Archives pour la catégorie Cédric Klapisch

Le péril jeune – Cédric Klapisch – 1995

25. Le péril jeune - Cédric Klapisch - 1995I’m going home.

   7.0   Je ne retiens pas grand-chose de Klapisch aujourd’hui mais il reste au moins ces deux films, L’auberge espagnole et Le Péril jeune, que je peux aisément voir et revoir, sans m’en lasser. Les lourdeurs (formelles, surtout) inhérentes à son cinéma y sont aussi mais noyées (à mes yeux) dans un amour sans fin pour des personnages et des situations. Ici j’adore évidemment le postulat : quatre potes se revoyant au moment de la naissance du fils d’un cinquième, qui vient de mourir d’une overdose. Ils se remémorent leurs années lycée passées ensemble tous les cinq. Le film y trouve un ton très particulier, mélancolique mais parcouru d’une légèreté nostalgique enthousiasmante, entre révisions du Bac, révolte étudiante, crushs amoureux, drogues, flippers et verres de bières, déployant un portrait de la jeunesse des années 70 qui est probablement un peu celle de Klapisch lui-même. Je l’avais pas vu depuis un bail. J’aime beaucoup ce film, aussi bien pour ses personnages, profs autant qu’élèves que pour sa BO, mélangeant Joplin, Hendrix, Steppenwolf, Cohen ou bien Ten Years after.

Salade grecque – Prime Video – 2023

08. Salade grecque - Prime Video - 2023Chacun cherche son chakra.

   5.0   Tandis qu’il visite la coloc de sa frangine à Athènes, Tom, le personnage principal lâche « c’est l’auberge espagnole, ici » ce à quoi elle répond « mais pas du tout ». Je pense que c’est Klapisch qui répond déjà à ses détracteurs. Mais sans argument, à l’image de sa série, sans intérêt, d’une médiocrité abyssale, la plupart du temps.

     On sentait qu’il y avait de l’amour pour ce qu’il filmait dans ses deux premiers films (déjà moins dans Casse-tête chinois) mais là on sent qu’il est « beaucoup trop vieux pour ces conneries » Tonton Cédric. Un truc édifiant : Ici, Tom a souvent des hallucinations qui le guident, d’un épisode à l’autre, il voit Socrate puis Plutarque, Epicure et enfin Aristote comme son père voyait Erasme. Au secours.

     Et il y a le fond : Le sujet central c’est moins la vie bohème de chacun et la cohabitation entre les différentes nationalités que la vente de cet immeuble, dont frère et sœur ont hérité de leur grand-père. On voit bien les intérêts nouveaux de Klapisch. On retrouve ce qui faisait le sel de Ce qui nous lie. C’est vraiment la version « gauche qui s’excuse » des Petits mouchoirs, le cinéma de Klapisch aujourd’hui.

     Et pourtant je n’arrive pas à détester l’ensemble de ces huit épisodes. D’une part car il y a un capital nostalgie évident : De la première heure on retrouve évidemment Xavier et Wendy (les parents de Mia & Tom) mais aussi Isa, Tobias et William. J’ai tellement aimé ces personnages il y a vingt ans.

     Mais in fine, je crois surtout que je me suis vite attaché à certains petits nouveaux : Zohan, Reem, Pippo, Noam. Je suis tombé amoureux fou de Giulia (magnifique Fotini Peluso) un rayon de soleil, qui rappelle un peu Soledad, dans L’auberge espagnole. La vertu d’une série ce sont ses personnages. Ils ne sont pas tous réussis ici mais on prend plaisir à les suivre. Je pense que c’est ce que Klapisch fait de mieux : créer des groupes de personnages. Et il y a au moins la découverte d’une actrice épatante, dont le personnage en prend un peu trop plein la gueule dans le récit (c’est très douteux…) mais qui est formidable, émouvante : Megan Northam aka Mia. Qui rachète allègrement celui qui incarne le frangin, Aliosha Schneider, un peu limité, pour être poli.

