Archives pour la catégorie David Simon

We own this city – HBO – 2022

01. We own this city - HBO - 2022Les fantastiques années 10.

   8.0   Des séries estampillées David Simon, il y en a eu quelques-unes : parfois denses (The Wire, Treme) parfois brèves (Show me a hero, The deuce), différentes les unes des autres (ne serait-ce que dans leur encrage géographique : Baltimore, La Nouvelle-Orléans, Yonkers, New York) mais chaque fois elles sont très marquées par la personnalité « journalistique » de leur showrunner et (co)créateur.

     Cette fois, Simon revient aux sources – Rappelons qu’il a jadis travaillé au Baltimore Sun puis qu’il a écrit un ouvrage qui servira à l’élaboration de The Wire. Avec We own this city, il s’agit aussi bien de revenir à Baltimore et d’en tracer les contours socio-politiques de ces quinze dernières années (comme un prolongement de The Wire) que de partir d’un véritable fait divers, brulant et fondateur, à savoir la mort de Freddie Gray, tué par des policiers lors de son arrestation en Avril 2015 et les violentes émeutes qui suivirent.

     Nous n’en verrons pas d’images, mais ces six épisodes graviteront autour, avant comme après. L’évocation de son nom résonne partout. La série s’inspire là aussi d’un ouvrage, celui d’un autre journaliste du Baltimore Sun, Justin Fenton, qui publia La ville nous appartient. Le générique de We own this city annonce déjà brillamment le programme : des clichés en noir et blanc de Baltimore, entrecoupés de vidéos d’interventions policières, d’images de manifestations et vidéos de déclarations variées (que l’on retrouvera pour certaines au sein de la fiction) préparent l’aspect choral cher à Simon, l’enchâssement institutionnel et sa volonté de reconstitution.

     En relatant les prémisses, le procès mais aussi les actions délictueuses et criminelles de la « Gun Trace Task Force » (un groupe de police crée pour lutter contre la montée de la criminalité) la série sera au plus près de chacun d’eux, et en grande partie de son acteur principal, moteur de la corruption généralisée, le sergent Wayne Jenkins (Immense Jon Bernthal, qui m’avait pourtant toujours semblé mauvais acteur) qui multiplie perquises illégales, vols et extorsion en tout genre, en toute impunité avant l’enquête monstre qui le condamna lui (à 25 ans de taule) et nombreux de ses collègues complices.

     Mais évidemment, comme toujours dans les récits de Simon, il ne s’agit pas seulement de faire le portrait d’un homme, d’un groupe ou d’une brigade, mais bien celui d’une ville (sinon d’un pays) offrant un tableau dense et complexe (le premier épisode est vraiment pas évident à appréhender) : Une enquête de la police du comté de Harford croise alors celle de la division des droits civiques du Département de la Justice mais aussi nombreuses des interventions opérées par Jenkins et son équipe. Et à travers ces deux enquêtes qui s’enchâssent, se frôlent, ces personnages qui vont et viennent, la série fait finalement le portrait d’une ville à l’agonie, rouage d’une société malade qui érige sa machine judiciaire contre les populations les plus pauvres et donc en majorité noires. Sans parler de cette idée de corruption globale qui explosera dans cet épilogue d’une noirceur absolue.

     Et en suivant majoritairement ce sergent aussi beauf que purement fonctionnel, qui niera chacun de ces agissements jusqu’au bout, mais aussi ses collègues qui n’hésitent pas à le balancer avec une insolente désinvolture, la série fait aussi le portrait d’un déni de la violence provoqué par le pouvoir de l’insigne. Les regards de chacun lors de leur procès ne racontent rien de plus qu’une totale incompréhension : Ils se sentaient soit intouchables soit intouchables et tout à fait dans leur droit (Fascinante scène où Jenkins ne peut accepter qu’on le traite de flic pourri) comme si la ville leur appartenait.  

     Six épisodes, six heures, d’une limpidité, d’une intelligence et d’une puissance folle. Dans la lignée de The Wire, donc. Archi conseillé.

