Archives pour la catégorie Emmanuelle Bercot

La fille de Brest – Emmanuelle Bercot – 2016

11. La fille de Brest - Emmanuelle Bercot - 2016La combattante.

   6.0   Emmanuelle Bercot s’inspire de faits réels en retraçant le combat d’Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest, improvisée lanceuse d’alerte en 2009/2010 contre les laboratoires Servier et tout particulièrement contre la commercialisation d’un médicament anti-diabète qui sera responsable de centaines de décès. Evidemment, au début personne n’est sûr de rien, mais certains médecins s’intéressent en profondeur aux cas répétés de valvulopathie mortelle apparaissant chez des patients souffrant d’obésités et se soignant à fortes doses de Mediator, le fameux médicament dangereux. L’apparition du danger hypothétique, le contraste entre des médecins de province face aux méchants labos pharmaceutiques de Paris, tout n’est pas hyper subtil mais la mise en scène de Bercot colle idéalement avec l’urgence générée par cette macabre découverte. Le film s’intéresse principalement aux divers décalages qui régissent ce type de combat. Chacun ses armes, chacun ses possibilités. Le personnage incarné par Magimel (le supérieur hiérarchique d’Irène Frachon) est plus lâche dès l’instant qu’on le botte en touche. La patiente sur le point de témoigner fera une attaque. Seule Irène semble en mesure d’aller jusqu’au bout, quitte à tout perdre. Et cela, il me semble que Sidse Babett Knudsen (qui était déjà parfaite dans L’Hermine) l’interprète admirablement, tout en rage, grossièreté maladroite et insatisfaction perpétuelle. Le film est peut-être un peu foutraque dans son aspect investigation puisqu’on ne comprend pas toujours tout ni où les personnages veulent en venir mais il y a une frénésie, un mouvement de résistance qui porte tout le film et rappelle le très beau Erin Brockovich, de Steven Soderbergh. Ce qui me gêne en revanche c’est que le film a tendance à capitaliser son énergie sur le langage de charretier d’Irène Frachon et moins sur le mouvement, le flux résistant que le récit promet, ce que Ritt réussissait magistralement dans Norma Rae ou les Dardenne, dans Deux jours une nuit. Ça parasite l’uppercut, à mon avis.

La tête haute – Emmanuelle Bercot – 2015

13686752_10153808296962106_7446407088306803413_nLes nerfs à vif.

   7.0   Il faut d’emblée parler de l’interprétation tant chacun est exceptionnel. Et Benoit Magimel le premier, en éducateur spécialisé, tout en nuances et fragilité. Après Marseille et d’autres trucs insipides, je ne voulais plus le voir nulle part pourtant. Comme quoi une excellente direction d’acteurs peut tout changer. Ensuite comment ne pas évoquer Rod Paradot, ce jeune de dix-sept ans (auréolé dès son premier rôle d’un césar du meilleur espoir, bien mérité) qui dévoile une palette émotionnelle absolument dantesque, véritable boule de colère prête à exploser à chacune de ses apparitions – Sorte de Rosetta au masculin. Je trouve d’ailleurs touchant que le rôle de sa mère soit incarné par Sara Forestier (Une fois de plus incroyable, si l’on excepte la grossièreté de ce dentier, franchement) puisqu’elle tient un parcours similaire dans la mesure où Kechiche l’avait fait naître grâce à L’esquive (elle aussi avait dix-sept ans) où elle campait là aussi une ado cinglée pleine de rage et de cris. Voir ce passage de relais à l’intérieur même du film de Bercot crée un étourdissant vertige.

     Le film nous prend à la gorge d’entrée. Durant les premières minutes nous sommes dans le bureau d’un juge mais on ne voit presque pas de visages, seulement de la paperasse, des gestes mais on entend le dialogue entre la mère (accompagnée de ses gosses) et la juge et il suffit à créer une montagne russe de violence, de fatalisme, de progression dans le vide. Ce n’est que le début. Le film ne réduira jamais son tempo – Il m’a beaucoup fait penser à Ombline, le film avec Mélanie Thierry. Mais la grande idée du film à mes yeux c’est le personnage de Magimel qui au contact de ce garçon se retrouve lui-même puisqu’il fut à sa place plus jeune, face à la même juge – Catherine Deneuve, parfaite comme d’habitude. Le lien qui peu à peu se crée entre eux, aussi délicat soit-il (à l’image de celui qui va se nouer entre Mallony et la fille de sa directrice de centre) est d’une grande subtilité et finesse dramatique.