     La série a beau brasser (de façon artificielle) l’ère du temps, en intégrant une dimension woke, féministe, lgbt, metoo, etc.. en évoquant aussi le Covid, la guerre en Ukraine, les migrants, ça reste un produit purement klapischien donc très autocentré. Vers la fin, après de grandes révélations familiales brulantes, les « anciens » se fument un joint et sont très vite défoncés, rappelant un peu leurs soirées barcelonaises. Mais surtout, on voit que Xavier (Romain Duris) a vendu pour une adaptation ce qu’il avait écrit dans L’auberge espagnole, qui était ni plus ni moins que ce qu’on voyait. Et bien là, Xavier assiste aux premières images du film et il se trouve que ce sont celles du film L’auberge espagnole. Une façon pour Klapisch de dire qu’il ne changerait sans doute rien de ce film, qu’il ferait les mêmes images vingt ans après. C’est peut-être prétentieux, suffisant, j’ai trouvé ça pour ma part plutôt touchant et honnête. Probablement car j’ai toujours pensé que c’était ce qu’il avait fait de mieux.

En corps – Cédric Klapisch – 2022

21. En corps - Cédric Klapisch - 2022Du ballet.

   5.0   Agréablement surpris par ce cru Klapisch, qui dans la lignée de Deux moi, son précédent film, déjà chouette, trouve de beaux personnages en son cœur. Ajoutons à cela ici un amour évident pour la danse, qu’importe qu’elle soit classique ou contemporaine : on sent que Klapisch aime ça et qu’il prend plaisir à broder son petit drame familial et sa petite comédie romantique par-dessus. Le film n’est pas exempt de lourdeurs, inhérentes au cinéma de Klapisch, notamment ces traditionnelles séquences un peu démago, ici en partie avec un photographe douteux où l’on sent que le cinéaste coche lui aussi sa case Metoo, alors que le film et la scène en question peuvent largement se passer de ça. Mais j’ai passé un moment agréable dans l’ensemble, grâce aussi à l’actrice principale, Marion Barbeau, qui n’en est pas une au départ puisque première danseuse au ballet de l’Opéra de Paris.

Deux moi – Cédric Klapisch – 2019

28. Deux moi - Cédric Klapisch - 2019Chacun trouve le même chat.

   6.5   Quelle agréable surprise là aussi ! Que s’est-il passé ? Le même jour j’aurais donc vu les meilleurs Burton & Klapisch depuis vingt ans. Evidemment ce sont deux cinéastes auxquels j’étais jadis attachés puis dont je me suis naturellement éloigné (aussi car leurs films étaient de moins en moins intéressants) donc l’humeur pour les appréhender est probablement fondamentale. Je ne dis pas que j’aurais pu les détester à un autre moment, mais j’ai dû les voir au bon moment, apparemment. Néanmoins, je suis persuadé que Deux moi est le film le plus doux, posé et touchant de Klapisch depuis longtemps. On retrouve pourtant les tares habituelles de son cinéma, il suffira de citer ces deux affreuses séquences de rêve / cauchemar absolument ni fait ni à faire. Ou bien ces running-gag chez l’épicier libanais dans une ambiance améliepoulainesque. Son goût pour l’esthétique publicitaire et la carte postale parisienne n’est plus à prouver, mais j’ai l’impression qu’il s’est toutefois un peu calmé sur celui-là. Il s’est calmé car ce qui l’intéresse c’est la dimension psy de ses deux personnages, deux trentenaires trop seuls et solitaires, fuyant aussi bien leurs familles respectives que les possibilités de rencontres, qui ont la particularité d’habiter deux appartements mitoyens dans deux immeubles différents. Si le film s’amuse souvent à les faire se croiser, faire la queue à la pharmacie, entrer/sortir de chez l’épicier, jusqu’à recueillir le même chat sans le savoir, le procédé un peu lourdingue ajoute plutôt de la légèreté, à savoir qu’il n’empiète jamais sur leurs évolutions respectives et notamment leurs rendez-vous hebdomadaires chez le psy, elle chez Camille Cottin, lui chez François Berléand. Tous deux excellents, par ailleurs, offrent enfin une belle vitrine de cette profession souvent réduite (dans le genre) à un vulgaire stéréotype. Là au contraire, la psychothérapie est sans doute un peu schématique – C’est pas Tell me you love me – mais elle existe et les personnages qui la représentent existent complètement aussi, chacun de manière très différente, en plus. C’est une idée parmi d’autres, le film en compte quelques une et notamment de ce qu’il dresse comme portrait de chaque famille, des absences d’un côté, de lourds silences de l’autres. Et le plus important là-dedans évidemment, Ana Girardot & François Civil sont tous deux absolument irrésistibles et on s’identifie très facilement à eux, ce qui manque très souvent dans les films de Klapisch, je trouve. Voilà pourquoi celui-ci est à mes yeux l’un de ses meilleurs si ce n’est promis à devenir le meilleur.