The Deuce – Saison 1 – HBO – 2017

09. The Deuce - Saison 1 - HBO - 2017Il était une fois la 42e rue.

   8.0   Qui mieux que David Simon, créateur de The Wire, pour écumer bars et trottoirs du New York de 1971, avec ses macs, ses putes, ses flics, ses barmans, ses mafieux, ses truands, sa communauté gay dans une ambiance poudrée à l’aube de l’explosion de l’industrie pornographique ? On est en terrain connu : The Deuce c’est The Wire sans Baltimore, avec les années 70 : ça transpire à la fois le fantasme et la fange, le fric, la coke et le sperme. Franchement on s’y croit. Autant Mindhunter (qui l’emportait sur un autre tableau) laissait à désirer sur ce point, autant la reconstitution de The Deuce est stupéfiante. C’est simple, on a l’impression de voyager huit heures dans un Lumet ou un Friedkin, dans Serpico ou French connection. Mais à l’échelle d’une rue. En effet, The Deuce c’est le surnom de la 42e rue de Manhattan, dans laquelle se déroule l’intégralité du récit ou presque. Deuce c’est aussi le diable. Et le double. Que James Franco incarne deux frères jumeaux crée une passerelle shakespearienne imposante (Le sage vs l’insolent) mais c’est en réalité chaque personnage qui se voit affublé d’un double, à commencer par Candy (Magnifique Maggie Gyllenhall), prostituée indépendante (Contrairement à ses « collègues » elle travaille sans proxénète)  la nuit et mère de famille le jour. En fait, c’est la marque David Simon que de creuser chacun de ses personnages jusqu’à son essence et ses contradictions, à l’image de Chris, bon flic dans une mare de ripoux ; à l’image de Sandra, qui squatte bars et trottoirs afin d’écrire un bouquin ; à l’image de Darlene qui dit rêver repartir dans sa campagne mais ne se donne pas les moyens de le faire, n’accepte même pas l’offre que lui fera Abi (La belle Margarita Levieva) personnage à part dans ce paysage, héritière du Summer of love, issue d’un milieu aisé, elle plaque vite sa vie estudiantine pour une place dans le bar de Vince, lequel se voit observé par les mafieux à qui son frère, joueur endetté, doit de la thune. Même les plus pourris d’entre eux, à l’image de C.C., proxénète menaçant et violent, Simon lui offre un vrai personnage, tourmenté, pathétique. Même ceux qu’on aurait à peine esquissé ailleurs, comme le réalisateur de films porno qui prend Candy sous son aile : Il est magnifique ce personnage, d’une intelligence, et d’une bonté, dans la mesure du possible, évidemment : Il galère comme beaucoup d’autres, fait ses petits pornos qui se vendent sous le manteau dans les vidéos clubs. Il n’y a d’abord pas le porno durant les premiers épisodes : C’est Darlene qui le fait entrer dans le récit malgré elle, puisqu’un type l’a filmée et a vendu sa sextape. Et c’est Candy qui va nous y emmener, nous y plonger. Quant au choix de James Franco, revenons-y car c’était casse-gueule : sans doute est-il un peu trop dans l’emphase pour ce (double) rôle, pourtant il s’avère payant puisque à camper ces deux frères opposés, chacun très grimaçant dans son registre de grimace, Franco leur permet d’exister pleinement dans leur extravagance propre. On les distingue très bien, en tout cas. Bref, ce n’est pas une surprise, The Deuce, saison 1 est une grande réussite anti-glamour, qui glisse d’un personnage à un autre avec une limpidité confondante et c’est d’ores et déjà une grande série nocturne sur la vie déglinguée d’une rue, avant la législation du X.

Sur écoute (The Wire) – Saison 4 – HBO – 2006

32Les corps derrière les portes.

   9.5   Avec les départs de Stringer Bell & Avon Barksdale (qui auront permis à The Wire d’embrasser la grande tragédie) il y avait à craindre à la fois d’éprouver un manque mais aussi que cette nouvelle saison change de braquet comme durant la saison 2. Les deux caïds faisaient à peine parti de cette saison, souviens-toi. Il fallait que The Wire poursuive sur son incroyable lancée, mais comment après un final aussi ahurissant que celui de la saison 3, qui avait tout pour fermer la série, ou presque, pouvait-elle retrouver sa grâce tout en proposant forcément autre chose – Qui aurait à voir avec Marlo Stenfield ?

     Il fallait mettre en avant une autre strate tout en préservant le terreau. Quoi de mieux que l’univers scolaire et son corollaire évident, le monde des enfants, tant The Wire s’est évertuée à en faire les rouages de la ville, souvent minuscules certes, mais essentiels, aussi bien côté flics (Ceux de McNulty, le bébé de Kima…) que côté cité, avec ces bébés auxquels souvent on arrache le père (D’Angelo) ou ces ados qui trop tôt entrent dans la guerre (Le gamin liquidé en saison 1) ou encore ceux comme les jeunes boxeurs, qui font tout pour s’en sortir autrement qu’en dealant.

