Archives pour la catégorie Francois Ozon

Action vérité – François Ozon – 1994

16. Action vérité - François Ozon - 1994Sang pour sang.

   5.0   Belle idée que le choix de filmer ce jeu d’adolescents en ne cadrant que leurs visages, en gros plans. Ils sont quatre, deux filles et deux garçons. On débarque en plein milieu d’un classique « Action ou vérité » et Ozon ne cède – sans doute moins par envie que par nécessité, mais qu’importe – ni au plan d’ensemble ni au travelling circulaire attendu. Ainsi, on ne sait pas trop où ces gamins se trouvent (probablement dans une chambre ?) ni comment ils sont disposés : c’est au spectateur de capter cela, de reconstruire s’il le souhaite. Ce qui compte c’est le visage : Ozon est très fort pour filmer les visages et en saisir la passion, le désarroi, l’excitation, la nonchalance, la spontanéité. Ce qui compte aussi c’est le rapport à la sexualité. Dommage qu’Ozon en fasse un autre programme (certes passionnant, mais ça sort du chapeau) et finisse par céder aux sirènes de la grandiloquence, dans un twist final aussi improbable qu’il est inutile : la cruauté et le malaise étaient déjà là, dans une parole ou un regard.

Mon crime – François Ozon – 2023

07. Mon crime - François Ozon - 2023Les désastreuses années 30.

   2.0   Cette veine théâtrale d’Ozon (Huit femmes, Potiche, L’amant double…) ne m’intéresse pas beaucoup. Mais celui-ci c’est high level : Aussi atroce que l’accent de Dany Boon tentant d’imiter Raimu, le dernier Ozon est un théâtre de boulevard complètement atone, véritable polar sous cloche, qui s’en remet à ses petits numéros de comédiens plongés dans leur cabotinage respectif et des clignotants metoo grossiers transposés dans les années 30. Quant au propos revendiqué féministe (la revanche judicaire des femmes) il est liquidé par l’obsession du film à créer des personnages féminins antipathiques, vénéneuses, arrivistes, superficielles. C’est tout de même un comble que le personnage pour lequel nous avons un peu d’empathie soit celui incarné par Dany Boon. La scène de procès est pire que la scène interminable au commissariat qui la précède. Les nombreuses scènes d’appartements n’en parlons pas. Et il y a le dernier tiers, avec l’arrivée d’Hupert en sosie d’Armande Altaï. L’enfer. Un film qui fait peut-être davantage théâtre que la pièce dont il s’inspire.

Peter Von Kant – François Ozon – 2022

16. Peter Von Kant - François Ozon - 2022Querelles amères.

   3.5   Adaptation libre de la pièce de Fassbinder Les larmes amères de Petra Von Kant, Peter Von Kant a l’idée moins ingénieuse que singulière de renverser les genres. Ainsi Petra, créatrice de mode, sera ici Peter, cinéaste reconnu. Karin sera Amir. Le film est par ailleurs un portrait de Fassbinder tant Denis Menochet est grimé comme le cinéaste allemand, moustache et lunettes noires à l’appui.

     Bon, c’est très difficile pour moi d’accepter un film comme celui-ci car ce Fassbinder-là est probablement mon préféré. Et en grande partie parce que c’est un huis clos qui ne fait jamais théâtre. Ozon ne passe pas l’examen, lui, Peter Von Kant fait théâtre, en permanence et tous les acteurs en font trop (Adjani, horrible, Menochet, over the top) ou pas assez : Stefan Crepon était bien plus intéressant dans les deux dernières saisons du Bureau des Légendes, Khalil Gharbia bien plus magnétique dans Les sept vies de Léa.

