Archives pour la catégorie Cesar du meilleur film

Le bal – Ettore Scola – 1983

03. Le bal - Ettore Scola - 1983La danse dans le temps.

   5.0   J’ai d’abord subi la lourdeur du dispositif : cette pièce de théâtre transformée en pièce de cinéma forcée (mouvements de caméra improbables, plans virtuoses…) où chaque interprète effectue sa petite partition hallucinée, en musique, dans ce même dancing parisien. Et peu à peu, le geste m’a semblé plus intéressant que l’idée. J’ai été séduit par ce voyage à travers les époques : le front populaire, l’occupation, la libération, la culture américaine, la guerre d’Algérie, mai 68. À travers les genres musicaux : valse, jazz, rock, disco. De Bécaud à Trenet, de Paul McCartney à Ottawan. Chaque époque succède une autre via un instantané, qui se retrouve encadré, en photo, au-dessus du bar. Les interprètes ne changent pas, les personnages oui. C’est très lourd et répétitif, renforcé par un récit sans parole campé à l’emphase par sa vingtaine d’interprètes. Pas ma came globalement mais je trouve que le film ne ressemble à aucun autre, qu’il a une respiration bien à lui.

Le gout des autres – Agnès Jaoui – 2000

16. Le gout des autres - Agnès Jaoui - 2000La moustache.

   6.0   Castella est un petit patron de PME, pas méchant, comme tout le monde s’accorde à le dire, mais très beauf. Un jour il se retrouve au théâtre devant une représentation de Bérénice, pas du tout parce qu’il vénère Racine mais par obligation parce que sa nièce y joue. Il se fait chier comme un rat mort jusqu’à littéralement flasher sur une des actrices, Clara. Une sorte de ravissement, qui le pousse à retourner voir les prestations suivantes, à s’intéresser à ce petit groupe d’artistes en vue de passer du temps avec Clara, du moins attirer son attention. Il la rejoint pour un repas, achète une toile d’un ami peintre de l’actrice. S’il poursuit les cours d’anglais c’est évidemment moins en vue d’être bilingue que pour écrire un poème à cette actrice aussi prof d’anglais à ses heures. S’il se rase brutalement la moustache ce n’est pas pour plaire à sa femme aux goûts fleuris qui le répugnent (« marre de vivre dans une bonbonnière ») que parce qu’il a entendu Clara, au détour d’une conversation, dire qu’elle n’aimait pas les moustaches. Or, elle se fiche complètement de lui, le méprise. Et c’est justement quand il comprendra cela, s’éloigne d’elle, qu’elle reviendra vers lui : lorsque la certitude d’une supériorité bourgeoisie culturelle de l’une se heurte au supposé vide vulgaire de l’autre, soudain animé par la beauté.

     C’est un film choral articulé autour d’un unique objectif : la jonction des univers, des ignares et intellectuels, des bourgeois et des prolos, des industriels et des artistes. Et donc le chassé-croisé forcément cruel qui découle de ces rapports impossibles. Il s’agit aussi de suivre le garde du corps de Castella ainsi que son chauffeur. Ainsi que de suivre la serveuse du bar dans lequel tout ce petit monde passe leurs afters. Les dialogues sont finement écrits, l’interprétation assez irréprochable, jamais emphatique – Bacri y est fabuleux, très touchant. Mais le dispositif est assez cousu de fil blanc, je trouve, cloisonné dans un système assez binaire et laborieux : l’art abstrait face aux papiers peints Desigual / Racine face aux blagues de cul, pour faire vite. Mais la tendresse l’emporte, je crois. J’en gardais un souvenir de leçon de tolérance pour les nuls, mais sa mélancolie m’a séduit cette fois. Les solitudes respectives incarnées par Bacri, Alvaro, Lanvin, Chabat, Jaoui, m’ont touché. Il y a de très jolis moments.

Providence – Alain Resnais – 1977

14. Providence - Alain Resnais - 1977Clive pour mémoire.

   3.0   Un vieil écrivain malade fait venir ses enfants pour son soixante dix-huitième anniversaire. Auparavant il passe une nuit d’insomnie et d’ivresse à rêver d’une fiction autour de personnages constitués des membres de sa famille.

