Archives pour la catégorie Christophe Honoré

Le lycéen – Christophe Honoré – 2022

15. Le lycéen - Christophe Honoré - 2022Un monde sans père.

   5.5   C’est apparemment le film le plus personnel et autobiographique de Christophe Honoré puisqu’il y a beaucoup de lui et de son histoire dans ce garçon de dix-sept ans qui perd son papa dans un accident de voiture. Le film observe d’abord le choc provoqué par cette perte (probablement ce qu’il fait de mieux, et le trio Kircher/Binoche/Lacoste fonctionne bien) puis s’intéresse à la lente reconstruction du garçon, parsemée d’agonie, de dépression, de perdition, mais aussi d’un vent de liberté, de découverte de soi, de rencontres. C’est aussi son émancipation sentimentale qui se joue, entre la Savoie et Paris, entre cet ami qu’il semble connaître depuis gamin et le coloc de son frangin (Erwan Fale, l’autre révélation du film, avec Paul Kilcher). Le film est malheureusement un peu trop à l’image de la résurrection chaotique de ce personnage, il lui manque une cohérence formelle, une idée qu’il tiendrait d’un bout à l’autre. Par exemple il me semble beaucoup trop envahi par des cassures programmées, ou une voix off un peu lourde. Ça reste assez beau néanmoins, notamment ce qui se joue sur les non-dits au sein du cercle familial.

Guermantes – Christophe Honoré – 2021

13. Guermantes - Christophe Honoré - 2021À la recherche d’une pièce perdue.

    8.0   Je n’aimais pas le cinéma de Christophe Honoré. J’avais apprécié La belle personne, mais c’est tout. Et encore, je n’en ai rien gardé. Et puis Plaire, aimer et courir vite m’avait beaucoup ému. Avant que je voie son détestable Chambre 212. Autant dire qu’un film d’Honoré, de 2h30, en temps de covid, en mode documenteur, au sein de la troupe de la Comédie française, sur les répétitions d’une pièce (adaptée de Proust, donc) qui n’aura pas lieu, ça ne m’attirait pas des masses. Ce spectacle de l’entre-soi bourgeois ressemblait un peu trop à un purgatoire. Je ne sais pas vraiment l’expliquer mais j’ai adoré. De bout en bout. J’aurais aimé que ça dure quatre heures, tant j’étais fasciné par la précision du dispositif, les interactions entre chacun, le mélange de vrai et de faux, de réel et de jeu, d’improvisation et de répétition, la relecture de Proust, la sensation d’être face aux confessions d’un auteur et de sa troupe d’acteurs, le témoignage précieux de cet espace-temps sans précédent. Je lévitais. Tellement que cette dernière réplique (« le petit pan de mur jaune ») m’a achevé, le Don’t wake the dead, de Guards du générique final m’a fait chialer. Peut-être que c’était le bon soir ? Peut-être que ça ne supporterait même pas un deuxième visionnage ? Je ne sais pas. Mais j’ai trouvé ça magnifique.

