aventures de Reinette et Mirabelle, la love story en plus. D’un côté la fille d’agriculteurs, dans un bled où le temps semble s’être arrêté dans les années 50, à l’époque où les femmes travaillaient en vivant sur le salaire de leur mari et que tout paraissait absolument normal. Et de l’autre côté une fille de Paris, libre, prof d’espagnol qui se bat pour l’IVG et deviendra médecin quelques années plus tard. Au passage, je n’avais jamais vu Cécile de France aussi jolie. Celle que l’on avait découverte il y a quinze ans en Erasmus barcelonaise bourrue chez Klapisch a bien changé.
Le fait est ici que plusieurs paramètres permettent au film de s’extirper d’une torpeur que sa forme, disons, passe-partout annonçait. Partir, de la même Catherine Corsini, ne fonctionnait à ce titre pas très bien, dévoré à la fois par son programme et ses interprètes, tandis qu’ici l’alchimie opère. Alors est-ce le fait d’avoir voulu raconter ce récit qui semble archi personnel, est-ce le replacement post soixante-huitard ou le jeu des actrices (Izia Higelin et Cécile de France sont toutes deux exceptionnelles) ou plus simplement son parti pris de la nudité ? En tout cas ça prend. Sans compter que c’est un chouette film féministe, classique certes mais suffisamment gracieux et lucide. Petit film, oui, mais grand petit film.