     Afin de parfaire la transition, un personnage devait faire office de liaison corporelle. Ce sera Prez, ce détective acharné de l’ordinateur très important dans le fonctionnement de l’équipe secrète (Celle de Cédric Daniels), mis au rebus quelques mois plus tôt pour bavure (Haut fait de la saison 3) qui deviendra prof de maths dans un collège de Baltimore. Et Prez, donc, qui avait tout pour disparaitre du show, qu’on balançait dans le circuit de l’éducation comme pour s’en débarrasser (Pour le récit comme pour la série) va devenir son personnage central, la vraie pierre angulaire du récit. Epaulé par deux autres, qui étaient déjà très importants dans le système de la saison 3 : Colvin & Cutty. Oui, le major à l’idée d’Hamsterdam et l’ancien taulard devenu boxeur. Eux deux aussi deviendront chacun à leur manière des éléments du système éducatif. Une belle affaire de triple recyclage, en somme.

     Ce qu’on a donc perdu en démêlés juridico-politiques, on le gagne en approches du système éducatif, ainsi qu’en plongées familiales puisque si cette quatrième saison fait la part belle aux élèves, c’est aussi un beau portrait multiple des gosses de la ville, ceux des anciennes tours, donc des familles. La saison se focalise sur quatre d’entre ces gosses, tout particulièrement. Qui se connaissent ou se croisent. Qui peuvent très bien vite basculer du côté bag guy voire du côté cadavre disparu, même si pour ces quatre-là, les capteurs de sensibilité semblent plus prometteurs que pour d’autres – Le parallèle avec le garçon que Bubbs prend sous son aile est terrible, tant sa finalité (aussi brutale qu’absurde, d’ailleurs) nous apparait aussi inéluctable, que la descente aux enfers de son père de fortune qu’elle engrange. Ça et le destin de Bodie, évidemment, personnage qui aura traversé ces quatre saisons en fantôme.

     Mais le grand gourou de cette saison, celui qui a pris autant de Bell que de Barksdale, tout en se développant plus intelligemment, c’est Marlo. Et si Omar continue de lui jouer des mauvais tours (la séquence du poker, magnifique) il reste le gars calme, qui donne les ordres – Et distribue du fric aux gosses du quartier pour qu’ils lui ramènent des informations, pour qu’ils le respectent, essentiellement. Des ordres qu’on ne l’entend quasi jamais donner. La pure raclure, sans scrupule, mais qui n’en prend jamais l’apparence. Le criminel auquel la criminelle de Baltimore n’arrive à attribuer aucun crime, tout en sachant pertinemment qu’il est Le criminel.

     Cette histoire de corps gênants, cachés derrière les portes de maisons abandonnés, relève pleinement de son initiative. On ne le voit jamais à l’œuvre mais chacune de ses apparitions filent autant de frissons que celles de Snoop & Chris (Ses bras droits nettoyeurs) et les nombreuses exécutions qui font leur job. Ils sont les marqueurs d’une saison plus sombre encore que les précédentes. La première séquence interminable de l’achat du pistolet à clou dans un magasin de bricolage annonçait la couleur.

     Disparitions par dizaine qui deviennent vite la priorité de notre petite famille sur écoute – très dispersée au départ, mais que l’on va finir par retrouver – qui doivent aussi composer avec les désirs des grands bonnets politicards, comme d’habitude. Car la série va encore davantage creuser le cas Tommy Carcetti, nouveau maire, nouvelle cible et véritable arriviste fragile monté sur un siège éjectable. Une saison sombre dans chacune de ses institutions. Qui brille par ce déluge d’impasses et de violences en tout genre. Parvenir à terminer la saison sur une note d’espoir, même mince, relevait du défi.

     Bon et puisque j’en ai pas parlé précédemment, j’aimerais juste dire deux mots sur le générique, que je trouve très beau, d’une part dans la minutie de son montage, fait de gestes, objets, actions que dans son élégant choix musical qui reprend le morceau Way down in the hole, écrit par Tom Waits, dans un enregistrement différent, pour chacune des cinq saisons. C’est ce qu’on appelle La classe américaine.

     Découvert tardivement cette merveille qui peut aisément prétendre au titre de meilleure saison de série tv de tous les temps. Magnifique.

Sur écoute (The Wire) – Saison 3 – HBO – 2004

14890358_10154101660922106_8180726246062779831_oAu-delà des règles.