Chambre 212 – Christophe Honoré – 2019

35. Chambre 212 - Christophe Honoré - 2019Les garçons et Chiara, au lit.

   1.5   Comme je le pressentais, le bouleversant Plaire, aimer et courir vite (2018) était un magnifique accident. Je n’aime pas Honoré en temps normal, il s’est bien chargé de me le rappeler avec cette Chambre 212, qui fait office de parfait ascenseur émotionnel. Ennui mortel devant cet objet exécrable – que cet étonnant casting ne parvient jamais à sauver – qui réunit tout ce que je déteste au cinéma. Une sorte de croisement boursouflé entre un dernier Resnais et un mauvais Blier, qui auraient batifolés avec Guillaume Gallienne dans un immeuble montparnassien. Des personnages qui apparaissent et rencontrent leur autre soi, plus jeune ou plus vieux ; une mise en scène qui lorsqu’elle ne sait plus comment innover avec sa cambre d’hôtel asse laide, balance des plans de surplomb, qui se dandinent au-dessus des cloisons – On s’en tiendrait uniquement à ce reproche qu’il serait déjà, pour moi, rédhibitoire. Cet attrait pour l’artificiel combine évidemment avec ce récit de couple en crise qui fait ressurgir de vieux démons et voit débarquer amants, amour de jeunesse, mère, Volonté (qui devient un personnage, façon Vice-Versa) et enfant imaginaire (espéré par l’un, rejeté par l’autre). Bref une mélancolie se dégage de ce vaudeville poétique, mais il se noie sous les vagues formelles dégoulinantes et cette écriture lourdingue. Dispositif d’un maniérisme terrible, qui n’en finit d’ailleurs plus de s’alourdir : La troisième demi-heure est un calvaire absolue. Bref c’est l’horreur. Un film qui aurait bien sa place dans mon top « nanars d’auteur » de la décennie écoulée, si je le refaisais aujourd’hui.

Plaire, aimer et courir vite – Christophe Honoré – 2018

Pierre Deladonchamps, Vincent LacosteLes derniers baisés volés.

   8.0   A l’instar de Téchiné, jamais compris ce qu’on pouvait trouver de passionnant dans le cinéma d’Honoré. Il y a parfois de beaux films (« Les temps qui changent » chez l’un, « La belle personne » chez l’autre, on doit pouvoir en trouver d’autres) mais rien qui marque durablement, tant les quelques jolis élans sont systématiquement compensés par des afféteries lourdingues d’auteur auto-couronné – Les chansons d’amour, bien qu’il faille que je le revoie, m’a gravé cette impression de charme et de grotesque mêlés plutôt embarrassants.

     C’est la toute première fois qu’Honoré m’embarque et m’émeut à ce point. Plaire, aimer et courir vite est un film brillant, foisonnant, protéiforme, construit autour de ce double (sinon triple) portrait de garçons mû par leurs désirs, cette urgence de plaire et d’aimer, sous fond d’épidémie de Sida puisque le récit se déroule en 1993. Honoré filme avec intensité les soubresauts amoureux. Et si le film est parcouru de citations littéraires, il n’est jamais écrasé pour autant.

     C’est l’irruption d’In a different place, de Ride, qui d’abord m’a cueilli, moins par le fait de l’entendre (même si oui, Nowhere est l’un des plus beaux albums du monde à mes yeux, donc ça fait son effet) que dans l’utilisation qu’Honoré en fait : Un véhicule de sentiments, d’un garçon à l’autre, d’une chambre étudiante à la rue, de l’ennui au plaisir charnel. L’appartement est truffaldien et l’extérieur sera fassbinderien. Double influence qu’Honoré confirmera plus tard lorsqu’Arthur pose sa main sur la tombe de l’auteur de L’homme qui aimait les femmes, puis quand on découvre une affiche chez lui de Querelle. Ride ici, bientôt Cocteau Twins, Christophe Honoré a bon goût.

     Voir ce film aujourd’hui, pile un an ou presque après 120 minutes par minute, lui donne une dimension nouvelle, tant il est aussi bien le parfait complément que son antithèse. La grande différence de fond c’est l’engagement, puisque contrairement au film de Campillo, les personnages chez Honoré ne sont pas engagés dans la lutte collective, seul leur importe le désir d’aimer et d’être aimé. Rien d’étonnant à y songer tout en s’y éloignant davantage encore lorsque Arthur annonce à Mathieu qui le transmettra à Jacques qu’il ira à une réunion d’Act Up entre deux expositions Beaubourg. Plaire, aimer et courir vite se situe à côté de 120 battements par minute, dans un même temps mais dans un autre monde, une autre circulation de désirs et cela se vérifie aussi d’un point de vue formel tant les deux films n’ont aucune ressemblance.