Riens du tout – Cédric Klapisch – 1992

06. Riens du tout - Cédric Klapisch - 1992Galeries mourantes.

   5.5   Pas mal ce premier long métrage de Klapisch. J’aime bien l’idée que tout se déroule dans un immense centre commercial sur le point de mourir. Il y a tout plein de personnages qui auraient mérité mieux que ces micro-saynètes mais c’est dans le haut du panier Klapisch. Bien que j’aurais tendance à lui préférer Le Péril jeune. Mais j’ai l’ai vu plusieurs fois et à un autre moment de ma vie donc difficile pour moi de les comparer / relier.

Ce qui nous lie – Cédric Klapisch – 2017

17. Ce qui nous lie - Cédric Klapisch - 2017Ce qui me saoule.

   3.5   De Klapisch je reste tout particulièrement attaché au Péril jeune et à sa « trilogie Erasmus ». Le reste je m’en fiche sinon pire. Paris c’était affreux. Ma part du gâteau tentait lui la rom’com contrariée entre un trader et sa femme de ménage. Gros film de droite sur lequel planait Karin Viard récitant à la perfection sa partition habituelle et le gros Lellouche aussi insipide que d’habitude. J’en garde le souvenir d’un gros film sarkozyste bien ancré dans son temps.

     L’idée de faire un film sur trois jeunes vignerons, frères et sœurs, bien emmerdés pour assumer les droits de succession du vignoble après le décès de leur père, est aussi logique que paradoxale tant c’est dans la continuité de la droitisation de son cinéma et un peu anachronique dans son sujet : C’est quasi chiraquien, en fait. Bref, tout laissait penser que Klapisch avait enfin assumé ses orientations politiques.

     Et le film est parfois attachant parce que ses trois acteurs le sont. On sent d’ailleurs que Klapisch prend ces trois-là (Pio Marmaï, Ana Girardot et François Civil) pour faire du pied à la presse de gauche. Il brode aussi quelques messages de tolérances et construit des embryons d’histoire d’amour entre les vignerons et les vendangeurs pour donner le sentiment que tous sont sur la même longueur d’onde.

     Mais pour ne pas faire trop bisounours il insère des petits conflits c’est-à-dire qu’il disloque sa mécanique « Point de fête sans le vin » pour se donner bonne conscience – La scène des premières vendanges en est le plus fidèle exemple : Les jeunes sont relous à faire les cons avec le raisin, oui. Mais les patrons sont chiants aussi à ne plus vouloir se marrer, oui. Mais les jeunes sont quand même relous et interchangeables dans leur médiocrité alors que les trois patrons sont tristes et ont chacun leurs problèmes familiaux donc il faut leur pardonner. Oui c’est un peu gênant.

     En guise de frissons de la honte, Klapisch a l’idée de faire une apparition du côté des vendangeurs. Pour faire comme Hitchcock, sans doute, mais surtout pour rappeler qu’il est toujours du côté des jeunes, des pauvres. Il a une autre idée embarrassante ce sont toutes les séquences où Pio Marmai dialogue avec son moi enfant. Là c’est chaud. Et il a une autre idée fabuleuse c’est le titre. Comme on voyage beaucoup dans le passé des personnages j’imagine qu’il voulait voyager dans le sien aussi, tout en jouant moins sur le mouvement que sur l’idée de lien. Ce qui me meut (le titre de son premier court, devenu depuis le nom de sa société de production) devient donc Ce qui nous lie. Astucieux, hein ?

Un air de famille – Cédric Klapisch – 1996

Un-air-de-famille_portrait_w8585-580x382Ma petite entreprise.    

