Archives pour la catégorie Clint Eastwood

Juré n°2 (Juror #2) – Clint Eastwood – 2024

06. Juré n°2 - Juror #2 - Clint Eastwood - 2024Le douzième homme.

   7.5   Clint Eastwood, 94 ans, refait à la fois Douze hommes en colère et Le septième juré mais dans un film cent pour cent Eastwoodien, qui interroge les limites de la justice, la construction de la lâcheté, le dilemme moral et l’obsession de ne pas voir au-delà de ses propres zones de réussite, confort, expérience personnelle et intérêts individuels, qu’on soit avocat, procureur, juré et/ou coupable. La justice n’est finalement jamais corrélée à la vérité, mais dépend systématiquement d’un facteur humain mouvant. Film passionnant, d’une fluidité totale, dans chacun de ses rebondissements de scénario. Peut-être un peu trop propre et prévisible dans sa mise en scène, mais qu’importe. Un grand Clint.

La sanction (The Eiger sanction) – Clint Eastwood – 1975

19. La sanction - The Eiger sanction - Clint Eastwood - 1975Le sommet des vieux.

   4.0   Le quatrième film de Clint Eastwood ressemble davantage à un opus de James Bond qu’à un film de Clint Eastwood. Du moins dans sa première partie, assez embarrassante, avec notamment un chef de réseau albinos bien grossier. Clint campe lui un ancien espion doublé d’un alpiniste retraité, reconverti collectionneur de tableaux célèbres et prof dans une école d’art. Il va devoir reprendre du service en « sanctionnant » deux tueurs ayant participé à l’élimination d’un espion de son ancienne organisation. L’un d’eux fera partie d’une cordée sur le point de grimper la face nord du mont Eiger, dans les Alpes suisses. La deuxième partie tient d’une banale remise en forme dans le désert. Et d’une altercation avec un espion gai, fourbe et ringard. Homophobie désinvolte à laquelle se joint un sexisme sans scrupule, à renfort de personnages féminins réduits à émoustiller tonton Clint, qu’il n’hésitera pas à accompagner de multiples tapes sur le cul. Bref le film trimbale une représentation de la virilité franchement gênante. Dans le même élan, le twist final est complètement con. On retiendra toutefois les scènes d’escalade dans le désert puis l’alpinisme en montagne, quand bien même le whodunit soit complètement aux fraises. On dirait un film de vieux libidineux biberonné aux films d’espionnage de bas étage, avec ses faire-valoir féminins sans intérêt. C’est d’autant plus troublant aujourd’hui que le film est sorti dans une période où le cinéma américain n’avait jamais été si fécond, si jeune, si inventif.

 

Cry Macho – Clint Eastwood – 2021

13. Cry Macho - Clint Eastwood - 2021Last race, last dance ?

   5.0   On retrouve Eastwood pour l’une de ses petites musiques habituelles. Celle-ci ayant la particularité non négligeable de le retrouver aussi devant la caméra, dans la continuité de La Mule. Mais cette fois en cow-boy. Autant dire que le chant du cygne est affiché : C’est un nouveau film de Clint sur Clint, ce qu’il a été, ce qu’il veut transmettre.

     Cry Macho c’est l’histoire d’un vieil homme qui doit ramener du Mexique le fils de son employeur et proprio qui l’a jadis aidé, quand il est devenu veuf mais aussi quand il s’est brisé le dos lors d’une mauvaise chute de rodéo. On comprend très vite que l’aspect thriller du film n’intéresse pas du tout Eastwood, se focalisant davantage sur le lien naissant avec l’enfant puis avec une femme.

     Le road-movie et le duo avec l’enfant / fils de substitution, rappelle évidemment Honkytonk Man, Un monde parfait ou Gran Torino. Sans que Cry Macho ne propose grand-chose de plus, sinon de se dérouler en terre mexicaine. Le film se révèle assez peu passionnant malheureusement et notamment car ce duo ne fonctionne pas et le gamin est absolument transparent ; mais comment lui en vouloir puisqu’il a Clint Eastwood à ses côtés tout du long ?

     Si le film n’est pas grand-chose c’est aussi la faute à un scénario balisé, cousu de fil blanc, qui enchaîne les petites péripéties (avec le garçon, la mère du garçon, des flics, un homme de main, des voleurs) et les désamorce systématiquement avec des idées ultra convenues quand elles ne sont pas problématiques : Le coq, ce héros. Il y a zéro tension. Chaque séquence est une mini vignette encerclée de plans de paysages dans lesquels on voit une voiture sillonnant le bitume et le désert. C’est un peu embarrassant.

