Archives pour la catégorie Emmanuel Mouret

Laissons Lucie faire ! – Emmanuel Mouret – 2000

33. Laissons Lucie faire ! - Emmanuel Mouret - 2000Plus frêle la vie.

   4.5   Lucie vend des maillots de bain sur la plage. Lucien, son compagnon, qui devait au préalable être gendarme a choisi lui de « profiter de la vie » c’est du moins ce qu’il raconte en guise de couverture puisqu’il se retrouve agent secret sous le nom de code IlFaitBeau. Il faut évidemment s’imaginer Mouret à la barre d’un projet aussi farfelu, léger, pur vaudeville, solaire, complètement sans conséquences. On reconnaîtra davantage l’influence de Rohmer dans son très beau film suivant (Vénus et Fleur) même si l’on peut déjà ici entrevoir les restes de Conte de printemps ou L’ami de mon amie. Les personnages et situations sont tout de même très niais et traités par-dessus la jambe. Premier long métrage de Mouret (le seul qui me manquait), on sent qu’il se cherche. Il se trouvera bientôt. Heureusement, il y a Marie Gillain, qui illumine chaque scène (dans lesquelles elle apparaît) d’un film, à mon humble avis, aussi paresseux narrativement que visuellement.

Chronique d’une liaison passagère – Emmanuel Mouret – 2022

25. Chronique d'une liaison passagère - Emmanuel Mouret - 2022Rendez-vous.

   7.0   Tout est dit dans le titre à savoir qu’on ne verra de ces deux personnages, ce quadra marié (Vincent Macaigne) et cette quinqua célibataire (Sandrine Kiberlain), que ce qui touche à leur liaison, les dates de leurs rencards et les différents lieux qu’ils arpentent. C’est tout. Il y a des ellipses plus ou moins conséquentes, des rendez-vous dérobés plus ou moins étirés, aucune autre règle sinon celle de suivre Charlotte & Simon, uniquement quand ils se voient.

     Un peu comme si Chronique d’une liaison passagère était le pendant léger et inversé de Nous ne vieillirons pas ensemble, qui était plutôt la chronique d’une désynchronisation conjugale. La comparaison s’arrête évidemment là, et si l’on doit rattacher le film d’Emmanuel Mouret à un cinéma ce serait peut-être celui de Woody Allen (renforcé par la séquence bergmanienne à l’Escuriale) et encore je n’en suis pas si convaincu.

     Ce procédé narratif est d’autant plus probant ici qu’il génère la sensation que le film parle de la conception des films de son auteur, qui n’aura eu de cesse de répéter ses récits et motifs, de films en films, en changeant quelques notes, montant ou descendant d’un ton. Chacun aura ses préférences, mais la quasi-entièreté de sa jeune filmographie s’avère plutôt cohérente, c’est sans doute pour cette raison qu’il a maladroitement tendance à être rapproché de Rohmer.

     Comme toujours chez Mouret, les mots sont rois, la légèreté côtoie la gravité, le cadre est d’une précision d’orfèvre mais jamais il avait été si précis dans ses plans et leur durée. C’est vraiment sublime de bout en bout. Souvent drôle bien sûr, avant que ça ne devienne très touchant. J’adorais déjà les premiers Mouret puis il m’avait un peu perdu, mais là il signe à mes yeux ses deux plus beaux films coup sur coup, après Les choses qu’on dit les choses qu’on fait. Deux films très différents par ailleurs, puisque l’épure de l’un répond au dispositif choral de l’autre.

     Pour que le film fonctionne, et il fonctionne, surprend, par sa drôlerie et sa mélancolie, il faut aussi deux acteurs en état de grâce. On retrouve le Vincent Macaigne, qu’on adore depuis Un monde sans femmes & La fille du 14 juillet, depuis dix ans donc, mais un petit mot sur Sandrine Kiberlain, qui est toujours très bien, mais c’est la première fois qu’elle est si lumineuse, resplendissante, habitée, une vraie révélation sous la caméra de Mouret avec qui elle tourne pour la première fois.