   4.5   C’est fou comme c’est le film emblématique de tout le cinéma de Jaoui et Klapisch qui suivra. J’ai une certaine tendresse pour celui-ci mais bon ça n’est rien d’autre que du théâtre. C’est ça en définitive, une pièce filmée. Comme Le prénom. Heureusement que c’est bien écrit et bien joué. C’est un petit théâtre dans lequel je me sens bien cela dit, bien que ce soit par moments presque terrifiant (la mère et le fils couvé). Disons que c’est un bon Klapisch. Bon, je suis d’accord, la vraie question est : Qu’est ce qu’un bon Klapisch ? J’ai d’ailleurs cru tout du long que c’était un film de Jaoui et non de Klapisch. Quant à Agnès Jaoui, justement, je la trouve très belle dedans ; elle joue en effet le personnage le plus « beau » (bon), avec Darroussin, ça aide. Voilà, ça ne marquera pas outre mesure, mais je ne trouve pas ça désagréable.

Casse-tête chinois – Cédric Klapisch – 2013

casse-tete-chinoisTo be or not to be trop vieux pour ces conneries.

     5.5   Cédric Klapisch est donc un cinéaste vieux, un mec qui fait constamment le bilan, réunit ses mémoires et fantasmes en patchwork. Cela revient à se demander si ses films ne l’ont pas toujours été un peu, vieux, systématiquement coincés dans le fantasme de paraître jeune à tout prix, de faire du film générationnel, le fantasme d’une jeunesse rêvée ou si partiellement vécue, déjà loin. Il suffit d’évoquer le nombre incalculable de séquences de ce nouveau film pour s’en persuader, dans lequel est évoquée l’idée de la quarantaine. Dans chaque plan, en gros. Mais de cette quarantaine approchant il ne raconte rien, sinon que c’est cent fois plus le foutoir qu’à vingt. Du coup, le film ne se donne pas le temps d’exister, ni en tant que suite (bien que c’est ce qu’il réussisse le mieux), ni en tant que manifeste d’une jeunesse paumée. Dans une scène, Xavier lâche un désespéré « Putain Isabelle, on va avoir quarante ans ! » lorsque la jeune femme est bientôt prise au dépourvu par sa petite amie, qui si elle atteint la maison avant Xavier trouvera Isabelle au pieu avec une autre, avec la baby-sitter. Scène miroir, évidemment, de la culte séquence de L’auberge espagnole, où c’était Wendy qu’il fallait sauver du guêpier provoqué par la venue surprise de son amoureux tandis qu’elle partageait son lit de Barcelone avec un américain. La scène est culte et je dois le reconnaître encore jouissive aujourd’hui parce que Klapisch dynamise la situation avec ces split-screen de plans de course et cette impression de solidarité entre chaque colocataires, qui cessent un à un ce qu’ils sont en train de faire, comme si plus rien n’avait d’importance sinon le bien être de leur amie. Cette réplique de Casse-tête chinois est intéressante car on y entend Klapisch se dire : Putain t’as cinquante ans Cédric et tu continues de raconter exactement la même chose. Car le plus dingue là-dedans c’est que cette séquence copiée collée fonctionne très bien, c’est la plus jubilatoire du film, aussi jouissive que sa référence, à croire que Klapisch ne sait faire que ça.