     Le cœur du film ne se joue pourtant pas dans la réussite ou non de la mission – encore une fois, ce duo est nul – mais dans un restaurant sur la route, où nos deux comparses sont reçus et protégés par la gérante, veuve qui élève les enfants de sa fille défunte. Les sourires, les regards, les attentions qui se jouent entre elle et Clint sont les moments les plus doux et mignons d’un film par ailleurs trop doux et mignon, par rapport à ce qu’il raconte.

     Mais c’est comme si Clint réactivait un peu de son plus beau film (Sur la route de madison) en le faisant traverser le temps, les âges et les frontières. Et surtout en lui offrant la fin rêvée. Il aurait fallu enlever toute l’intrigue superflue avec la mère, les flics et les truands. Et changer le gamin. Et là ça pouvait être beau, simple et émouvant. Mais on ne va pas demander à Clint Eastwood, 91 ans, de faire du Kelly Reichardt, non plus.

Pale rider – Clint Eastwood – 1985

22. Pale rider - Clint Eastwood - 1985Le dieu des hautes plaines.

   7.0   Découvert il y a une quinzaine d’années. Ça ne m’avait pas marqué du tout. Et j’avais tout oublié. En fait c’est un très beau Eastwood, un western noir et minimaliste, dans la lignée de Josey Wales hors-la-loi ou plutôt L’homme des hautes plaines, dans lequel Eastwood, personnage et créateur, se prend moins pour un justicier (ou un « cavalier solitaire » comme le promet le sous-titre français) que pour dieu, inconnu sur son cheval, surgit des montagnes, rendant service à une petite communauté de chercheurs d’or persécutée et menacée d’expulsion par le fondateur de la ville qui fait tout pour s’approprier leur concession. Pale rider est aussi le moyen de raconter sa vision humaniste, collective et réconciliatrice de l’Amérique à travers un groupe de chercheurs, qui échangent et résistent, ensemble. En somme, c’est un beau film politique, très classique mais beau, très épuré.

Play Misty for me – Clint Eastwood – 1972

12. Un frisson dans la nuit - Play Misty for me - Clint Eastwood - 1972Les désaxés.

   8.5   S’il agit déjà de manière détournée, le premier film réalisé par Clint Eastwood est quasi un document sur l’icône qu’il est devenu. Désormais célèbre pour ses rôles dans les westerns de Sergio Leone, il prend d’emblée le parti de briser ce statut avec toute l’ambiguïté qu’il ne cessera d’alimenter dans chacun de ses films à venir.

     Dans Play Misty for me (Un frisson dans la nuit, dans nos contrées, au secours) Clint y incarne Dave Garver, disc jokey dans une radio jazzy locale. Un soir il fait la rencontre d’Evelyn et découvre qu’elle est l’admiratrice anonyme qui chaque soir lui demande de passer Misty, d’Erroll Garner. Déjà obsessionnelle mais pas encore flippante. Ça viendra.

     Ce n’est pas un scénario prétexte, puisque le récit s’inspire d’un harcèlement qu’il a jadis vécu et qu’il y a un désir de réactiver le film noir sous le soleil californien. Mais il y a toutefois une volonté d’exorciser le mythe qu’il a créé afin d’affirmer ses propres aspirations. Dès l’ouverture, on distingue un portrait de lui dans la maison. Quand le film se termine, le portrait est déchiqueté, lacéré à coups de couteau. Un nouveau Clint est né.

     Il y pose les bases de son style à venir : Tournage rapide, répétitions réduites, économie de moyens, désir d’indépendance face aux studios, décors réels : le film est tourné à Carmel-by-the-sea, située sur la péninsule de Monterey, en Californie. Ce n’est pas un hasard : Clint Eastwood y vit. Modestie de son casting – C’est parfois toujours le cas à l’heure actuelle, avec plus de trente films au compteur. La mise en scène est élégante, construite sur un tempo plutôt lent compensé par des giclées brutales – Un peu à l’image de ce que traduit le personnage incarné par Jessica Walter.

