Charbon amer.
5.5 Film très étrange que ce Black coal, plastiquement remarquable, entre l’univers neigeux d’une ville fantôme et l’ambiance néons de bars et façades, quelque part entre du David Fincher et du Nicolas Winding Refn. C’est dans sa narration, décousue et pourtant pleine d’échos dans la moindre de ses ramifications que le film s’avère le plus stimulant, ne cherchant aucunement à se déployer dans une zone de confort trop souvent empruntée dans ce genre qu’est le film noir.
Il y a des idées de mise en scène foisonnantes et multiples, à l’image du plan-séquence du tunnel et de l’ellipse qu’elle charrie. Il y a ce plan fixe de fusillade dans un salon de coiffure. Une danse de patins sous éclairages jaunes accompagnée par Le beau Danube bleu. Une baise dans la cage d’une grande roue : Et la grande roue c’est forcément Le troisième homme, de Carol Reed, le film noir par excellence. Sauf que l’auteur chinois ne se contente pas de le citer, il va y ajouter les stridences métalliques de l’appareil pour finalement davantage convoquer le Crash, de Cronenberg.
Black coal est souvent très troublant, plus qu’il ne fascine en fin de compte. Mais il y a une volonté de briser les codes, dans le rythme même qu’il impose, dans sa volonté d’enchevêtrer les atmosphères, dans sa façon de ne pas s’enorgueillir dans la citation ou la pose, qui en fait plus qu’une simple curiosité : C’est un film noir aux allures de film de zombies, dans une Chine qui respire le chaos. Une Chine désespérée, sans repères, au point qu’elle semble agir sur la forme même du métrage, qui se vrille, explose et s’en va dans un feu d’artifice en plein jour.
Au final, c’est plutôt une tarantinade sans aucune logique et avare dans son pouvoir de jubilation. Les scènes ne s’installent jamais suffisamment. Les personnages sont très difficiles à identifier. Et la forme pleine de contrastes brise tout élan d’envoûtement. Au début, on espère que ça ira vers le Memories of murder, de Bong Joon-Ho ou le The strangers, de Na Hong-Jin, pour rester dans l’Asie. Au final, c’est tout aussi imposant et antipathique que le Touch of Sin, de Jia Zhang-Ke. Mais ça en impose quand même.