     Après qu’importe si celui-ci est à mon sens raté, complètement artificiel, on ne peut pas dire qu’Ozon n’essaie pas, ne surprend pas : Difficile de voir ce qui relie Grâce à dieu, Été 85, L’amant double ou Peter Von Kant. Pour ne citer que les plus récents. C’est aussi ce qui m’a séduit sur le papier : voir le prolifique Ozon « adapter » le prolifique Fassbinder. Dans les faits je vois en revanche pas trop où il veut en venir (si ce n’est faire l’autoportrait par l’autoportrait) tant il le ridiculise, en permanence. Émouvant, toutefois, de revoir Hanna Shygulla, cette fois dans le rôle de la mère.

Eté 85 – François Ozon – 2020

16. Eté 85 - François Ozon - 2020Mémoires d’un garçon bouleversé.

   8.5   Pas loin d’avoir adoré. Notamment sa photo et sa reconstitution bluffante : C’est simple j’ai eu l’impression d’être au Tréport en 1985. Et ce n’est pas que lié aux morceaux de musique choisis (The Cure, Bananarama, Rod Stewart, Jeanne Mas…) ça se sent dans les fringues, sur les papiers peints, dans les expressions de langage, les coiffures etc. On y croit.

     Et j’aime beaucoup ce que dit le film sur l’amour de jeunesse et le désir de s’extirper de sa propre histoire ; C’est l’appétit de la fiction, qui est aussi celui qui anime le cinéaste quand il adapte ce bouquin, qui l’avait marqué adolescent. Comme si la possibilité d’inventer celui qu’on aime se doublait de celle d’inventer les récits qu’on aime.

     Je trouve le film très fin et intelligent sur sa façon d’injecter la possibilité de la fiction et du fantasme. La simple idée de voir David voguer au secours d’Alexis sur le Calypso, révèle une vraie croyance d’écriture. Ozon désamorce ces scènes trop écrites en les replaçant dans leur contexte : Il s’agit de la plume d’un garçon, racontant ses souvenirs, les modifiant probablement au gré de son voyage introspectif.

     Un moment donné, quand l’éducatrice d’Alex vient rendre visite à son professeur de français, elle lui demande de s’assurer qu’il raconte, dans son devoir, toute la vérité. Et le garçon, plus tôt ou plus tard, je ne sais plus, explique qu’il se souvient de plein de choses dans les moindres détails et que d’autres sont floues. Il me semble qu’Ozon joue habilement de ce procédé. Qu’il l’utilise aussi pour désamorcer le drame : La scène de la morgue, c’est génial.

     Le film est aussi habité par des acteurs étincelants qu’ils soient connus (les mamans des garçons) ou non. Benjamin Voisin, qui joue ici David, éphèbe absolu, est une révélation. Tout le monde est parfait (Et notamment la jeune anglaise qui incarne Kate, à qui Ozon offre une place déterminante au moment où on ne l’attend plus) mais lui, il est si fort qu’il parvient à nous faire entrer dans l’obsession d’Alexis.

     Voilà, à mes yeux c’est peut-être bien ce qu’Ozon a pondu de plus beau. Y a bien quelques trucs qui m’ont un peu gêné, à l’image de son refus appuyé (mais légitime) de la linéarité, mais y en a tellement qui m’ont beaucoup ému. Cette séquence dans la boite de nuit, c’est magnifique.

     Pour moi, Été 85 est à Ozon ce que Plaire, aimer et courir vite est à Honoré, en gros. Il pourrait d’ailleurs en être le prélude puisque les années Sida ne sont pas encore là. C’est un grand Oui, donc.

Grâce à Dieu – François Ozon – 2019

20. Grâce à Dieu - François Ozon - 2019Gouttes d’eau sur affaire violente.

   8.0   Ce qui frappe d’emblée c’est l’acuité de cette sortie, son alignement avec l’actualité. Le procès du cardinal Barbarin devait rendre son verdict pile au moment de la sortie du film d’Ozon. Voilà qui lui permet de confondre encore plus la frontière entre le réel et la fiction, entre le récit de l’affaire Preynat et l’adaptation de cette histoire vraie. C’était en effet aussi étrange qu’inédit de voir, le lendemain de la découverte du film en salle, les informations titrer les aléas de ce procès tumultueux, qui se solda notamment par la démission du cardinal refusée par le pape. Il faut noter que le film ne fut pas épargné puisque sa sortie fut menacée pour atteinte de présomption d’innocence. Un recours heureusement rejeté.