Vénus et Fleur – Emmanuel Mouret – 2004

12. Vénus et Fleur - Emmanuel Mouret - 2004L’amour existe.

   7.0   C’est le film de Mouret qui semble le plus sous influence rohmerienne. Les personnages de Vénus et Fleur peuvent d’ailleurs être vus comme des déclinaisons de Reinette et Mirabelle. Le choix des prénoms est symbolique : Vénus aime cueillir quand Fleur préfère être cueillie, pour reprendre une phrase de Vénus dans le film. Symbolique des prénoms qui ne s’en tient pas là puisqu’elles rencontreront deux garçons, Dieu et Bonheur. Pourtant le film est absolument vivant, solaire, joyeux, se déroulant dans un Marseille étonnant, sauvage, qui ne ressemble ni à celui de Pagnol ni à celui de Guediguian. Et si Vénus dévore chaque scène, par son impétuosité, sa volonté de vivre au présent, ses origines russes, son désir de rencontrer des mecs, c’est parce qu’elle transmet tout cela ouvertement, en joue tellement qu’elle procure de la gêne, pour nous spectateurs autant que pour Fleur, qui s’en trouve absorbée alors qu’elle n’est pas moins dans cette quête de l’amour. Et Mouret réussit quelque chose de très beau le temps de deux scènes magnifiques : Fleur soudain existe tellement que son visage est changé. Il y a cette scène au coin du feu où son sourire est tel qu’on ne la reconnaît pas. Il y a cette dernière scène où son désir est si puissant qu’on la sent respirer enfin. Deux scènes sans Vénus, évidemment, qui la fascinait autant qu’elle l’empêchait d’exister. Vénus et Fleur est un superbe conte d’été, dans lequel Mouret joue encore peu avec les mots mais semble très à l’aise avec les corps.

Mademoiselle de Joncquières – Emmanuel Mouret – 2018

23. Mademoiselle de Joncquières - Emmanuel Mouret - 2018Déliaison dangereuse.

   5.5   L’une des choses les plus stimulantes dans le dernier film d’Emmanuel Mouret c’est le caractère ludique et d’abord décalé qu’il entretient avec son titre. Il faut du temps pour que ce titre s’incarne, que cette demoiselle en question entre dans le récit. Mais elle ne tombe pas comme un cheveu sur la soupe non plus, elle apparait dans un dialogue au tout début du film, un récit raconté par Mademoiselle de La Pommeraye (Cécile de France) à Lucienne (Laura Calamy) son amie. On se dit que ce personnage pourrait ne rester qu’une simple figure tutélaire, métaphorique mais Mouret fera finalement d’elle un vecteur actif, comme l’était Agnès dans Les dames du bois de Boulogne, de Bresson, qui s’inspire aussi d’un épisode de Jacques Le Fataliste, de Diderot.

     Il faut pourtant attendre la moitié du film pour voir entrer Alice Isaaz mais dès qu’elle y entre ça change tout, le film s’en trouve redynamiser voire trouve sa raison d’exister. Il semble enfin trouver son vrai centre de gravité, sa douce cruauté, sa tendre mélancolie. Auparavant ce jeu de marivaudage s’étend pour rien, ennui plus qu’autre chose. Certes, Mouret a l’audace de lancer son récit bien plus en amont que ne le faisait Bresson, qui lui démarrait au moment de la séparation entre Hélène et Jean, mais ce petit jeu des attirances, de conquête et domination, entre La Pommeraye et le marquis des Arcis (Edouard Baer) plombe le film d’entrée, à mon avis, par sa longueur. Une bonne demie heure avant que le récit subisse une imposante ellipse, qui masque leur éloignement puis par la fomentation de la petite vengeance délicate et obstinée de La Pommeraye.

