Le vent nous portera.
7.5 Quand je vois Ma vie de courgette ou La tortue rouge, je me dis que l’animation a encore de beaux jours devant elle, loin des standards Disney. Intégralement réalisé en stop motion, écrit par Céline Sciamma, le film de Claude Barras séduit autant par sa dureté de situation (L’action se déroule majoritairement dans un foyer pour enfants abandonnés ou orphelins) que par la candeur du conte, puisque tout est vu au travers des yeux des enfants. Et c’est finalement moins dans une quête réaliste (Raconter les affres de ces centres d’accueil qui, on imagine, sont rarement aussi accueillant que celui-là) que dans son récit initiatique que Ma vie de courgette l’emporte. Nous offrir des individualités (Six puis sept, avec l’arrivée de Camille) afin d’en former un groupe soudé, malgré les premières embûches et les aventures de la vie.
Du haut de ses 65 minutes, le film ose et réussit tout, entre ses finesses d’écriture (Les traits de caractères de chacun d’entre ses personnages, notamment) et ses envolées formelles (Magnifique sortie nocturne dans la neige), la douleur de l’abandon ou de la mort compensée par le chemin à partager pour se reconstruire, s’adresser aux enfants tout en faisant pleurer les grands. Il faut un temps d’adaptation pour apprivoiser ces marionnettes à grosse têtes, les traits qui nous semblaient grossiers deviennent gracieux, les caractères d’apparence archétypaux propulsent, par la finesse du récit, chacun de ces petits personnages comme une partie/projection de nous même, dans leur petites folies, leur fragilité, leur jalousie, leurs solitudes et souffrances propres, et leur quête maladroite de tendresse. Rien d’étonnant à voir Céline Sciamma à la plume de cette merveille de film d’animation, tant il convoque aussi bien la lumière de Tomboy que les prémisses désenchantées de Naissances des pieuvres, dans lesquels, déjà, les adultes ne tenaient que peu de place.
Des idées, Ma vie de courgette n’en manque pas. Repenser au tableau météorologique permettant de mesurer l’humeur des enfants, à Béatrice croyant voir sa maman (expulsée) chaque fois qu’une voiture fait son apparition, à Simon qui voudrait tant recevoir rien qu’une fois une lettre de ses parents, au cerf-volant et à la canette que Courgette range dans un tiroir comme il range symboliquement papa et maman, à la bienveillance absolue de ce policier qui n’a pas vu son gamin depuis une éternité, à Camille sur la balançoire façon Partie de campagne. Des petites choses, magnifiques, que le film distille avec une élégance incroyable, jusque dans un final qui m’a arraché les larmes.