   9.0   J’ai mis le temps avant de me décider à poursuivre (Presque un an) c’est qu’à mon avis j’ai reçu la saison précédente comme électron presque libre, certes dans la continuité de la première mais sans véritable appel à être succédée. C’était une parenthèse Docks et famille Sobotka, parasitée par quelques séquences quartiers et prisons qu’avec le recul je trouve un peu foutraque dans son ensemble. En fait, la vraie suite de la saison Une c’est la Trois. Puisqu’on y retrouve notre équipe sur écoute dans le West Side ainsi que le duo Stringer Bell (plus businessman que jamais) & Avon Barksdale (qui sort de taule), les guerres de territoires, les aléas de la rue, les luttes entre polices. Plus encore qu’avant, la série est tentaculaire à souhait, ouvre des parcelles d’enquêtes superposées à d’autres (L’interférence de l’arme d’officier que Bunk doit retrouver, l’inutile travail de fond de Jimmy pour débusquer les dessous du suicide/assassinat de D’Angelo Barksdale, vu dans la saison précédente), approfondit les hiérarchies et l’histoire des corners (Avec Marlo, Omar, Cutty essentiellement), se penche sur de grands personnages en apparence secondaires : Tommy Carcetti, l’outsider politique (Qu’on pourrait rapprocher de Nick Wasicsko dans la dernière création série de David Simon, Show me a hero) ainsi que le Major Colvin, qui tente son va-tout juste avant la retraite et Cutty, l’ancien homme de main de Barksdale partagé entre le retour dans le milieu et sa réinsertion. Tous trois sont plus que de simples sidekicks. Surtout, cette saison devient brillamment politique (Dans sa bataille pour le leadership municipal, les interactions entre institutions, la création du quartier secret Hamsterdam, véritable junkie town pour contrer la hausse du crime). Saison hors norme donc,  pleine comme un œuf, avec des montées inoubliables autant qu’elles sont discrètes. Parmi d’autres : La scène de la terrasse entre Avon & Bell, les deux enfants du ghetto plongés en pleine impasse tragique du fait de leur opposition dans leur vision du gangstérisme ; Avec, forcément, ce qui suit dans l’immeuble en construction. Marqué aussi par l’épisode qui s’ouvre sur la bavure de Prez, la discussion entre Burk et Omar. Le duo Kima / McNulty. Le duo en friche Bubbs / Weeks. Avec cette saison The Wire gagne en amplitude et en complexité. Et The Wire, plus c’est dense et complexe plus c’est passionnant. L’ouverture sur la destruction des tours de Baltimore Ouest annonçait déjà tout : Les lieux sont les mêmes mais tout va changer. Bref, une saison 3 comme la saison 1, mais qui ne lui ressemble finalement pas tant que ça. Chef d’œuvre absolu.

Show Me A Hero – mini-série – HBO – 2015

01.-show-me-a-hero-hbo-2015-1024x576And I’ll write you a tragedy.

   9.0   Il y a parfois des œuvres qui s’imposent instantanément, qui révèlent une telle richesse, pertinence, virtuosité, qu’on en sort changé.

     Nouvelle création de David Simon, intégralement mise en scène par Paul Haggis, Show me a hero, inspirée de faits réels, est une série hors norme, six épisodes ou trois blocs de deux heures d’une densité incroyable, ancrée dans la ville de Yonkers, Etat de New York, s’intéressant à la politique municipale lors de la création d’habitations à loyer modéré à la fin des années 80.

     La série fait surtout le portrait d’un homme (Nick Wasicsko, interprété par l’excellent Oscar Isaac) et de quatre femmes. Sept années mouvementées du futur maire élu puis bientôt sortant avant qu’il ne devienne simple conseiller et sombre dans la frustration et l’oubli. Ainsi donc que celui de plusieurs familles pauvres des cités environnantes, qui vont pour certain avoir accès à des murs neufs dans des quartiers plus sécurisés ; Ainsi qu’une femme de classe aisée vivant dans ces mêmes quartiers qui vit deux batailles soit d’abord contre cette construction future qui, comme beaucoup de ces voisins, y voit une chute de leur niveau de vie, montée de violence et baisse de leur bien immobilier avant qu’elle ne plonge corps et âme dans le partage et la compréhension d’une chance offerte aux plus démunis. Pour ce personnage (interprété par la géniale Catherine Keener) la série vaut déjà largement qu’on s’y penche.

     Manifestations diverses, assemblée de vote, conseils municipaux et rencontres politiques en tout genre, la série s’engouffre dans un matériau riche, fouillé, passionnant et fourmille d’idées et possibilités sans jamais tomber dans le démonstratif. C’est un The Wire plus ramassé, plus intime (au sens où s’il met en scène de nombreux personnages, il se penche minutieusement sur peu d’entre eux) mais tout aussi riche et passionnant dans ce qu’il aborde de l’échec du système politique et social américain, des inégalités qu’il engendre, les tensions qu’il nourrit, la peur qu’il installe. Le format et l’amplitude du récit convoque pêle-mêle les Carlos, Mildred Pierce, JFK, Erin Brockovich. Rien que ça.