     Le rythme quant à lui, bien qu’efficace, se révèle singulier. Si à l’image de son final il prend des tournures hitchcockiennes tortueuses et angoissantes, le film se permet par exemple une longue envolée buccolico-romantique et une virée documentaire en plein festival musical. Dans cette dernière, une scène de cinq minutes, le film nous plonge dans l’effervescence du Monterey Jazz Festival. Ça n’a concrètement aucune utilité dans le récit mais cela permet à l’auteur de déployer son amour pour le jazz et la musique en général, dont il en fera un autre beau portrait dans le somptueux Honkytonk man.

     Play Misty for me prolonge quelques chose du dernier film dans lequel Eastwood a joué et qui cassait déjà l’image virile qu’il renvoyait jusqu’ici: Les proies, de Don Siegel. Ce dernier fera même une courte apparition ici, incarnant le gérant du bar. On peut résumer les choses ainsi : Si Leone a fait connaître Eastwood, c’est probablement Siegel qui l’a révélé à lui-même. Il faut par ailleurs signaler que Play Misty for me reprend le chef ’op et le monteur du film de Siegel.

     On peut voir dans Play Misty for me une matrice (malgré lui, tant il est hybride, ne se rattache pas facilement à un genre codé) de thrillers psychotiques tels Liaison fatale (l’aventure d’un soir qui se transforme en cauchemar), Misery (la fidèle admiratrice un brin possessive) ou encore Basic instinct (la blonde et la brune, entre mystère et déséquilibre). Le film mise énormément sur l’inversion du rapport de force. C’est d’autant plus beau que le faible, c’est Clint Eastwood qui l’incarne. Cet effacement du héros se produit donc à l’intérieur du film puisque si Eastwood y interprète le rôle central, c’est bien celui d’Evelyn, en amoureuse désaxée et paranoïaque compulsive, qui marque les esprits.

Le Cas Richard Jewell (Richard Jewell) – Clint Eastwood – 2020

09. Le Cas Richard Jewell - Richard Jewell - Clint Eastwood - 2020Pas de repos pour les braves.

   7.5   En grande forme le père Clint, qui continue de portraiturer l’ambiguïté de la figure héroïque par le prisme du fait divers. Après Chris Kyle (American sniper), Sully Sullenberger (Sully) et les trois américains du Thalys (Le 15h17 pour Paris) c’est au tour de Richard Jewell d’être ce héros ordinaire pas comme les autres, cet « anti-héros » pourrait-on même dire.

     Le soir du concert tenu dans le Parc du Centenaire à Atlanta en juillet 1996, pendant les jeux olympiques d’été, Jewell, un agent de sécurité zélé, obèse et simple d’esprit, qui se rêvait flic, découvre un sac abandonné sous un banc, prévient du danger tout en évitant la panique générale. Le sac contenait bien une bombe, qui explosera mais fera nettement moins de victimes que si Jewell n’avait rien vu.

     Erigé héros ayant empêché une attaque terroriste, Jewell sait juste qu’il a fait son boulot. Trois jours plus tard, il est suspect numéro un, sur la base de son histoire, de sa solitude, du fait qu’il vive encore chez maman et d’une ressemblance avec un lancement d’alerte similaire en 1984 qui avait été faite par le terroriste lui-même. Jewell est déclaré poseur de bombe parce qu’il est la seule piste du FBI relayée par une presse opportuniste. De héros du peuple, il devient martyr des médias.

     Il faut signaler qu’Eastwood ne joue jamais la carte du suspense. Jewell fut innocenté, alors il le traite d’emblée en innocent. Lui n’évoluera pas, il restera le même du début à la fin du film, occasionnant des moments embarrassants où comme son avocat on voudrait qu’il se bouge et comprenne que ce qu’il chérit est devenu son ennemi ; et des scènes parfois drôles comme lorsqu’il étale fièrement son arsenal d’armes sur son lit puis aide les flics pendant la perquisition, tout simplement parce qu’il est comme ça, flic dans l’âme.

     En revanche, tous les personnages autour de lui sont en évolution permanente, comme si Jewell leur permettait par lui-seul, son comportement, son histoire et l’injustice subie, de comprendre qu’il y a de l’humain derrière des ambitions et des métiers, qu’on soit flic, journaliste ou avocat. La prise de conscience de la journaliste forcenée est un peu grossière, on sent que Clint ne sait pas gérer cette étape du récit, lui préférant le rapport plus intime entre Jewell et sa maman, par exemple.