     A mon sens, Bercot réussit là où Maïwenn échoue (Certes je n’ai pas encore vu son dernier, Mon roi) dans son économie du sensationnel, alors que son film semble plein comme un œuf, avançant avec toujours plus de cris, d’insultes, de coups, de larmes. Deux exemples flagrants à mes yeux : Tout d’abord la scène de l’accident de voiture. Chez Maiwenn le petit serait sans doute mort créant une plongée tire-larmes supplémentaire. Chez Bercot, c’est un obstacle parmi d’autres, un élément de récit presque anodin qui en convoque d’autres, jamais dans le but de nous apitoyer. En fait, on n’a jamais le temps de pleurer. L’autre exemple c’est la fin de Polisse où Maïwenn y allait à grands coups de suicide, saut dans le vide au ralenti, ridicule au possible, alors que Bercot choisit d’accompagner Mallony dans les couloirs et les escaliers du palais de justice, qu’il foule pour la dernière fois, après dix ans de loyaux services. Mais le plus fort là-dedans c’est que cette apparente douceur finale est un moment d’une grande angoisse, tant le film nous a pris aux tripes pendant deux heures, donc même lorsqu’il se pose enfin, il est toujours aussi violent car Mallony fait ses adieux et tient dans ses bras son bébé. Le fait que cette séquence soit très longue accentue cette inquiétude, aussi lumineuse soit-elle.

Les infidèles – Emmanuelle Bercot, Fred Cavayé, Alexandre Courtes, Jean Dujardin, Michel Hazanavicius, Eric Lartigau & Gilles Lellouche – 2012

04_-les-infideles-emmanuelle-bercot-fred-cavaye-alexandre-courtes-jean-dujardin-michel-hazanavicius-eric-lartigau-et-gilles-lellouche-2012Les couilles des hommes.   

   3.5   C’est un film intéressant. Oui. Contre toute attente. Non que ce soit honnêtement défendable dans son ensemble, mais il y a des qualités ci et là. C’est un film a sketchs. S’en méfier comme de la peste de ce sous-genre, prolifique dans le cinéma comique italien des années 50. S’en méfier parce que le court ne se fond pas naturellement dans le long. En fin de compte c’est un projet qui pourrait relancer l’intérêt pour le court-métrage en général, malheureusement l’effet produit est inversé. Sur ce point, Les infidèles réussit et échoue. Il réussit dans l’agencement des petites histoires et dans leur contenu, par son côté désorganisé et sa faculté à ne pas constituer de construction concrète et attendue. Ainsi, les variations autour de l’infidélité masculine ne sont pas bâties identiquement, certaines pastilles, par exemple, s’immisçant entre deux courts d’une durée même pas similaire. Je n’ai pas cette impression de cahier des charges ultra respecté, ça me plait. La linéarité est aussi mise de côté, les histoires ne cherchant pas à se répondre les unes aux autres de manière chorale, on échappe donc à ce dispositif lourdingue tant adoré des Jaoui, Klapisch et consorts. Malheureusement, ce côté cancre se retourne aussi contre lui, dans la mesure où rien ne répond à rien mais où tout se ressemble plus ou moins. C’est entre-deux eaux, j’aurais préféré que le film s’affranchisse intégralement de ça, pourquoi pas espérer un Holy motors de la comédie populaire, on peut toujours rêver ; ou qu’il y ait tout de même quelques passerelles entre chaque histoire, que quelque chose se noue à travers le temps. En l’état, le film s’amuse juste avec ses personnages, mais ils n’ont jamais le même rôle.