     C’est probablement ce qui me dérange dans cette première partie, ces deux personnages sont pour moi tout à fait détestables, l’un dans son libertinage revendiqué, l’autre dans sa vengeance amoureuse maladive, je n’ai que faire de leurs tourments de cœur uniquement guidés pour servir leurs petites instances égotistes. Et puis c’est un détail important, j’ai du mal avec ces deux acteurs. Et aussi bien quand ils font ce qu’ils savent faire que lorsqu’ils insèrent un petit décalage dans leur jeu, soit tout ce qui se déroule ici, d’abord dans leurs badinages, ensuite dans ce jeu de manipulation qui convoque les strates du thriller. Je comprends que l’on puisse adorer ça, moi ça me tient terriblement à distance, je ne vois que la fabrication, la complicité entre Cécile de France et Edouard Baer et non celle entre La Pommeraye et le marquis des Arcis.

     Or c’est justement quand le film se rapproche des promesses de son titre, quand il oriente le récit autour de Mademoiselle de Joncquières, qu’il s’avère assez beau, qu’il retrouve les couleurs des grandes réussites de Mouret. Le dernier quart est très beau, je trouve. Il faut par ailleurs noter que c’est un superbe film du seul point de vue de la mise en scène, aussi bien en intérieur qu’en extérieur, il y a une douceur et une alchimie d’un plan à l’autre, incroyable de voir Mouret aussi à l’aise avec cet univers nouveau de film en costumes, lui qui nous avait habitué à des décors plus contemporains. Ravi surtout de le voir retrouver une certaine grâce, après son excursion ratée dans le mélodrame (Une autre vie, avec Joey Starr) même s’il avait depuis retrouvé de jolies couleurs avec Caprice. Mais ça reste une réussite partielle à mes yeux, j’attends davantage du réalisateur de L’art d’aimer, d’Un baiser s’il vous plait.

Caprice – Emmanuel Mouret – 2015

Caprice - Emmanuel Mouret - 2015 dans Emmanuel MouretÀ quatre on y va.

   6.0   Après la déception ou n’ayons pas peur des mots, l’infiniment mauvais Une autre vie, je craignais que le cinéma raffiné et inventif de Mouret se soit définitivement empâté mais non, Caprice, s’il n’atteint certes pas le charme éloquent d’Un baiser s’il vous plait, renoue avec ses plus belles réussites. La merveilleuse Anaïs Demoustier (déjà non moins superbe dans le dernier Bonnell) remplace Frédérique Bel avec classe et malice. L’écriture de Mouret est fine, généreuse, élégante, pleine d’humour. Bref ça fait plaisir et ça prouve que Mouret n’a rien perdu de sa superbe.

Une autre vie – Emmanuel Mouret – 2014

19. Une autre vie - Emmanuel Mouret - 2014Tentative laborieuse.

   3.5   J’aime beaucoup le cinéma de Mouret. Enfin disons que je l’aime autant que celui de Guédiguian, ce n’est pas essentiel mais ça me parle suffisamment pour m’intéresser à chaque nouvel opus. Malheureusement, pour l’un comme pour l’autre 2014 n’est pas un bon cru. Pourtant, un film qui caste Jasmine Trinca et Virginie Ledoyen avait toutes ses chances de me plaire. Le problème c’est qu’on ne retrouve pas les qualités du cinéma de Mouret, son burlesque élégant, sa fine logorrhée. Il s’essaie ici au pur mélodrame mais ça ne prend presque jamais, la faute à des enchaînements d’une platitude sans nom et une mise en scène figée.

L’art d’aimer – Emmanuel Mouret – 2011

l-art-d-aimer-l-art-d-aimer-the-art-of-love-23-11-2011-8-gLa traversée de Paris.

   7.0   Six petites histoires (en rapport avec la séduction) pas vraiment liées, c’est la première fois que Emmanuel Mouret, qui se contente habituellement d’un marivaudage central tout en l’extrapolant ensuite, se concentre sur plusieurs récits, plusieurs personnages. A éviter, il y a aussi bien le piège du film choral que l’affiche Klapischienne et le rassemblement de stars laissaient craindre, ou bien celui plus mécanique du film à sketches. Ce n’était pas gagné. Pourtant, L’art d’aimer parvient miraculeusement à trouver non pas un juste milieu mais quelque chose de singulier, qui se rapprocherait davantage, s’il fallait lui effectuer un comparatif (l’unique moment où je le ferais puisque le film s’en détache amplement) des réussites de la série des Comédies et Proverbes de Eric Rohmer.