     Mais d’un autre côté il y a donc ce pauvre type, avec ses principes, son amour des forces de l’ordre. Croyances qu’une telle somme d’évènements traumatisant ne viendra même pas perturber : Il sera flic, jusqu’à son arrêt cardiaque, dix ans plus tard. Et c’est aussi là que la figure du héros vu par Eastwood aujourd’hui fascine tant : Dans son podcast « la gêne occasionnée » Begaudeau en parle bien, le héros eastwoodien est courageux mais aussi un peu con, ou plutôt courageux parce qu’il est con – Et c’est aussi ce qui le fait tenir. Et cette anomalie, qui fonctionne d’ailleurs avec chacun des « héros » de ses derniers films (les mecs du Thalys les premiers, car faut quand même être un peu con pour se jeter sur un type tenant une Kalachnikov) est assez fascinante et tellement loin des standards.

     Bref, le film est absolument passionnant, brille par son classicisme souverain, la distance avec laquelle il traite chaque situation et les comédiens sont magnifiques : Olivia Wilde, Sam Rockwell, Kathy Bates, Jon Hamm, et bien entendu Paul Walter Hauser.

La mule (The mule) – Clint Eastwood – 2019

10. La mule - The mule - Clint Eastwood - 2019Papy Clint fait de la (bonne) résistance.

   7.0   C’est un beau film sur Clint Eastwood. Sur sa mélancolie, sur son humour, sur son vieux corps. Le voir déambuler au ralenti, un peu voûté, mais fringant malgré tout pour son vieil âge rend l’expérience très émouvante. C’est un beau film sur son visage aussi – Et en ce sens la couverture du dernier mensuel des Cahiers du cinéma a vu juste : La mule c’est beau sitôt qu’on y voit Clint – tant on se rend compte à quel point on pourrait le regarder, observer ses rides sans jamais se lasser. Le film est magnifique quand il pose sa caméra sur lui, entendre quand Clint pose la caméra sur lui, donc. Il l’est moins quand il s’agit de suivre la traque policière, franchement sans intérêt, enfin pas entièrement sans intérêt car cela permet d’obtenir deux scènes magnifiques entre Clint Eastwood et Bradley Cooper.

     Donc forcément, si l’on y va pour les cartels ou pour le thriller c’est pas la peine, La mule c’est ni Narcos ni Breaking bad, hein. On pense deux secondes à ce dernier puisque l’action se déroule au Nouveau-Mexique et que la villa d’Andy Garcia ressemble fortement à celle d’Hector Salamanca, mais ça s’arrête là. La vraisemblance du milieu des Cartel n’intéresse pas tellement Eastwood. La mule m’a surtout marqué par sa légèreté, sa cocasserie – le film est souvent très drôle – alors que j’attendais un truc très sombre, testamentaire. Il est là le testament, oui – Sa propre fille y joue même le rôle de la fille de son personnage – on voit d’ailleurs pas comment Clint réapparaitra à l’écran après ça, mais il le joue sur une tonalité douce-amère plus inattendue/explicite que dans ses films précédents, il me semble. On sourit donc régulièrement et pourtant le mec te clou le temps d’une scène incroyable dans laquelle il filme la mort de façon aussi frontale et déchirante que dans Million dollar baby. Très beau film. Le mec a 88 ans, bordel.

Le 15h17 pour Paris – Clint Eastwood – 2018

Alek Skarlatos, Anthony Sadler, Spencer StoneUne vie moins ordinaire.