     Cette légèreté (d’autant que le film est aussi très drôle) de la romance multiple (Mathieu et son danseur, Jacques et Jean-Marie, Nadine et Arthur) qui traverse les époques (Jacques et Mathieu, Marco et Jacques) débarrassées de la lutte se trouve vite compensés par une gravité permanente, forcément soutenu par la maladie, puisqu’on apprend rapidement que Marco (il a deux scènes, véritablement : l’une hors-champ, puisqu’il laisse un message téléphonique, l’autre dans une salle de bain et c’est absolument bouleversant) et Jacques sont tous deux touchés par le Sida. La gravité c’est aussi Louis dit Loulou qui la véhicule, ce garçon étonnant qui bientôt n’aura plus de père. La scène qu’ils ont en commun, lui et Arthur, l’ami de son père, directeur d’un centre scolaire, est magnifique, j’en chialais.

     C’est un film qui sait rendre somptueux les à-côtés de son histoire d’amour centrale. En fait, il y a même très peu de moments où Jacques et Arthur sont réunis comparés à ce qu’on pouvait en attendre. Les plus belles séquences du film se situent peut-être même dans ces à-côtés. Une double scène de bain, l’une réelle et l’autre rêvée, toutes deux terrassantes, entre Jacques et Marco, épuisé puis déjà parti. Et puis j’aime énormément l’espace donné à la relation entre Arthur et Nadine, qui me rappelle ce qu’en faisait Luca Guadagnino dans Call me by your name, entre Thimothée Chalamet et Esther Garrel.

     Globalement j’aime l’écriture du film, remarquable. La circulation d’un personnage à un autre. Qu’ils s’agissent de ceux qui apparaissent tardivement (la mère de Loulou, jouée par Sophie Letourneur) ou ceux qui sont là brièvement par intermittences (Denis Podalydès, le voisin) on sent qu’Honoré aime chacun d’entre eux, qu’il pourrait leur offrir dix fois plus de choses à dire et de temps pour le dire. Son film dure déjà 2h15 mais il pourrait facilement faire une heure supplémentaire, sitôt qu’il aura déployé un peu plus d’eux, qu’on l’aurait accepté.

     Il faut aussi parler de la finesse des dialogues puisque c’est aussi sur les mots que se construit cette relation et l’on sent que c’est sur les mots que se sont construit les anciennes relations de Jacques – Parenthèse pour dire que c’est aussi pour cela que le film est puissant, c’est qu’il témoigne d’un présent où l’on se doit d’imaginer le passé qu’il transporte, les multiples vies que Jacques a traversé. J’aime entendre un ami d’Arthur réciter soudainement du Koltès, pour lui montrer qu’il a lu ce qu’il lui a conseillé. J’aime entendre Jacques dire à Mathieu, la veille de son départ, trouver qu’il a fait une super équipe avec Isabelle, la mère de son fils, sans pourtant avoir été un couple.

     Honoré m’avait toujours semblé un peu trop coquet dans ses utilisations formelles héritées de la Nouvelle Vague. Ici il est plus discret. Et si son film est truffé de petites idées, à l’image de cette lettre qui s’imprime sur l’écran, de ces parenthèses musicales, de cette rencontre au cinéma (Au secours, sur le papier) ou de ces compositions de plans qui avant me sortaient de ces films plus qu’autre chose, aucune de ces idées ne vient briser le rythme ni l’identité du film. Son récit est plus fort. Sans doute parce que lui s’intéresse davantage aux personnages qu’il filme qu’à se regarder les filmer. Et puis sans doute car Honoré ne m’avait jamais semblé autant dans la confidence avec son spectateur, si honnête avec lui-même, si personnel dans chaque recoin de son film.

     Et puis ce qui m’intriguait (plus que d’habitude, puisque je n’étais pas allé voir en salle un film d’Honoré depuis Les bien-aimés) c’était la réunion à l’écran de trois acteurs au parcours bien différents puisqu’on pourrait grossièrement dire que L’inconnu du lac se hissait à Liberté Oléron pour jouer Les beaux gosses. J’étais sceptique et en fait ça fonctionne. Super trio de comédiens. Complémentaires. Aucun des trois n’écrase les deux autres, pourtant c’était casse-gueule.

