Un homme dans l’espace-clone.
7.0 Le premier film de Duncan Jones, qui depuis Source Code s’est enlisé dans la merde, est resté le cas isolé qu’il était déjà il y a dix ans, un film de SF, de lune, de clonage, huis clos fauché comme les blés, qui ne ressemble en rien à ce qu’on connait. Si le film accuse un peu le coup dans l’image, trop fausse, trop métallique, mes craintes vis-à-vis de Sam Rockwell (qui depuis est devenu l’acteur incontournable, le cabotin en quête de statuettes) se sont envolés tant il est pleinement investi dans ce drôle de rôle qui vite se dédouble. Toute la subtilité du film se joue dans la dualité de son personnage mourant, apathique, confronté à son double, énergique et impulsif, de trois ans son cadet. Cette idée fonctionne encore très bien. Il s’agit donc de l’histoire d’un type cloitré sur le sol lunaire, pour des missions diverses (là-dessus le film reste assez opaque, dans la mesure où tout se déroule selon le point de vue de Sam, mais on comprend qu’il est assigné à la surveillance de manière générale) mais cloné à l’infini, avec une espérance de vie de trois années – Tandis qu’on lui fait croire qu’il s’agit de la durée de son contrat avant son retour sur terre. Il ne sait donc pas qu’il est cloné. Il ne sait donc pas qu’il est le sixième de sa lignée. Et il ne sait donc pas qu’il ne repartira jamais sur terre, qu’il est voué à s’éteindre comme n’importe quel robot quand les batteries sont mortes. On pense forcément aux missions périodiques dans la station spatiale internationale dans laquelle les astronautes se relaient tous les six mois. On y songe et le film nous plonge dans l’envers de cette conscience, soit dès l’instant que Sam se rend compte de la supercherie. Le vertige est là : Le présent de Sam n’existe pas, n’existe plus tout du moins. Il a quinze ans de retard. Ça débouche plus loin sur la plus belle idée du film, même si ça fait Interstellar du pauvre dorénavant : Sam est confronté à l’image de sa propre fille, qui a maintenant quinze ans de plus que dans ses souvenirs implantés. Et il apprend du même coup que sa femme est décédée depuis longtemps, et que le Sam originel est chez lui, tranquilou, sur Terre. On sent que le film capitalise (efficacement) sur ces deux/trois trouées d’une intensité assez folle, ou bien sur d’autres très belles idées (le personnage de l’ordinateur polyvalent, affublé d’un smiley d’humeur, qui va aider Sam dans sa révolution (en opposition à l’œil fixe rouge du besogneux HAL dans 2001, maintes fois cité dans Moon) ainsi que ces moissonneuses ou la cave des clones) mais que l’auteur aux manettes est un yes man en devenir. Facile de dire ça aujourd’hui, j’admets, mais en revoyant Moon (et je suis persuadé que c’est pareil pour Source code, qui déjà est parcouru d’idées beaucoup plus lourdes) c’est assez flagrant, malheureusement. D’ailleurs, l’introduction et la conclusion, franchement nases et franchement pas dans le tempo du reste du film, vont dans ce sens.