     Mais avant d’être un film sur cette affaire, Grâce à dieu – qui tire son titre d’une célèbre phrase employée par le cardinal pour désigner lors d’une conférence de presse la prescription des faits – est surtout un film sur des victimes, leur souffrance qui se transforme en colère, leur solitude qui se mue en solidarité. Pour se faire, le récit donne la tribune et la parole à trois d’entre eux, choisit de les accompagner indépendamment, puis ensemble, de montrer comment chacun a vécu son drame et comment chacun va le surmonter, se battre pour faire ressortir la vérité et surtout la justice.

     C’est ce film-là qui s’avère puissant. Pas le film à charge contre le cardinal Barbarin ou le père Preynat ou le diocèse de Lyon, mais bien le combat de ces hommes, tous de classe sociale et de religion différente, de force et de volonté diverses, qui vont s’unir et créer La parole libérée, l’association qui leur permet d’intenter une action en justice. Melvil Poupaud, Denis Menochet et Swann Arlaud sont éblouissants. Et la mise en scène d’Ozon s’en remet entièrement à eux, se cale sur leurs personnalités si bien que chaque partie a sa respiration propre et le miracle c’est que la réunion de ces personnages se fait aussi le plus naturellement du monde du point de vue de la mise en scène. Ils sont ensemble, aucun ne compte plus qu’un autre.

     C’est un grand film engagé, documenté, très élaboré, dans la belle lignée du Spotlight, de Tom McCarthy qui traitait aussi d’une véritable affaire de suspicions d’abus sexuels au sein de l’Eglise catholique. Riche, ample, limpide et in fine très émouvant, notamment dans le regard que le film parvient à porter sur l’entourage de ces victimes, la femme de l’un, les parents ou la mère des autres. Malgré une imposante réserve quant à l’utilisation des flash-back à mon avis parfaitement superflus et grossiers, le dernier film d’Ozon est une merveille. Peut-être bien son meilleur.

L’amant double – François Ozon – 2017

31. L'amant double - François Ozon - 2017Two much.

   3.5   Il y a une période durant laquelle j’allais voir les Ozon au cinéma, systématiquement. Ricky (2009), Le refuge (2010), Potiche (2010) et Dans la maison (2012). N’ayant aimé aucun de ces quatre films, j’avais abandonné l’idée d’aller voir Jeune & Jolie. A tort puisqu’en le rattrapant un an plus tard, le film m’avait autant impressionné qu’ému. Jamais Ozon ne m’avait semblé aussi subtil et introspectif. Dans un nouvel élan positif, j’allais voir Une nouvelle amie, qui sur un tout autre registre fonctionnait très bien, grâce en partie aux prestations d’Anais Demoustier et Romain Duris. J’ai volontairement raté Frantz (Franchement je le sentais pas bien) mais lors de mon rattrapage pour les Cesar, j’avais trouvé le film très réussi même s’il lui manquait un truc pour marquer durablement. Retrouver Marine Vacth au casting de L’amant double rendait confiant. Puis le film était sélectionné en compétition à Cannes. J’allais y aller mais la telle déferlante qu’il reçu sur le coin de la gueule m’en dissuada. Une fois de plus, je rattrape donc un Ozon quelques mois après sa sortie.

