Cast away.
7.0 Deux personnes en pleine mer. Un homme et une femme. Un couple, abandonnés par le bateau qui les emmenait faire un peu de plongée en groupe. Moment d’inattention, l’équipage s’en va sans eux. Les heures défilent. Le froid, la fatigue, la faim, la présence de méduses, de requins sont autant de facteurs qui perturbent leurs états d’âmes, qui perturbent l’être humain d’une manière générale, lorsqu’il se retrouve paumé dans un milieu hostile qui n’est pas le sien.
Avant tout, Chris Kentis, le réalisateur, a su installer son récit. Certains trouveront ça inutile et long, les autres le verront comme un prologue intéressant à une escapade naturelle cauchemardesque. Un couple aisé veut prendre du bon temps dans les îles afin d’échapper à ce quotidien qui les détruit, principalement celui de la jeune femme qui empiète vraiment sur leur vie de couple. Si la veille de leur excursion sous-marine, quelque chose de fugace semble troublé la jeune femme, ce n’est pas tant à comprendre comme événement prémonitoire du lendemain (ce que j’avais pu ressentir lors de mon premier visionnage il y a longtemps) mais comme des relents de stress des habitudes quotidiennes professionnelles, tout simplement. Le cinéaste a voulu montrer que même aux Bahamas, loin de tout, ce couple est envahi par les obligations. Pourtant c’est les vacances, c’est ce qu’ils doivent se dire. Elle décide de prendre sur elle ce moment de blues. Il décide de ne plus y penser. Ce n’est que dans l’eau, le lendemain donc, après quelques heures d’attente, de barbotage inquiétant, que les vieux démons ressurgissent. Comme si l’être humain, lorsqu’il se retrouve dans un environnement où il ne peut jouer de son autorité, de son statut de mammifère fort, se rabattait sur ce qu’il avait, tentant de déjouer la peur, l’angoisse par le souvenir, la mémoire, là où l’hypocrisie est un sentiment voué à disparaître et laissant éclater des fractures jusque là d’apparences inexistantes. Evidemment, théorie qui ne fonctionne uniquement quand il y a au moins deux personnes.
Chris Kentis en dit donc autant sur le couple que sur le désir de survie en milieu hostile. Dans sa façon d’appréhender le réel en le distanciant, de faire semblant de l’occulter dans l’unique but de rassurer l’autre, qui semble davantage en difficulté. Défier l’état périodique de l’autre donc, chose qui aurait été impossible avec une personne seule. En cela il réussit quelque chose de remarquable, pas de sexismes en tout genre ce sont les situations qui font apparaître des différences, pas le contraire. A l’image c’est un couple uni ça se sent. Il y a une proximité assez forte. Cette situation peut détruire comme renforcer le couple, qui vit sur une corde raide qu’ils se sont refusés à admettre.
Chris Kentis fait dans l’économie de moyen, l’économie de tout. De musique. De péripéties extravagantes. De dialogues vides à n’en plus finir. De montage saccadé. Il a seulement voulu montrer 24h de la vie de ce couple, dans un endroit où il leur est mentalement et physiquement impossible de survivre. Il y a donc des situations anodines. D’autres très drôles. D’autres encore terrifiantes. Mais jamais de gras. De l’inutile (oui comme en vrai il y en aurait) mais pas de gras. Car il reste dans cette optique géniale de climat réel, mouvementé comme dans la réalité, banal comme dans la réalité. Il filme beaucoup le ciel, on le voit changer. Il filme l’eau aussi qu’on en aurait presque le mal de mer à la fin. Et il nous donne des indications temporelles, en mentionnant l’heure du jour de temps en temps.
Je ne parle même pas du film techniquement, pourtant il y a à dire. C’est angoissant au possible. Ce huis-clos à la surface de l’eau, renforcé par le fait qu’on ne sait pour ainsi dire jamais (tout comme eux) ce qu’il y a en dessous de leurs pieds. La scène de l’orage, finalement beaucoup trop courte, est un moment d’angoisse pure, savamment distillée. Bref, c’est super !