     Les trois quarts du film sera donc le récit imagé de cette création mentale, qui tâtonne, fait se chevaucher les lieux, les temporalités, les irruptions de personnages, un univers fantasmé et le réel déformé par sa mémoire défaillante.

     Parfois, Resnais m’ennuie à mourir. C’est le cas ici, dans cet essai conceptuel. Souffert comme rarement. Je n’aurais gardé que les vingt dernières minutes, dans le parc de cette bâtisse. Tout y était. Le film sur le deuil de cet homme dont la femme s’est suicidée résonne déjà brutalement dans cet épilogue. Tout ce qui précède n’est qu’un gloubiboulga laid et sans queue ni tête.

     Je sais que c’est un film adoré par beaucoup. Que c’est un film multi-césarisé. Qui reprend tous les thèmes chers au cinéaste de Je t’aime, je t’aime. Mais rien à faire de mon côté : j’ai trouvé ça aussi éprouvant que Stavisky, I want to go home ou Vous n’avez encore rien vu.

Tous les matins du monde – Alain Corneau – 1991

13. Tous les matins du monde - Alain Corneau - 1991Le tombeau des regrets.

   7.0   Au XVIIe siècle, reclus dans son manoir, M. de Sainte-Colombe compose de la musique baroque et maîtrise la viole de gambe comme personne. Triste et sauvage, il ne se console pas de la mort de sa femme. Il élève ses deux filles dans la doctrine janséniste et le goût de la musique pure. Un jeune admirateur, Marin Marais, force sa retraite et souhaite devenir son élève. Deux conceptions musicales s’affrontent : l’austère solitude de l’un face à la mondanité arriviste de l’autre.

     Or le film s’ouvre d’abord sur ce personnage d’admirateur. Son visage emplit le cadre. Sa fatigue, sa vieillesse et sa tristesse aussi. Gérard Depardieu sera celui qui se souvient. Guillaume Depardieu incarnera son personnage quelques décennies plus tôt. Cette idée de relais, de faire jouer le père par le fils est déjà magnifique.

     Marielle y incarne tout aussi merveilleusement ce mystérieux compositeur et violiste de l’époque baroque, ce veuf inconsolable, qui s’enferme dans une cabane. Tous les matins du monde est avant tout un beau film sur le deuil.

     Sa réussite est assez insolite puisqu’il totalise plus de deux millions d’entrées en France et sa bande-son (de la musique ancienne !) signée Jordi Savall, est propulsée au top30 de RTL Virgin.

     Mais le film est superbe aussi bien visuellement qu’à écouter. Corneau n’a pas fait que des bons films mais celui-là en est un.

Thérèse – Alain Cavalier – 1986

12. Thérèse - Alain Cavalier - 1986Sœur sourire.

   5.5   C’était ma première rencontre avec le cinéma d’Alain Cavalier, il y a fort longtemps. Un peu rude. J’étais curieux d’y jeter à nouveau un œil. Le film est comme dans mes maigres souvenirs, très austère. Cloîtré dans son couvent, le quotidien des sœurs et en grande partie de celle qui deviendra Sainte Thérèse, une fois canonisée après son décès prématuré de la tuberculose. La carmélite de Lisieux est captée outre sa gaieté permanente (jusque dans la souffrance de la maladie) dans ses tâches diverses au sein d’un décor réduit à peau de chagrin, plans fixes et scènes très courtes, entrecoupées de fondus au noir, restituant méticuleusement les visages et les corps dans un cheminement de soumission mystique impalpable. Ce n’est pas un biopic comme un autre, c’est certain. Mais cet impressionnant art du dépouillement révèle, tout de même, une fabrication moins passionnée que corsetée.

