Publié 5 novembre 2018
dans Denys de La Patellière
Convoi de soldats.
5.5 Autant l’écriture d’Audiard sonnait juste dans le très beau Rue des prairies, du même Denys de la Patellière, réalisé deux ans avant Un taxi pour Tobrouk, autant ici ça passe encore mais on est souvent à deux doigts que ça casse. De ce récit à quatre personnages on obtient surtout quatre bavards, chacun dans son style, certes, mais occasionnant un trop-plein dans le verbe. C’est pas mal, malgré tout, parce que les personnages ont de l’étoffe et les acteurs les incarnent avec une certaine retenue, au point qu’on ne voit pas Lino Ventura, Charles Aznavour et les autres, mais bien cinq protagonistes, quatre français, un allemand, paumés dans le désert de Lybie. Si la fin est plutôt émouvante, c’est qu’on s’est attaché à ce petit commando de rescapés, qu’on aura voulu les voir tous survivre, ensemble, après les avoir vu progressivement oublier leurs adversités. Il aurait fallu à De la Patellière une croyance totale dans sa réalisation digne de celle de Clouzot quand il écume les routes escarpés dans Le salaire de la peur ou Verneuil quand il s’aventure dans le désert marocain dans Cent mille dollars au soleil, afin de clairsemer davantage la partie dialoguée. Mais c’est pas mal.
Publié 4 avril 2017
dans Denys de La Patellière
La question du père.
6.5 L’histoire est celle de Pierre Neveux, un ouvrier de Paris et ses enfants, avec qui l’entente va se désagréger sur des différents d’ambition : Le grand (Claude Brasseur) est champion de cyclisme sur piste. La sœur pose pour devenir cover-girl. Le cadet collectionne les bastons de petite frappe au lycée. Et le père, Gabin (Encore un rôle qui lui sied parfaitement) passe son temps à les sermonner ou jalouser leurs libertés. Le film s’ouvre en 42 quand le père revient d’Allemagne où il fut emprisonné deux années durant, alors qu’il retrouve son foyer amputé par le décès en couche de sa femme qui a hérité d’un enfant (Le troisième, donc : Fernand) d’une liaison adultère.
Dommage qu’il y ait cette construction trop mécanique et illustrative notamment via ce plan de Paris sur la Tour Eiffel qui revient pas moins de dix fois et qui se fait chaque fois de plus en plus sombre, comme pour accompagner/préparer le récit à venir qui noircit progressivement le tableau familial. Ou bien de ces fondus au noir récurrents, précédés par des répliques cinglantes, dont Audiard a le secret. Son écriture crée par ailleurs une vraie dynamique, tout en brisant comme chaque fois l’élan naturaliste car beaucoup trop lourde dans ses intentions – Qu’il s’agisse de rire ou dramatiser, il y a tout de même un curieux déséquilibre entre l’aspect chronique (Denys de la Patellière filme beaucoup les extérieurs, Paris évidemment, mais aussi le chantier des Sablons à Sarcelles, la plage de l’Isle-Adam) et le verbe théâtral.
Après, moi, tu me donnes un récit de famille esquintée par un climat de non-dits, de secrets inavouables, avec des gosses qui se heurtent à leur père car ils voudraient mieux réussir que lui, ça peut être hyper maladroit dans la forme ça me parlera toujours, surtout quand on s’achemine de façon utopique sur une note aussi douce, sur les retrouvailles entre un père et son fils qui auront enfin compris, devant le tribunal pour mineurs (Le garçon est jugé pour une rixe et une fugue) qu’ils sont bien père et fils de l’un/de l’autre, liens du sang ou pas. J’en profite pour citer les mots de Fernand « Je sais depuis des années que je suis pas son fils, mais depuis que le connais je sais qu’il est mon père, parce que c’est lui qui m’a mis de la soupe dans mon assiette et des godasses aux pieds ». On reconnait bien le verbe d’Audiard, là, pour le meilleur. À part ça, je suis tombé amoureux de la sublime Marie-Josée Nat, surtout de son étourdissante voix cassée.