   4.0   Si on est clairement dans la veine mineure du cinéma Eastwoodien, ce film qui avait pour être maladroit, ridicule, casse-gueule avant l’heure, n’est finalement pas dénué d’intérêt. Au regard de l’obsession qui nourrit l’auteur depuis trois films, à savoir son goût pour les biopic un peu confidentiels, sur des « héros » ordinaires modernes, le premier constat c’est de voir que ce film a sa place dans la roue de Sully ou American sniper avec lesquels il pourrait former le troisième volet d’un triptyque. Son problème c’est qu’il s’avère presque anecdotique dans son élan fictionnel global : Tout juste Clint offrira un aperçu de son talent dans « la scène que tout le monde attend » impressionnante et hyper sèche, donc forcément brève. Le reste n’est vraiment pas inspiré voire carrément embarrassant : prêchi-prêcha sur la destinée, les flash-forward en pagaille, tout plein de scènes avec des mecs débiles assis à l’arrière d’un bateau ou à la table d’un bar. Et paradoxalement, Clint est allé plus loin, cette fois. Point d’acteur certifié pour jouer le(s) héros puisqu’il choisit de faire jouer les trois personnages par les trois vrais protagonistes de cette histoire d’attentat déjoué, survenue il y a seulement trois ans, pour rappel. La mise en abyme est telle que la fin, qui mélange images d’archives et images tournées, fera cohabiter les vrais mères avec les actrices ayant jouées les personnages des mères. Puis d’intégrer le discours et remise de médailles de François Hollande avec des raccords dos de Patrick Braoudé – Petit frisson de la honte, il faut bien l’avouer. Ce qui par-dessus tout intéresse Eastwood là-dedans, c’est de montrer qu’on peut devenir un héros tout en étant de sympathiques losers un brin décérébrés : L’un d’eux ne fait rien de ses journées, un autre s’ennuie grave en Afghanistan quand le troisième essuie les échecs dans sa progression militaire. On est loin du portrait héroïque standard, loin du visage parfait de l’américain qui va sauver le monde. L’autre problème découle de ce constat : On se fiche complètement de ces mecs, ils n’ont aucun intérêt. Et ce n’est pas en agrémentant leur background dans un long flashback bien lourd sur leur enfance commune, que le film sera plus intéressant. Dingue de voir Clint aussi peu inspiré dans la mise en scène et la construction de son film. Pour le reste, difficile de lui en vouloir : Il pouvait pas savoir que ces mecs étaient ultra teubés. Et mauvais acteurs.

Sully – Clint Eastwood – 2016

26L’étoffe d’un héros.

   8.0   Doublé de l’éternelle interrogation eastwoodienne sur la figure du héros, Sully est une merveille de biopic dépouillé, construit comme un doux cauchemar éveillé qui se répète et se déforme, un feel good catastrophe movie comme seul Eastwood pouvait en offrir. Le film s’ouvre d’ailleurs sur un cauchemar : On est dans le cockpit de l’avion, Tom Hanks est aux commandes, comme prévu, sauf qu’il rase les buildings, la chute semble imminente et… l’avion s’écrase. Le film a déjà réussi à nous secouer en trente secondes d’un faux crash. Quand le pilote se réveille on imagine que cette vision inconsciente agira comme une prémonition, façon Destination finale, mais Eastwood est plus intelligent que ça. En fait, ce rêve intervient après son amerrissage miraculeux, Chesley Sullenberger est assaillis par les doutes. Car malgré l’issue héroïque, l’affaire du vol 1549 US Airways soulève tout un tas de questionnements, que la commission d’enquête ne manque pas de rappeler. C’est que Sully a choisi, dès l’instant que les deux moteurs de son avion sont hors service, d’amerrir sur l’Hudson tandis que chiffres et simulations le contredisent : L’avion pouvait un, revenir à La Guardia, deux, atterrir en urgence à l’aéroport de Teterboro, dans le New Jersey. Et Sully, bien qu’acclamé héros par la population doute de son choix, du bien-fondé de sa prise de risque (Il avait entre ses mains et ses choix la vie de 155 passagers) c’est toute la complexité d’un film qui ne crée pas réellement de camps (Les inspecteurs de la commission eux aussi font leur boulot) mais gomme la traditionnelle figure héroïque du film américain, lui donne cette épaisseur moderne que Zemeckis offrait au sien dans Flight que certain ne manqueront pas de rapprocher de Sully. N’importe qui se serait planté avec un sujet pareil – Comme n’importe qui se serait planté avec American Sniper entre les mains. Mais pas Eastwood. Qui prouve 86 balais au compteur, qu’il est encore un grand humaniste capable de créer un héros ordinaire (Qui a fait le job tout en ayant le réflexe lucide de faire mieux que le job – Il est l’anomalie qui mène au miracle) et de donner un visage à chacun de ceux qu’il a sauvé – Sublime scène téléphonique père/fils séparés par le fleuve. Les séquences en avion sont d’une puissance hallucinante alors qu’elles sont très simples dans leurs enchaînements, idem pour les effets spéciaux et idem pour New York filmée comme on l’a rarement vu. Et la construction qui pourrait être hasardeuse et foutraque s’avère brillamment orchestrée et pertinente. Grand film.