     L’intérêt de Casse-tête chinois réside tout particulièrement dans l’évolution du personnage de Xavier, pour qui le temps semble avoir atténué les tendances cyniques et violentes qui culminaient essentiellement dans Les poupées russes (se souvenir de cette immonde scène de rupture avec la jeune vendeuse « Et ouai j’suis un connard ! »), à croire que Klapisch aimait brosser un portrait infâme de la trentaine, afin de récupérer plus tard la douceur de la quarantaine, de manière à ce qu’il y ait un changement important. De toute façon, Klapisch n’a jamais été un cinéaste très subtil. Pour autant, je trouve que c’est quelque chose qui fonctionne plutôt bien dans cette trilogie, l’idée d’évolution. J’aime par exemple ce qu’il tire de ses trois personnages féminins récurrents, bien que tout aille dans la facilité néanmoins, comme toujours chez Klapisch, normal faut pas s’attendre à du Rohmer. C’est dans le cliché même détourné que son cinéma trouve ses plus beaux moments. L’une des trois, Martine, le premier amour, est irrémédiablement coincé à Barcelone, au temps de Barcelone, peut-être parce qu’elle ne l’a pas vraiment vécu (elle passait voir Xavier à l’occasion) et que c’est un stade de sa vie qui lui manque. C’est un très beau personnage. Que l’on a commencé par détester (cantonnée à être la relou de service) mais qui révèle une grande complexité avec le temps. Il y a Isabelle, « ma pote » comme ne cesse de l’appeler Xavier, bien que leur relation ne cessera d’être ambiguë (ça l’était déjà dans L’auberge espagnole) renforcé ici par le fait qu’elle finisse par porter son enfant. Elle, bizarrement, voudrait assumer son âge (l’appartement, la vie de famille) mais elle est coincée dans un passé insouciant qui serait celui de ses vingt ans, incapable de s’en extirper, car dit-elle, c’est le feu qu’elle recherche, ce feu qu’elle retrouvera en croisant sur son chemin la voluptueuse baby-sitter. Je fais un petit aparté cliché détourné car c’est celui qui me semble le plus représentatif de la mode Klapisch, celui concernant la jeune baby-sitter : en effet il en fait vite le portrait d’une jeune bleue, un peu écervelée car bien entendu elle est d’origine belge. C’est dire le niveau de l’écriture. Sauf que là encore il oriente son personnage vers quelque chose de plus insondable, inattendu, lorsqu’elle tombe amoureuse d’Isabelle. Elle c’est le feu de la nouveauté qui la brûle. Ce feu que Martine et Xavier finiront par revivre, un feu éteint (depuis la moitié de L’auberge espagnole en gros) dont il ne restait que braises sous les cendres, ravivé parce que l’occasion (tous deux étant célibataires, avec enfants) le permet. Et à côté il y a Wendy, qui est passé pour Xavier de petite étudiante studieuse dans le premier à quête au milieu des autres dans le deuxième pour finir à l’ex avec qui l’on négocie la garde des gosses dans ce dernier volet. Attirée par un rigorisme nouveau, bien que ce soit entre les deux premiers opus qu’elle semble s’être vraiment métamorphosée, la folie de l’adultère parait loin pour elle, les uniformes pour les enfants finissent d’attester de la transparence sociale dont elle était finalement déjà en quête dans Les poupées russes (elle occupait un boulot d’éditrice plutôt confortable) bien que c’était curieusement son petit frère qui s’y mariait. L’évolution des personnages est aussi très physique : Le générique initial présente chacun au moyen de trois photographies piochées dans chacun des trois films. Eh bien, même en quinze ans, certains prennent relativement cher. C’est une idée facile mais ça me touche assez.

     Mais la vraie bonne nouvelle de l’ensemble c’est que l’unité de lieu a repris son cours, du coup il est possible que je préfère ce volet au second, qui s’appliquait à construire son vaudeville sans se préoccuper des aléas géographiques, même si là aussi on pourra une fois encore le mettre au crédit du personnage évolutif de Xavier, littéralement paumé de chez paumé ici, voyageant entre Paris, Londres et Moscou (il y avait de nombreuses scènes de TGV d’ailleurs, lieu sans géographie précise). Ici c’est donc New York, filmée comme Barcelone, sauf que c’est New York et que la filmer comme le fait Klapisch la rend autre, différente de celle que l’on a l’habitude de voir au cinéma, des toits des immeubles d’Ellis Island aux vitrines des restaurants de Chinatown. Ce n’est pas de la grande topographie, soyons honnête, mais l’ambiance me plait. On évite la carte postale.

     Mais comme d’habitude il faut se farcir les élucubrations quelque peu balourdes de Xavier, ses discours sur l’engloutissement, le vide, les êtres du ground qui s’érigent à l’image des buildings vers le ciel, le tout étant appuyée par une mise en scène bien démonstrative, on se souvient de l’horrible séquence des Poupées russes où Xavier voguait au milieu de l’avenue aux dimensions parfaites, dans une scène onirique tu vois parce que c’est tendance, derrière le déhanchement sexy d’une fille qui l’excitait mais dont il devait se séparer. Il y a la même ici, en moto, lorsque Xavier s’engage dans un premier boulot de coursier. En fait, je préfère nettement quand ces sorties sont accompagnées par un humour un peu anecdotique comme de voir Hegel frapper à sa porte quand il s’interroge sur le bonheur, un peu comme lorsqu’il flippait en croisant Erasme dans les rues barcelonaises. La grande nouveauté c’est Besneard, qui campe l’agent de Xavier à Paris, que l’on entrevoit seulement par Skype. C’est le point humour du film, Klapisch semble avoir lâché les chevaux à son égard, c’est de l’humour facile je le conçois mais ça fonctionne globalement, comme le reste en somme, comme le reste de cette saga, pour laquelle j’ai une tendresse toute particulière, même si je suis conscient qu’elle n’est pas infiniment meilleure que tous ces films de Klapisch que je déteste.