     Ainsi, avant chaque morceau d’histoire qu’il raconte, Mouret insère une petite phrase ou expression qui représente ce qu’il va raconter. Le procédé pourrait paraître désuet et rébarbatif mais il fonctionne sur deux points : sa façon de les partager (ces histoires peuvent être brèves ou plus longues, se dérouler dans le récit sur quelques minutes ou sur une semaine voire davantage) et d’y revenir, puisqu’il évite l’assemblage d’histoires contées l’une après l’autre. En cela il se rapproche du film choral mais sa seule manie sera d’y faire croiser ses personnages sans pour autant qu’ils interagissent ensemble, simplement dans le but de montrer Paris comme un village. Un peu à l’image de la traversée de cet homme, à qui sa femme vient d’avouer des pulsions nouvelles envers d’autres hommes, longue marche nocturne, racontée en voix off, à travers des lieux de la capitale. Les personnages se touchent sans se toucher. Certains profitent d’une rencontre, d’autres pas. C’est aussi la limite du film qui contrairement à Un baiser s’il vous plait, ne se concentre sans doute pas suffisamment sur un récit pour en faire éclater un miracle.

     Néanmoins l’utopie Mouretienne fonctionne. Car le cinéma de Mouret est utopique. Tout est filmé avec énormément de tendresse, de compassion et c’est la parole qui prime. Le parfait exemple de son cinéma se retrouve dans la rencontre entre les personnages joués par Frédérique Bel et François Cluzet, tous deux merveilleux. Lorsque ce dernier l’embrasse et qu’elle le repousse, elle ne fuit pas, cherche à comprendre le geste, réfléchir sur l’événement. Il y a quelque chose d’à la fois loufoque sans tomber dans le trop, ce qui à pour effet de créer une situation réelle, faire que l’on y croit. Le cinéma de Mouret me donne cette impression là : qu’il est impossible de connaître ces personnages en vrai pourtant miraculeusement je crois à tout ce que je vois. J’aimerais vivre dans les films de Emmanuel Mouret. Cinéma fait de questionnements sur l’amour, la séduction, la pulsion, le rapport à la sexualité, toujours en marge d’un discours moral. C’est revigorant et pourtant ça pose des questions essentiels.

     Autre chose m’a frappé ici c’est la maturité dans la mise en scène, qui n’avait encore jamais chez Mouret été aussi inventive, dans la découpe du plan, les motifs. Et surtout dans le mouvement des personnages (véritable chorégraphie) et cette faculté à mettre en scène le dialogue. Offrir par ce dialogue une telle sensualité et par ces corps une grande légèreté. Il y a deux égéries dans le film qui représentent assez bien le cinéma de Mouret. Une que l’on croisait déjà auparavant, cette fille un peu folle, dans une contradiction permanente, qui se réfugie dans les mots pour comprendre ses états, muse sublime, ange de la parole campée par Frédérique Bel. Et une petite nouvelle, qui transporte sa grâce dans son mouvement, son regard, ses silences, dont l’expérience doit se vivre avant tout physiquement, voluptueuse créature incarnée par Elodie Navarre.

     L’art d’aimer c’est le genre de film qui me fait sortir avec un grand sourire, il me donne envie de chantonner, oui le cinéma de Mouret est une douce musique. Et loin d’être anecdotique en fin de compte puisqu’il s’interroge énormément sur l’enjeu de la séduction, de ces sentiments inénarrables, il ne donne pas forcément de réponse mais offre des pistes. Et puis la beauté c’est sa singularité, ces personnages nous ne les croiseront jamais ailleurs. Ils sont factices, comme je le disais plus tôt, mais ils font vrai. C’est un cinéma d’une grâce folle, drôle et ludique, qui m’enchante.