Anatomie d’une chute – Justine Triet – 2023

03. Anatomie d'une chute, Justine TrietMirage manquant.

   9.0   L’ouverture d’Anatomie d’une chute agit en trois temps, trois secousses au moyen d’une temporalité qui s’avère assez floue. Tout d’abord, Sandra donne une interview dans le salon de leur chalet, pendant que son mari travaille vraisemblablement au grenier en écoutant la musique très forte. Ensuite, Daniel, leur fils de onze ans, est en train de promener le chien dans les montagnes. Et pour finir, le corps sans vie de Samuel est retrouvé par son fils, au pied du chalet. Que s’est-il passé ? Accident, suicide ou meurtre ? Il ne s’agit pas seulement d’une image manquante, d’un angle mort que le procès parviendra à éclaircir mais d’une vérité évaporée qui ne cessera de nous échapper. Il faut faire le deuil de la vérité pour établir une vérité, sa vérité.

     C’est un grand film sur le couple, d’une part. Sur « l’utopie égalitaire dans un couple » pour reprendre les mots de Justine Triet elle-même. Mais un film dans lequel, le réel conjugal, le visible, serait continuellement empêché, à l’image de cette toute première séquence qui raconte déjà quelque chose de leur quotidien sans clarifier ce qu’il en est. Il n’y aura finalement qu’une seule séquence de couple et là-aussi elle sera saisie par le prisme d’un filtre (d’une vérité, non de la vérité en somme) qui serait celui de la reconstitution visuelle d’une captation sonore. La langue raconte aussi beaucoup. Elle matérialise les problèmes au sein du couple, tout en le prolongeant au tribunal. C’est très beau d’assister à la vulnérabilité de Sandra lorsqu’elle délaisse le français pour repasser par l’anglais. Et pourtant le cœur du film est moins celui du couple, encore moins celui de la vérité, que la relation entre la mère et son fils, entre Sandra et Daniel. La confiance qui se délite entre eux, la distance qui se crée, le vertige de cette expulsion entre deux audiences puis le choix de la défense final.

     C’est aussi, bien sûr, un grand film de procès (peut-être le plus grand que j’ai pu voir). Sur l’impossible vérité. Les flashbacks racontent par ailleurs moins la vérité qu’une vérité, celle du point de vue, du souvenir voire de ce qu’on décide de se souvenir. La scène du père, en voiture, avec la voix du gamin superposant ses paroles c’est fantastique. Le film de procès convoque un genre, très classique, ce à quoi Anatomie d’une chute semble en permanence se refuser. C’est La vérité, de Clouzot, mais aussi Gone girl, de Fincher. C’est d’une grande complexité. Elle fait du mystère, de l’insoluble, son sujet.

     Il faut noter que cette affaire de vérité contamina aussi le tournage, puisque Sandra Huller (au moins aussi impressionnante que dans Toni Erdmann) tenait à savoir auprès de Justine Triet si son personnage était coupable ou innocent. La réponse était aussi claire (d’un point de vue pratique) qu’ambiguë (d’un point de vue moral) : « Il faut la jouer comme si elle est innocente ». On ne parvient parfois plus à discerner la vérité du mensonge du déni car tout y est flou : Son écrivaine mystérieuse, la mort suspecte de son mari et un enfant mal-voyant au milieu. Sandra est observée, scrutée de toute part, dans plusieurs langues, aussi bien son comportement conjugal que familial, dans ses ambitions professionnelles, mais aussi sa liberté sexuelle, ses éventuels remords, son étrange impassibilité voire ce qui se trouve même dans ses livres.

     Et c’est aussi, forcément, un grand film de mise en scène, avec des choix forts, radicaux, des idées de cinéma partout, renouvelant notre rapport au récit en permanence. Déjà, il y a deux espaces identifiés, deux lieux véritables : Un chalet et une salle d’audience. Un chalet que l’on découvre avec l’avocat. Un tribunal dans lequel on est projeté sans prévenir car l’ellipse ici est reine, elle renforce le mystère imposé par le récit. Le film ne sera jamais parasité par des scènes plus triviales ou attendues. Tout se concentrera dans ces deux lieux, qu’importe la temporalité.