     Fort d’être un édifiant portrait d’une période américaine, puisque c’est aussi l’adaptation du livre de Lisa Belkin, Show me a hero impressionne surtout dans sa confrontation avec les problématiques modernes. Il y a en effet beaucoup d’aujourd’hui dans ce conte d’hier. Beaucoup de chez nous dans cette histoire outre-Atlantique. Ne serait-ce que dans cette affaire de création de logements. Aparté personnel : Il se trouve que notre immeuble affronte aussi cette réforme, puisque beaucoup de gens distribuent des tracts, frappent aux portes, affichent leur mécontentements sur des banderoles, pour ne pas que l’on construise un « foyer » sur le terrain vague d’en face. Je pense que la série m’a beaucoup parlé aussi pour ça : sa façon d’évoquer frontalement cet embourgeoisement urbain, la haine du pauvre, le racisme ou  tout simplement ce refus de l’autre sous prétexte qu’il ferait baisser la valeur de nos biens. Hier et Aujourd’hui, ici et là-bas, même combat.

     Ces six heures brassent surtout énormément de l’absurdité politique en nous conviant à suivre le personnage de Nick, petit arriviste et fier d’arborer le blason de plus jeune maire des Etats-unis, qui coiffe d’abord le maire sortant en s’opposant à la mise en place des « Projects » avant qu’il ne soit plus tard dans l’obligation, pour s’en sortir et pour ne pas se faire démolir par la législation, de les défendre voire de s’allier à d’anciens adversaires ou de se présenter contre son propre parti.

     Il y a bien entendu des choses qui auraient pu être condensées, d’autres moins explicitées. Mais bon, me lançant dans un récit de politique du logement, j’avais quelques craintes. Surtout lors d’un premier épisode assez ingrat (autant que pouvait l’être le premier de The Wire) dans sa peinture foisonnante et excessive. Puis plus aucun doute après la première heure. Ça pouvait durer deux fois plus longtemps, j’y étais installé, bien. C’est tellement fort, tellement dense et précis, hyper ancré géographiquement, avec un cast ahurissant, des instants de grâce, des personnages fascinants, une sensibilité inouïe que toutes les réserves s’amenuisent jusqu’à disparaitre. D’autant que la série n’hésite pas à user d’ellipses ni à simplifier la moindre situation avec un œil avisé, lucide sur la reconstitution historique et une mélancolie quasi permanente renforcée par de très beaux choix musicaux – Bruce Springsteen, essentiellement.

     Précision, qui n’est pas non plus le scoop de l’année : J’ai beaucoup pleuré. Sérieusement j’ai fini dans un état indescriptible. Et puis c’est la première fois qu’Oscar Isaac me fait une aussi forte impression. Et puis il y a Carla Quevedo, aussi. Surtout. Ravi aussi de revoir Alfred Molina, qui campe avec brio une ordure modéré, politicard en pantoufle. Ravi de retrouver Clarke Peters, qui jouait Lester Freamon dans The Wire. Et puis parce que David Simon, évidemment. Showrunner de première classe.

     Bref, il faut s’y ruer illico. C’est un monument. Un manifeste politique et fin observateur des rapports sociaux en milieu urbain, sur la question de la mixité sociale. Humain malgré la violence qu’il charrie qui n’est autre que celle du réel. Six heures pleines, lucides, cruelles, bouleversantes.

Sur écoute (The Wire) – Saisons 1 & 2 – HBO – 2002/2003

11041159_10152826701312106_3589120998240051044_n Corners & docks.

   8.5   Pour faire les choses bien il faudrait s’attarder longuement, écrire des pages et des pages, la série le mérite. Je m’y collerai peut-être une fois que j’aurai tout vu, on verra. The Wire atteint avec cette deuxième saison une dimension telle que j’en suis à me demander jusqu’où elle va encore m’embarquer à l’image de ce qu’elle fait de Baltimore. C’était surtout la cité dans la première saison, ici on est beaucoup chez les dockers. Mais en fait, on est partout en même temps. Du conteneur de marchandises aux plus grandes chambres politiques, de la prison du comté aux brigades spécialisées. L’envergure du récit est dingue. J’en suis accroc. Et puis c’est constamment génial ça frise l’insolence. Le dernier épisode est un monument à lui seul. Il ne ferme rien, ouvre tout. Je n’ai qu’une envie c’est de continuer sur ma lancée mais je me force à faire une pause, je reprendrais début 2016, afin en attendant, de rattraper mon retard dans les dernières sorties séries.


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