Un baiser s’il vous plait – Emmanuel Mouret – 2007

Un baiser s'il vous plait - Emmanuel Mouret - 2007 dans Emmanuel Mouret un%20baiser%20s%27il%20vous%20plait(1)La délicatesse.    

   7.5   Saisir des situations du quotidien, les rendre singulières et travailler autour, les faire fleurir pour en saisir toute leur beauté, leur gravité, leur absurdité. C’est en quelques sortes l’objectif du cinéaste dans ce film comme dans les autres. Un baiser s’il vous plait permet de voir plusieurs histoires, les unes dans les autres, souvent racontée par un narrateur qui chaque fois s’efface et laisse vivre son récit comme s’il provenait du présent.

     Au début Emilie se perd et demande son chemin à Gabriel. Par un concours de circonstances il l’emmènera à destination avec sa voiture, ils vont discuter, sympathiser, puis dîner. Ils sont tous deux mariés mais lui voudrait lui laisser un baiser, qu’elle esquive doucement, contre son gré. C’est qu’elle connaît une amie à qui il est arrivé une histoire de ce genre, qu’un baiser a lancé puis tout foutu en l’air.

     Nous voilà donc embarqué dans une autre histoire, celle d’une femme, mariée, un boulot qu’elle aime, un meilleur ami avec qui elle partage ses angoisses, lui fait part de ses conseils. Une petite vie tranquille et sans histoires qui bascule imperceptiblement le jour où son meilleur ami, Nicolas (Mouret himself) récemment laissé à l’abandon par une fille qui est partie en Asie, ne va pas bien et pense que son mal-être est dû au manque de sexe qu’il n’arrive guère à concrétiser dès l’instant qu’il ne partage pas un minimum de complicité avec sa partenaire. Judith acceptera donc (non sans hésitation) de venir au secours de son ami, de soigner ses maux pour qu’enfin il s’épanouisse à nouveau. Le baiser va tout changer, car ce baiser qu’ils s’offrent l’un et l’autre, ils n’en ont jamais eu de tels. Puis c’est en faisant l’amour qu’ils découvrent tous deux des sensations nouvelles qu’ils ignoraient complètement.

     C’est toute la beauté et la gravité du film de Mouret, qui montre l’éclosion d’un amour impossible puis la confrontation dans une deuxième partie avec les petits amis respectifs, souvent laissés sur la touche. Ce n’est pas tant le rapprochement en tant que tel qui est réussi (et pourtant il marche, j’y ai cru d’un bout à l’autre) mais la manière qu’a Mouret de le traiter. Avec beaucoup d’humour essentiellement. Il y a une scène savoureuse, irrésistible : les deux amis décident de remettre le couvert en y donnant de la mauvaise volonté de façon à désacraliser l’unicité de leur acte, ils vont donc faire ça par-terre et le moins glamour possible. Malheureusement ça ne marche pas (à cet instant on fait un bref retour à notre rencontre du début, l’homme qui coupe la jeune femme en lui disant qu’il se doutait du non-fonctionnement de leur plan. Plus tard d’ailleurs il la coupera une nouvelle fois, simplement pour lui raconter une histoire de cinq minutes, qui lui est arrivé par le passé, projetée à l’écran de la même manière que le reste, par l’effacement du narrateur derrière son histoire, aussi rapide donc soit-elle) et Judith a un autre plan : Puisqu’ils ont tout fait pour que le plaisir ne refasse pas surface, elle propose de recommencer et tout faire pour qu’ils en éprouvent un maximum, ainsi peut-être que les sensations s’inverseront. Scène hilarante et je pèse mes mots. Bien entendu ça ne marchera pas non plus. Et ce qui devait ressembler au départ à un simple rapport sexuel médicament va se prolonger en relation sexuelle régulière, les deux amis se désirant presque dorénavant à chaque moment de la journée.