     Parmi la kyrielle de superbes personnages qui parcourent le film, il y en a un qui cristallise notre rapport au film tout entier : L’avocat général est un personnage passionnant dans la mesure où il est haïssable (par le spectateur) en fonction de notre attachement à Sandra, de notre croyance en sa culpabilité ou non. Et la réussite du film se situe ici aussi : Notre point de vue ne cesse d’évoluer, de se modeler en fonction des nouvelles données, des différents témoignages, des incohérences. C’est la parole qui domine le récit.

     Le film est jalonné de très belles idées, fortes, tranchées, à l’image de celle de l’enregistrement audio et ce qui l’accompagne puis accapare l’image : Une scène de dispute, insoutenable. Un truc aussi puissant que les meilleurs moments de Jusqu’à la garde ou As bestas. Une scène d’autant plus troublante qu’elle semble être une projection parmi d’autres de ce qu’on entend. Cet enregistrement aurait pu n’être pourtant que sonore, nous priver d’images, nous placer dans la peau des jurés. Choisir de l’incarner de cette façon-là est un geste fort, parmi d’autres.

     On peut s’amuser à analyser chaque séquence mais s’il fallait n’en retenir qu’une seule, ce serait la toute première : tandis que Sandra reçoit une étudiante venue l’interviewer au sujet de son bouquin, son mari, hors champ à l’étage, écoute de la musique. L’idée de cette ritournelle inaugurale (PIMP de Bacao Rhythm & Steel Band) est formidable puisqu’elle agit par couches. Il y a d’abord son volume. Il y a ensuite sa répétition. Une scène de ménage passive, une façon de dire « je t’emmerde » et de pousser le procédé jusqu’au malaise. Et jusqu’à la scission elliptique. Cette ellipse concentrera tout le mystère autour du récit à venir, de la découverte du corps jusqu’à l’issue du procès, en passant par le flashback d’une dispute conjugale.

     Anatomie d’une chute fut un choc. Et pourtant Justine Triet et moi c’était compliqué depuis dix ans et (le magnifique) La bataille de Solferino : Je n’aime ni Victoria ni Sybil. Enfin je vois leurs qualités respectives,  mais j’y reste complètement hermétique. Là non. Il s’est passé quelque chose. Elle a franchi un cap. C’est un film vertigineux. Un long film mais dont la longueur est légitime. Un film hybride, qui révèle la puissance du hors-champ, la problématique de la langue, la violence du déballage (et donc de la destruction) d’une intimité conjugale, familiale le tout sans respecter ni la charte d’un film d’enquête, ni celui d’un film de procès. La culpabilité nous intéresse in fine moins que tout ce qui entoure les faits, les mystères qu’il révèle, la dissection d’un couple, d’une femme, l’ambivalence de la vie.

Illusions perdues – Xavier Giannoli – 2021

20. Illusions perdues - Xavier Giannoli - 2021Quand j’étais critique.

   6.0   J’ai tellement développé une non-envie de voir ce film, que ce soit lors de sa sortie (cette bande annonce m’horripilait) ou après son succès (un peu trop foudroyant) aux Césars, qu’il était normal que je finisse par le mater au détour d’un passage télé… un dimanche soir.

     J’ai mis un peu de temps à y entrer. À la fois pour me faire à cette voix off (très présente) et aussi parce que le film décolle vraiment lorsque Lucien quitte Angoulême et Louise puis arrive à Paris, fait connaissance avec Lousteau, découvre le journal, puis Coralie et tous ces personnages qui gravitent, campés par des Stevenin, Depardieu, Dolan, Lenquesaing.

     Quel casting ! Et quelle ambition narrative, romanesque ! Le film trouve son équilibre, le souffle épique de l’ivresse parisienne, d’une efficacité redoutable au point que ces 2h30 passent d’un claquement de doigts. Enfin presque. Il y a quand même quelques baisses de régime. Et une tendance à l’académisme : c’est très scolaire, ça manque de fièvre, de grandes envolées – un peu à l’image de sa voix off trop narrative, qui fait souvent doublon avec ce que l’on voit, et qui frise l’indigestion.