Les malheurs de Sophie – Christophe Honoré – 2016

12. Les malheurs de Sophie - Christophe Honoré - 2016Les quatre cents conneries.

   5.0   Si je suis peu sensible au cinéma de Christophe Honoré je dois reconnaître qu’il dynamise chaque fois le matériau qu’il adapte, ici deux romans de la Comtesse de Ségur, en construisant « un film pour enfants » sans tomber dans le ringard attendu, d’une part car les gamins sont excellents, en ce sens qu’ils jouent comme sont des gamins de leur âge, mais aussi car le film brise quelques conventions, dans sa construction tout d’abord (La seconde partie arrive à poing nommé et rompt le tempo d’une première sur le point de se pantouflardiser) ainsi que dans son parti pris à priori casse–gueule de passer la quasi intégralité des séquences animalières (Sophie cumule les séquestrations / mises à mort de bestioles) en animation avec un trait aussi fin que schématique puisqu’il est l’œuvre de Benjamin Renner, celui qui s’était occupé du dessin du très beau film d’animation, Ernest et Célestine. Hors gosses, les deux personnages forts ce sont les deux « mamans » de Sophie. L’une en femme déprimée et mère dépassée est magnifique, déjà loin, déjà morte avant de mourir, en somme. L’autre en marâtre terrifiante parvient à être tout son contraire et séduire autrement, par sa dureté maladroite et pathétique. Golshifteh Farahani et Muriel Robin sont hyper bien choisies pour le coup. C’est donc une chouette relecture trufaldienne entre L’enfant sauvage et Les 400 coups. Honoré trouve son propre maniérisme, sa propre diction, parfois c’est un peu maladroit, comme ça pouvait aussi être le cas chez son maître, mais il y a une fraîcheur stimulante là-dedans qui le rend attachant. Et puis j’aime bien que le film soit ni franchement joyeux, ni franchement tragique, qu’il trouve un curieux équilibre notamment via ces deux parties franches, qui font tenir l’ensemble même si comme pour Les chansons d’amour il y a dix ans, je pense qu’il ne m’en restera pas grand-chose et je ne sais pas trop à quoi ça tient.

Métamorphoses – Christophe Honoré – 2014

20   3.0   Honoré se la joue Godard, Pasolini et Straub. Evidemment, c’est complètement raté. Mais c’est dommage, oui dommage car il y a quelques instants assez beaux, gracieux, où l’on se dit que ça pourrait le faire. L’instant suivant, tout tombe à plat, ridicule, systématiquement. C’est enivrant puis indigeste. Libre puis moche. Si ce n’est La belle personne, je crois que je n’aime rien du tout chez Honoré. Pourtant, à tous les coups j’y crois.

La belle personne – Christophe Honoré – 2008

50   7.0   Les Chansons d’amour m’avaient laissé quelque peu dubitatif, j’avais bien aimé mais avec de grosses réserves.Avec ce dernier film de Honoré, c’est le coup de foudre! C’est pas extraordinaire mais c’est le charme d’un film ultra touchant qui en fait sa singularité. Avant tout c’est magnifiquement mené, j’y crois de bout en bout. Il a dégagé tous les défauts de ses Chansons.. entre mise en scène lorgnant parfois vers le clip et film franchouillard un poil neuneu pour ici être beaucoup plus sobre, subtil et surtout dix fois plus beau! Entre cette sublime Léa Seydoux, sozie surprenant de l’Anna Karina dans Vivre sa vie, qui irradie l’écran par son étrangeté dévastatrice (et surtout sa beauté froide envoûtante!) ; La « belle gueule » du cinéma français, j’ai nommé Louis Garrel, toujours parfait dans son rôle de prof d’italien, ma foi un peu jeune pour la situation mais on s’en tape! Et le Way too blue de Nick Drake, qui d’origine est une musique qui m’émeut comme très peu savent le faire, renforce chacune des séquences qu’elle accompagne…


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silencio


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