Mariage heureux ou presque.
6.5 Je ne sais plus où j’ai lu qu’on disait du dernier film de Nakache & Toledano qu’il est une machine de guerre dans le paysage de la comédie française. Et c’est exactement ça, en effet. C’est d’autant plus impressionnant que c’est pas si évident à tenir, je pense, cet équilibre.
Avec Le sens de la fête, ici et Patients la veille, voilà bien longtemps que je n’avais pas ri comme ça, devant une comédie populaire digne de ce nom. C’est pas le même rire, en plus, c’est ce qui rend ces deux films si essentiels aujourd’hui, surtout si l’on veut combattre les Raid Dingue et consorts.
Le Sens de la fête c’est une sorte de mixture entre Garçon, de Sautet et The Party, de Blake Edwards. On y retrouve la mécanique circulaire entre « salle » et « coulisses » et l’effervescence des relations au sein de la brigade du premier, la plongée burlesque jusqu’à tout faire péter du second. Sans qu’aucune de ces deux références ne viennent vampiriser le film. Car c’est surtout un film de Nakache & Toledano : Leur « Nos jours heureux » des Mariages.
Le film enquille deux heures durant ou presque les (running)gags et les vannes, fait se chevaucher de multiples petites histoires, fait exister tout un tas de personnages (même si parfois on leur offre un mono gag à tenir en boucle) tout en rentrant dans le rang à la fin pour vanter les mérites de la solidarité.
En somme c’est une très belle comédie de droite. On a eu les deux en 2017, puisque Problemos est une très belle comédie de gauche. Quoiqu’il en soit on a beaucoup parlé du discours pro patrons du film. Difficile de ne pas le voir, en effet. D’autant qu’il est multiple : Déjà là lors d’une scène d’ouverture détachée (Font chier ces futurs mariés à vouloir défaire et refaire toutes les organisations) puis plus tard avec « le faux gars de l’URSSAF » qui me permet d’entendre le même discours que celui que j’entends au-dessus de moi au boulot à longueur de journée (Les impôts c’est cher, les salariés c’est cher) puis dans le pétage de plombs de Bacri, forcément, personnage que le film nous a rendu attachant, lui qui se saigne pour ses employés. Difficile aussi de ne pas y voir une projection de l’entreprise Nakache/Toledano, aussi plaintifs qu’ils seront bientôt reconnaissants.
Je comprends que ça puisse gêner voire que l’on puisse trouver ça inadmissible. D’autant plus aujourd’hui, à l’ère Macron. Moi ça ne m’a pas dérangé. Enfin moins que dans le dernier Klapisch, quoi. D’une part car le film prolonge l’idée de Nos jours heureux dans lequel tout convergeait autour d’un chef de colo, malgré, déjà, la grande famille de personnage brossée. D’autre part car c’est la mécanique fraternelle qui l’emporte à la fin. Sans compter que les personnages les plus pathétiques sont ceux qui ont le plus de pouvoir.
Alors il y a quand même un tas de choses qui pose problème là-dedans, des trucs trop appuyés qui existent pour créer des gags de situations et non pour enrichir les personnages (tout le côté rom’com, en gros) et des trucs qui me gênaient déjà dans Nos jours heureux mais qui, déjà, ne me gâchaient pas le plaisir global du film.
Si je devais vraiment me plaindre ça se jouerait moins sur la macronite du film ni sur l’interprétation attendue chacun dans son domaine (Bacri fait du Bacri, Lellouche du Lellouche, Rouve du Rouve, Macaigne du Macaigne mais ils le font tous tellement bien) que dans le portrait grossier de « la clientèle » tant le marié, la femme du marié, la mère du marié, sont des personnages écrits lourdement et esquissés au forceps pour accentuer la mécanique comique. Si je fais exception de ces petites choses, je vais pas te mentir, j’ai tellement ri, tellement été embarqué qu’il serait malhonnête de ma part de ne pas reconnaître que j’ai beaucoup aimé.