En toute innocence.
7.5 Pierre Goldman, personnalité emblématique de l’extrême gauche française, est élevé par des parents résistants, polonais, juifs et communistes. Il fait ses armes à Cuba puis dans la révolution vénézuélienne. En France il participe à de nombreux vols à mains armées, qui servent autant (ou pas) la cause révolutionnaire que ses fortes dépenses quotidiennes.
Le film ne fait pourtant point le récit de la vie de Pierre Goldman, mais bien celui de son second procès (le premier ayant été cassé pour vice de forme) durant lequel il sera défendu par Georges Kiejman, incarné ici par Arthur Harari (auteur d’Onoda, coscénariste d’Anatomie d’une chute) qui campait déjà un avocat dans La bataille de Solferino, de Justine Triet.
Pierre Goldman se défend très simplement. « Je suis innocent parce que je suis innocent ». Point. Lui qui assumait pleinement ses braquages nie en bloc être l’assassin des deux pharmaciennes boulevard Richard-Lenoir. Juger les faits, seulement les faits et non l’individu, ce sera son crédo, son unique argumentaire.
Mais il s’agit plus que d’un procès pour meurtre, c’est celui de la judéité. Il faut rappeler que Pierre Goldman a écrit en prison « Souvenirs d’un juif polonais né en France » et de ce procès ressort concrètement ce qu’il a probablement dénoncé par écrit : L’antisémitisme étatique, la police raciste et mensongère.
C’est un grand film de procès, français. La même année qu’Anatomie d’une chute. Grande année française, une fois de plus. Le film est très austère, forcément très écrit, et pourtant il vibre partout, sans ornements. Il s’agit donc d’un pur huis-clos, en format carré, sans musique d’accompagnement aucune. Un geste radical et précis de mise en scène de la parole : d’une joute oratoire à l’autre, le récit se déploie, la fascination s’intensifie.
Arieh Worthalter, qui impressionnait déjà dans le très beau Douze mille, de Nadège Trébal, démontre une fois de plus l’étendue de son magnétisme, entre pics ardents et charme mystérieux. A l’autre bout, Arthur Harari incarne Kiejman avec un flegme tout en retenue, une détermination d’un calme olympien. Cet équilibre des deux pôles rend déterminant la fascination exercée par la défense, face au cirque de l’avocat général et l’imprécision ridicule des témoins.