     Le film est donc bancal d’autant que forcément, les sketchs ne sont pas réalisés par les mêmes réalisateurs. Exit les pastilles réalisées par Courtes, véritables interludes sans intérêt, aussi bien mises en scène qu’une pub trash, sortes de copie de Bref version « Bref, je me suis fait gauler ». Exit le sketch de Courtes, toujours – décidément très mauvais metteur en scène – sur les infidèles anonymes, complètement nul, excepté la présence de la magnifique Sandrine Kiberlain et de deux/trois mots lâchés par Manu Payet, plutôt inspiré. Exit aussi le prologue, réalisé par Cavayé, non que ce soit mauvais mais c’est pile poil ce à quoi je m’attends quand je lance le film, donc ça ne m’intéresse pas, pire, je pense que rétroactivement, ce sketch ne correspond pas du tout à l’esprit du film. Exit le dernier, Las Végas, réalisé par les deux compères acteurs en vogue, même si l’on fini par y voir l’un sodomiser l’autre, fallait oser. Celui-ci est d’ailleurs clairement le prolongement du prologue. Reste le Lartigau, pas mal, un peu plus grave, mais un peu court, à court d’idées surtout. Et les deux qui retiennent mon attention : La bonne conscience, de Michel Hazanavicius ; La question, d’Emmanuelle Bercot. Comme quoi, il n’y a pas de secrets, c’est en parti pour ces deux « vrais » cinéastes que je me suis penché sur Les infidèles. Je précise au passage que le film ne situe jamais, en tout cas pas avant son générique final, la provenance de ses sketchs. C’est donc une fois le film terminé que je me suis aperçu que mes deux préférés étaient fait deux réalisateurs que j’estime. Point de conditionnement de politique des auteurs ni de mauvaise foi envers les autres.

     Celui d’Hazanavicius est une sorte de Lost in translation chez Houellebecq ou de OSS 117 perdu dans Les bronzés. L’ambiance, la minutie géométrique de cette errance dans les couloirs et le ton du dialogue, on ne peut pas se tromper longtemps, on reconnaît le style. Il faut simplement accepter un ton nettement plus dépressif. Dujardin y ère dans un grand hôtel à la recherche d’une nénette avec qui passer la nuit et finira par convoité la moins attirante de toute, celle qu’il n’aurait jamais draguée ailleurs. C’est un loser terrifiant. Je le reverrai volontiers celui-ci, j’ai l’impression qu’il m’a un peu échappé. Ce qui ne fut pas le cas pour le sketch d’Emmanuelle Bercot, mention spéciale, la bonne surprise, qui m’a un peu calmé, je dois bien l’avouer. Le récit est quasi uniquement centré sur le couple Dujardin/Lamy, Lellouche y faisant son apparition aussi, mais seulement comme ami avouant honteusement ses coucheries dans le dos de sa femme, abandonnée dans la cuisine, lors d’un dîner entre amis. Ce dialogue va en engendrer un autre, plus tard, quand le couple sera de retour au bercail. Une question, la tourmente. L’aveu installe un malaise, puis la violence, puis un autre aveu. La parole se perd dans l’espace, les corps tournoient dans la maison, autour des tables, du canapé, du lit, l’ambiance est électrisée, elle devient même méchante, pleine de rage, de désespoir Cassavétien. Le fait que le couple en soit un vrai provoque une impression bizarre, comme s’ils étaient face à face, à cœur ouvert, tous deux sont excellentissimes, au passage. C’était hyper déstabilisant, hyper culotté surtout. Et ça ne fait que confirmer que ce n’est pas un film drôle et misogyne, au pire on peut le trouver un brin caricatural et moraliste. Et donc ça n’a strictement rien à voir avec les affiches matraquées sur les quais de gare au moment de sa sortie, affiches qui ont tant fait parler d’elles. Non, ce n’est pas vraiment drôle, enfin ça ne met pas la pêche, c’est drôle par-ci par-là, les moins bons moments du film d’ailleurs, mais c’est surtout sinistre et glauque, limite cafardeux. Donc ce n’est pas terrible dans l’ensemble, c’est bancal, mais tout de même je ne m’attendais pas à ça.


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silencio


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