American sniper – Clint Eastwood – 2015

AMERICAN SNIPERSheepdog in the sandstorm.

   7.0   Je ne comprends pas trop les motivations de cette polémique générale envers le dernier Eastwood. Dire qu’il est ambigu, d’accord, mais ce n’est pas comme si son cinéma ne l’avait jamais été. Depuis son passage devant la caméra de Siegel dans Dirty Harry jusqu’à son diptyque sur la bataille d’Iwo Jima, le cinéaste républicain a toujours attiré les foudres. Non pas que son cinéma soit de morale douteuse mais qu’il ne se contente aucunement de placarder des discours antimilitariste ajustés qu’un spectateur du dimanche soir s’attend à recevoir.

     J’admets avoir un peu lâché Clint ces dernières années, parce que cette somme de films classiques un peu trop suffisants me satisfait moins, au point de ne pas m’être déplacé pour Jersey boys, son cru 2014. Je le regrette. Allez, je m’emballe, évidemment, mais je pense qu’American sniper est le meilleur film d’Eastwood depuis Mystic river. Voilà, c’est dit. Je me sens mieux.

     Ce que le film raconte sur la transmission est passionnant. Ce n’est même que ça puisque d’enfants, il en est question en permanence : De celui que Chris Kyle était (très beau flashback parallèle introductif) à celui que sa femme attend, aux enfants qu’il a parfois dans son viseur. Et ces enfants, qu’ils soient issus du Texas profond, pas bouseux hein Chris y tient, ou plongés au milieu d’un champ de guerre, sont élevés dans la violence et dans le culte de sa réussite. Le film s’achève d’ailleurs sur une autre transmission, une autre absurdité, la mort du tireur d’élite des Navy SEAL, par un vétéran américain. Lui que l’on surnommait The legend, pour toutes les vies américaines qu’il avait sauvées et vies ennemis (160 parait-il) qu’il avait volées. Quant à ce surnom exagérément héroïque, le tireur ne s’en accommodait pas. Et tout le film parle de ça. De ce décalage perpétuel entre ce qu’il veut être et ce qu’il est aux yeux des autres. De cette certitude quant à son engagement troublé progressivement dans son cheminement intime, du retour du front de son petit frère défait qui l’ébranle aux dommages qu’il subit quotidiennement mais qu’il ne veut accepter.

     On a souvent employé cette expression passe partout de « film dénonçant l’absurdité de la guerre » notamment lors des nombreuses œuvres autour de la guerre du Vietnam. Et je pense qu’American sniper, même si ambigu, mais subtil dans son ambiguïté, se situe dans cette veine là. Et c’est d’autant plus tangible ici que le film me parait être une sorte de point culminant du cinéma sur la guerre absurde, dans la mesure où son personnage, dont le film prend le parti de suivre l’intégralité de ses mouvements derrière son viseur comme au sein de sa vie privée, de laquelle il n’est bientôt plus que le fantôme de lui-même, est condamné à associer n’importe quel bruit quotidien aux horreurs qu’il a traversées, à entendre un brouhaha guerrier permanent même lorsque la télévision est éteinte (superbe plan dévoilant cette masse guerrière tétanisée devant cet écran vide).

     Si le film ne prône aucunement le nationalisme belliqueux et encore moins la glorification des héros de guerre, il ne s’aventure pas non plus sur le terrain politique et s’il utilise les attentats de Nairobi puis l’effondrement des tours jumelles comme prétexte au conflit Irakien c’est moins une question de raccourcis que parce qu’il s’aligne sur les impressions limités de son personnage, qui ne fait que répondre aux loups en chien de berger, comme son père lui a inculqué et comme il inculquera aussi à son propre fils.

     Les images d’archives finales bien qu’assez gênantes dans leur apparente distribution de larmes et de lauriers crée autre chose : la sensation que la société américaine vénère moins ses vivants que ses morts, qu’elle préfère tout construire sur des ruines et du sang. Rester le chien de berger qui protège ses brebis, le fort qui vient au secours des faibles. Une société en guerre dès la naissance. Que le film fasse de Chris Kyle un bon chien de berger bas du front, qui n’a aucune conscience politique et qui construit une famille pour créer d’autres chiens de berger est sans équivoque à mon sens. C’est le portrait d’un paumé issu du rodéo, qui n’a d’autre ambition que de servir sa patrie, protéger les siens contre cette barbarie qui selon lui sont les autres.

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