« Oh, boy ! »
6.5 C’est l’une des séries fétiches de ma chère et tendre. Enfin, disons qu’elle a grandi avec : Il y a toujours un risque à revoir un film ou une série qui nous a accompagné durant notre enfance. Pour Code quantum cette revoyure se passe plutôt très bien pour elle. Moi je ne connaissais même pas de nom avant qu’elle m’en cause : Quand on croise Dean Stockwell dans un film, chacun tient sa référence, pour elle c’est Al, pour moi c’est Blue Velvet. Parmi nos nombreux différends culturels réparons au moins celui-là : J’aime beaucoup Code quantum. Quantum leap, le titre original, tellement plus représentatif. Là j’ai vu deux saisons et j’y prends beaucoup de plaisir, c’est attachant, intelligent, très chouette.
On y suit le scientifique Sam Beckett, qui suite à une expérience temporelle se retrouve ballotté dans le temps, transmuté dans le corps d’autres personnes, en sautant d’époque en époque, avec chaque fois l’objectif de changer quelque chose pour sauter à nouveau dans le temps et dans un autre corps et qui sait peut-être revenir un jour dans le présent et dans son propre corps. Il est heureusement épaulé de Al, qui apparait sous la forme d’un hologramme et le guide, avec son humour et sa gouaille, d’autant qu’il est lui en contact avec Ziggy, l’ordinateur crée par Sam, qui lui vient parfois en aide durant ses quêtes, lui indique « ses sauvetages » à effectuer. Quoiqu’il en soit, ces personnages, on les adore très, très vite. Et tant mieux, puisque ce sont les seuls qu’on retrouve. C’est aussi la limite du show.
La première saison permet une agréable entrée en piste. Le pilot, qui ferait un beau long-métrage, est une merveille : Sam est propulsé dans la peau d’un pilote de l’US Air Force, doit tenter de survivre en passant mach 3 avant de sauver sa femme d’un accouchement difficile. L’écriture d’emblée est riche, passionnante, la reconstitution de cette base militaire, des vols dans les carlingues des avions de chasse absolument brillants. Il est frustrant de devoir sortir de ce monde, brutalement qui plus est, puisqu’ici et chaque fois que la mission sera accomplie ensuite Sam est aussitôt transmutée dans la suivante. Chaque épisode se clôt ainsi : On découvre quelques secondes du corps et de la situation dans lesquels Sam évoluera dans l’épisode suivant.
En ce sens Code quantum est aussi une brillante réflexion théorique sur le matériau qu’est la fiction sérielle. Il ne cesse de s’étoffer, de recommencer et à défaut d’user de cliffhanger – puisque les récits sont toujours bouclés – il se permet de pouvoir traiter n’importe quelle histoire, époque, plonger dans une réalité historique – Le Watergate, la ségrégation, les répercussions du Vietnam ou plus légèrement faire la rencontre de Buddy Holly. Si le sujet de base peut sembler être un prétexte pour créer des chapitres indépendants – à la manière des séries anthologiques à la Black Mirror – et avoir l’infini des possibles à traiter en matière de scénario, c’est surtout un rêve (de créateur, d’acteur, de spectateur) qu’on réalise en affublant à notre héros une histoire nouvelle (et une enveloppe corporelle différente) à tous les coups.
Mon gros problème avec Code quantum découle de cette originalité : Il est dépourvu de personnages secondaires, ou bien ils sont éphémères. Cette presque tabula rasa permanente m’empêche d’enchainer les épisodes, d’entrer dans l’univers et ne plus vouloir en sortir. Le moteur narratif d’une série, pour moi, ce sont les personnages. La série compense alors avec Sam et les corps qui l’accueillent. Il est certain que le désir des créateurs est d’élargir son éventail d’hôtes : mère de famille, indien, agent du FBI, ado attardé, secrétaire, animateur radio, rabbin, étudiant, avocat, afin de refléter à la fois la société américaine, et notamment son rôle dans l’Histoire, mais aussi et surtout d’exploiter un terrain très cinématographique, en revisitant tous les genres, les récits, au point d’être régulièrement des échos à de nombreux films.