     Je ne vais pas raconter la suite du film que l’on pourrait croire plus conventionnelle, chargée, peut-être même trop affectée. Il n’en est rien. Mouret est resté très sobre jusqu’au bout de son film, et les rebondissements se feront encore nombreux, d’autant qu’il a su faire exister les deux autres personnages, jusqu’ici hors-champs à savoir les deux petits amis officiels respectifs. Le projet aboutira alors sur un nouveau baiser, dont on se demande s’il ne va pas encore une fois changer la face du monde. C’est peut-être du vaudeville, mais alors du vaudeville de première classe. Les plans sont allongés, souvent fixes et saisissent chaque personnage avec amour et élégance. Au passage l’interprétation est formidable. C’est à la fois drôle et très émouvant.

Changement d’adresse – Emmanuel Mouret – 2006

Changement d'adresse - Emmanuel Mouret - 2006 dans Emmanuel Mouret change-of-address-changement-d-adresse-1Demain on déménage.    

   6.5   Changement d’adresse est un film très attachant, toujours grâce à son personnage qu’il joue lui-même, ce type maladroit, respectueux, toujours à se poser des milliers de questions, mais tout particulièrement ici grâce à la présence de Frédérique Bel, sublimée en bonne copine curieuse, sorte de miroir du réalisateur/personnage.

     Le film commence par un déménagement, logique. Ou plutôt il commence par une recherche d’appartement. David vient à peine d’accoler sa demande sur la vitrine d’un magasin qu’il est interpellé par une jeune demoiselle qui dit connaître quelqu’un qui recherche un colocataire. En fait, on se doute assez vite qu’il s’agit d’elle dès l’instant qu’elle l’emmène visiter l’appartement, prétextant qu’elle vit momentanément chez son amie, et invente tout un tas de trucs pour ne pas être grillée avant que le garçon en question lui ait fait bon effet. Elle lui avouera rapidement le subterfuge et bientôt il emménagera à ses côtés, dans cet appartement pour le moins étrange, sans vraiment l’être, assez banal en apparence, mais non doté de cloisons entre les pièces, chambres comme salle de bain, qui se retrouve en plein milieu du salon, ce qui n’a jamais été un problème selon elle.

     L’ambiance du film est installée. Bien plus installée encore lorsque David avoue à sa colocataire qu’il joue d’un instrument : le cor. Vient alors toute une série de jeux de mots subtils autour de cet instrument, que le spectateur voit souvent plus comme un corps que comme un cor. C’est très drôle. Le film fonctionnera toujours de cette façon là, c’est la patte Mouret. Il y a un truc vieux burlesque là-dedans hyper savoureux. Souvent par les mots, mais parfois aussi par les gestes. Quand David tombera amoureux d’une jeune femme à qui il donne des leçons de cor, et que Frédérique tombera amoureuse de l’homme à la photocopieuse, leur petit manège s’intensifie, entre conseils et confessions. A tel point que les barrières n’existent plus et ils apprennent à leur insu à vivre comme un couple (il discute avec elle lorsqu’elle prend son bain, ils dorment parfois ensemble, même une fois ils font l’amour, qu’ils oublieront aussitôt, prétextant qu’il ne vont pas culpabiliser d’avoir penser à leurs amours respectifs, j’étais plié) voire comme un vieux couple (dès l’instant qu’ils jouent au Monopoly ou bien qu’elle dit retrouver ses chaussettes au quatre coins de la pièce).

     La venue d’un nouveau personnage, en l’occurrence Dany Brillant ne fait pas partie des moments mémorables du film. Changement d’adresse perd alors un peu de son rythme. La fin est très belle en revanche. Après, je ne peux m’empêcher de me dire, maintenant que j’ai vu Un baiser s’il vous plait, que Mouret est encore meilleur quand il exploite à fond ses personnages. Dommage qu’il laisse ainsi de côté le personnage de Frédérique Bel, on aimerait tant nous aussi l’accompagner à la photocopieuse.


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