Ma part du gâteau – Cédric Klapisch – 2011

19659776Pretty woman.   

     2.5   Il y a une double séquence édifiante vers la moitié du film. Illustration de la fable sociale comédie romantique mode Klapisch. Karin Viard s’est renseigné sur les prix des baby-sitters parce qu’entre temps elle est passé de simple femme de ménage de l’appartement bureau vue sur la Tour Eiffel d’un trader à aide à domicile pour garder le fiston de six ans que la mère lui a lamentablement laissé pour un mois le temps de prendre du bon temps en Thaïlande. Les prix ne volent pas haut mais elle espère obtenir plus de quarante euros par jour, soixante ce serait le pied (entre-temps là-aussi – séquence musicale et tout le toutim évidemment – le père de Karin Viard lui dit que sa mère, dans le temps, gagnait 100 par jour, bien sûr ô fausse joie c’était 100frs, gros gag attention !) Et arrive le moment où elle veut lui en parler qu’il la devance et lui demande si 100€ lui conviendrait. Trop cool le trader et paie ton originalité, Karin Viard n’a pas les mots elle est clouée, heureuse. Et c’est la musique de Pretty Woman qui démarre pendant qu’on la voit faire du shopping et danser entre les rayons. Quand la musique cesse ça fait du bien, mais on n’est pas au bout de nos surprises : La jeune femme se promène le long d’un étang, avec ses enfants, puis donne à manger aux canards accompagnée de la plus jeune d’entre elles. La petite ne veut pas donner de pains aux petits parce qu’ils se font taper. Maman lui dit qu’ils doivent se débrouiller, sinon ils n’auront jamais rien. Et en effet on voit les gros canards attaquer les petits. C’est la métaphore selon Klapisch. Très subtile.

     En gros le film oscille donc entre plusieurs genres. Il est un peu à l’image de Gilles Lellouche d’ailleurs. Charmeur, gros cornard, rigolo, un peu meurtri aussi, quelque part, on ne sait pas où, mais quelque part. Enfin ça reste quoiqu’il en soit un gros connard, mais Klapisch en brosse le portrait d’un type quand même sympa. Klapisch est généreux. Le film est à la fois une comédie romantique, mais n’oublie pas la lecture sociale et surtout il tente par moments le burlesque de situation – l’accent impossible de Viard, les mimiques de Lellouche, la scène des petits fours. Bref c’est un film total. Il y a tout dedans. On entend partout les gens dire que c’est bien parce que Klapisch n’a pas cherché à rattraper son personnage mauvais, c’est à dire que l’aspect  romance ne dure pas, elle est fausse d’ailleurs – scène du balcon tellement réaliste mon dieu, faut-il être con ? C’est fou car je ne vois aucune prise de risque là dedans moi. Klapisch tente de faire une critique je pense, quelque chose contre le capitalisme, enfin j’imagine, mais d’une part il ne donne aucune épaisseur au personnage qu’il est censé défendre – Karin Viard est con comme un manche – mais surtout il choisit comme méchant un trader, soit un type méchant aux yeux de tous, que cherche t-il à dire ? Ah oui ça il ne le rattrape pas – quoiqu’il fasse semblant l’espace d’un moment – et encore heureux ! Le film se termine sur un mouvement de foule dunkerquois empêchant la police d’emmener Karin Viard, pendant qu’une autre partie s’attaque au trader car ils ont découvert qu’il était l’instigateur de la fermeture de leur entreprise – c’est fou comme coïncidence. Et la foule scande alors le nom de Karin Viard, soit France ! France ! Jusqu’au bout, Klapisch aura fait fort cette fois-ci. Pourtant ce n’est sûrement pas le plus détestable de ses films, bien moins désagréable que Paris par exemple, étant donné que quelques gags esseulés fonctionnent plutôt bien, le rythme se tient et c’est la première fois que Gilles Lellouche n’est pas mauvais, probablement justement parce qu’il joue le rôle d’un bad guy. Mais quoiqu’il en soit : film à éviter.


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