     J’aurais préféré que le film plonge dans un truc plus virtuose voire grandiloquent encore, j’ai la sensation qu’il n’ose pas trop, qu’il se fait plus sage que le milieu qu’il brosse, plus sage que ces love story, plus sage que son personnage. C’est pas Barry Lyndon, quoi.

     Enfin c’est pas grave, je m’attendais à détester – car j’avais détesté le voir coiffer de la sorte aux Césars deux films chouchous que sont Onoda (Arthur Harari) & Annette (Leos Carax) – mais finalement c’est plutôt une bonne surprise. Et ça donne envie de se plonger dans une lecture balzacienne.

Les ripoux – Claude Zidi – 1984

16. Les ripoux - Claude Zidi - 1984Vie d’un pourri.

   4.5   C’était mon Zidi préféré, enfin je croyais. Grosse déception. Hormis Noiret, fabuleux. Mon souvenir était flou mais dans ce que j’en gardais on voyait davantage la ville, la rue, le commissariat. Or ces lieux sont trop vite expédiés à l’intérieur de saynètes qui se succèdent assez mal. Je confondais peut-être avec La balance (que je n’aime pas non plus, mais pour d’autres raisons). Quoiqu’il en soit j’ai trouvé ça raté sur ce point-là, je ne crois à rien, je vois qu’un défilé de gags nuls et de scènes construites pour un gag, comme toujours chez Zidi, faite avec des sabots de porc. Et puis cette fin embrumée c’est gros frisson de la honte pour moi. C’est vraiment le truc grossier de la scène qui se passe peut-être dans la tête de Noiret, mais peut-être pas, finalement. J’ai trouvé ça tellement mauvais. Mais il y a Noiret comme je le disais. Et même si je trouve Lhermitte un peu à chier dedans (mais je pense que c’est un contre-emploi qu’il lui va pas bien, un peu comme Depardieu dans Tais-toi, y a un truc qui ne marche pas sur moi) j’aime bien le duo malgré tout, mais je suis souvent sensible à l’aspect buddy-movie de toute façon (bien plus beaux chez les Veber de la même époque). Reste un divertissement populaire pas désagréable non plus. De là à lui filer des Césars…

La nuit du 12 – Dominik Moll – 2022

22. La nuit du 12 - Dominik Moll - 2022L’enquête inachevée.

   7.5  Il y avait, dans Seules les bêtes, le précédent film de Dominik Moll, un sens de la virtuosité assez marqué, dans la mesure où il s’agissait de relier un quartier d’Abidjan avec les Causses françaises, et une audace narrative tout aussi imposante, puisqu’on suivait cinq personnages en lien avec la disparition d’une femme. C’était un beau film choral qui manquait autant de clarté que de vraisemblance.

     Et c’est sans doute les principaux atouts de La nuit du 12, récit linéaire, concentré sur un lieu (Grenoble et alentours, rarement mis en avant au cinéma), un meurtre et sur l’enquête de la PJ autour de ce meurtre : Une jeune femme à qui on a mis le feu, la nuit, tandis qu’elle rentrait de soirée. Du déjà vu ? Pas vraiment car le film s’ouvre sur un carton étonnant, annonçant en gros que 20% des enquêtes criminelles ne sont pas élucidées et que La nuit du 12 sera le récit de l’une d’entre elles. Autrement dit, on sait comment ça se termine.

     Idée aussi casse gueule qu’audacieuse, qui m’aura permis de réaliser que, régulièrement, je trouve les films d’enquêtes un peu décevants (ou déceptifs) sitôt qu’ils s’achèvent, soit parce qu’ils en donnent trop ou pas assez, soit parce que j’en attends trop ou pas assez. Le voyage (l’enquête) est in fine toujours plus beau que sa résolution. Là au contraire, la connaissance de cette impasse m’a permis de me sortir de cette attente, ce sont vraiment les personnages qui m’ont séduit et leurs interactions, dans leur quotidien, à la manière du L627, de Bertrand Tavernier ou du Petit lieutenant, de Xavier Beauvois. Parmi ces personnages, on retient Bastien Bouillon & Bouli Lanners en priorité, géniaux tous les deux, d’autant qu’ils sont souvent en duo.

     Et le récit reste très dense, malgré l’impasse de ses investigations, la peinture très réaliste : On appuie beaucoup sur le manque de moyens, notamment et sur une scission entre deux mondes, deux générations : la liberté mystérieuse d’une jeunesse incomprise des aînés, un peu comme dans La fille au bracelet, de Stéphane Demoustier. Mais les deux mondes dépeints ce sont aussi ceux des hommes et des femmes et le film ne s’en tiendra pas qu’au récit de ce féminicide pour l’établir : Il appuiera son discours féministe, par petites touches disséminées alors qu’il pouvait largement s’en passer.

     Qu’importe, c’est un film puissant, dont la mise en scène, aussi lumineuse et rigoureuse, semble totalement calée sur Yohan, le sublime personnage de capitaine incarné par Bastien Bouillon, qu’on adorait déjà chez Betbeder, dans Deux automnes trois hivers, ou Debout sur la montagne. J’en aurais bien pris une heure de plus, de mon côté.

Adieu les cons – Albert Dupontel – 2021

06. Adieu les cons - Albert Dupontel - 2021L’étang moderne.

   5.5   La recette est familière, son efficacité prévisible : Après le plus consensuel Au revoir, là-haut, Adieu les cons renoue avec la verve anar de Dupontel : acerbe, hystérique, absurde, burlesque, virtuose. Dans la lignée tonale du dernier Délépine & Kervern (Effacer l’historique) mais en mieux – Ce n’était pas bien compliqué – et dans la lignée formelle d’un certain Jeunet, son pote, auquel on pense beaucoup, notamment Le fabuleux destin d’Amélie Poulain : On y retrouve cet attachement aux laissés pour compte, son rejet des grands bonnets du système, un appétit pour les gueules, les répliques fulgurantes, mais aussi, davantage sur le plan technique, un goût pour le trop-plein, des plans abracadabrants, des running-gags, pirouettes scénaristiques proposées par des coïncidences motrices, des flashbacks à gogo. Et une volonté de relayer des objets / lieux utiles : Un fusil, un ordinateur, un dossier, un journal intime, une lettre d’amour ; Le bureau des services d’administration, la cave des archives départementales, l’ascenseur d’une tour. C’est du cinéma bourrin, mais généreux. Et si son héritage se réclame davantage des pitreries de Gilliam (qui fait une apparition ici d’ailleurs, et le film fait aussi de nombreuses références à Brazil) que de celles de Chaplin, on peut entrevoir parfois une mécanique proche de celle du génie du muet, sans doute parce que le film, c’est sa grande qualité, respire l’enthousiasme et la sincérité. Disons qu’on comprend, devant, pourquoi Dupontel n’était pas présent à la cérémonie des Césars où il rafla tout, tant le film ne cesse de chier sur « les institutions » de manière générale. Rollercoaster effréné, Adieu les cons ne lésine sur rien, mais peut-être que sur ce coup-là cette quête du fils, avec un duo insolite (Effira/Dupontel, ça fonctionne super bien) entre une femme qui va mourir et un homme qui veut mourir, tous deux associés à un archiviste aveugle extra-lucide (Nicolas Marié, pitre désopilant) trouve une forme d’aboutissement comique sous la caméra de Dupontel. Il me semble qu’il y donne tout, cette fois, avec ses limites comprises : Sa mécanique burlesque désuète (des policiers débiles, un aveugle qui se cogne, un médecin illisible), sa non-subtilité pour brosser des caractères secondaires (flics, patrons mais aussi ceux qu’il défend, amoureux transi, vieil amnésique) et son nihilisme compassé, certes le film est un peu anar-vieillot dans son fond mais il est toujours en mouvement, plein de trouvailles, d’instants très drôles. Qu’importe, j’y allais le couteau entre les dents – euphémisme – mais j’ai trouvé ça très réussi, pour du Dupontel.

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