     Et je suis partagé comme jamais je ne l’avais été devant un film d’Ozon. A la fois je ne suis pas loin de crier à l’alerte NAVET tant le film est d’une vulgarité oppressante, de son fondu « Bunuel ou Hitchcock du pauvre, tu choisiras » introductif vulve/œil à son inexorable épilogue explicatif, ainsi que dans sa gestion étrange des ellipses, son obsession à mettre des miroirs dans chaque plan et la durée express de chacune de ses séquences, continuellement coincées entre réalité glaciale et cauchemars sulfureux. A la fois je suis intrigué par la tentative, tant on a l’impression qu’Ozon expérimente sans cesse un nouveau terrain de jeu, ici celui (trop) évident du trip De Palmien aux relents de Cronenberg. L’amant double fait en effet souvent écho à Passion autant qu’il convoque Faux semblants avec cette affaire de gémellité maléfique. Reste qu’il ressemble malheureusement bien plus au raté de De Palma qu’au chef d’œuvre de Cronenberg. C’est proche du ratage absolu mais il y a un truc, une ambiance, ne serait-ce que via la musique de Philippe Rombi qui pourrait être cousine pas si éloignée de celle de Mica Levi. Dans ses incursions semi horrifiques, le film trouve une dynamique, souvent grotesque dans sa façon de redistribuer les cartes toutes les cinq minutes, mais stimulante sitôt prise par le prisme du thriller érotique du dimanche soir.

Frantz – François Ozon – 2016

16730095_10154429318257106_2829221840116034782_nL’étranger.

   6.0   1918 en Allemagne. Anna se rend chaque sur la tombe de son bien-aimé, mort au front. Elle croise bientôt un homme qui vient lui aussi pleurer sur la tombe et y déposer des fleurs, fait sa connaissance et apprend d’une part qu’il est français et qu’il était un ami de son Frantz. Il y a deux films en un. La première partie est déstabilisante car autant la douceur d’approche et de compréhension entre l’étranger et la belle-famille en deuil d’Anna est très belle, autant il y a un curieux suspense, un peu gênant puisqu’un peu roublard, sur son identité. Comme le film est vu du point de vue de la jeune femme, ça passe. On pense d’abord qu’Adrien (Le jeune français, Pierre Niney, donc) a tué Frantz et qu’il vient, rongé par les remords, pour s’en excuser. Avant de croire qu’il était son amant. Ça aurait fait un beau film d’ailleurs, de voir ce garçon français, tomber amoureux de la petite amie de son amant allemand. C’eut été plus casse-gueule c’est sûr. On y croit d’autant plus que d’étranges flash-back en couleur (qui n’en sont finalement pas) tentent de nous tromper. La deuxième partie, une fois le pot aux roses dévoilée perd en mystères ce qu’elle gagne en quête romantique et spirituelle. Anna (Paula Beer, révélation, j’espère qu’elle aura son César) devient le personnage mobile et fort là où elle était figée et chétive. Si le film manque d’émotion et d’ambition formelle et romanesque, il ne rate pas grand-chose surtout dans sa manière de brosser le (double) mensonge – La thématique qui parcoure quasi toute l’œuvre du cinéaste – comme vecteur de vie, d’émancipation, d’apaisement voire de résurrection puisque Adrien incarne un peu malgré lui, auprès des parents de Frantz, le fils d’adoption avant qu’il ne serve de simple tremplin pour l’élan nouveau de la jeune femme. Que le film s’en serve en tant que discours pacifiste le rend plus beau encore. Un poil trop rigoureux dans sa plasticité, avare dans son intensité et binaire dans ses enchaînements couleurs / noir et blanc pour prétendre égaler les meilleurs Ozon, mais dans le haut de son panier, déjà bien garni (C’est son seizième long métrage) quoi qu’il en soit.

Jeune et jolie – François Ozon – 2013

10850229_10152533127327106_7609262439397902957_nJe suis moi.

   7.0   Jeune et Jolie rappelle un peu A nos amours. J’imagine que sur cette comparaison lapidaire, gratuite et indémontrable, j’en perds la moitié d’entre vous. Pourtant oui, j’ai pensé au film de Maurice Pialat – J’aurais très bien pu parler de Buñuel, difficile en effet de ne pas citer Belle de jour. Isabelle, comme Suzanne, s’émancipe par la découverte de sa sexualité au point d’utiliser son corps à des fins purement expérimentales – Pour la science, aurait-on dit, dans une société reculée. L’une le fait en multipliant les aventures amoureuses, l’autre en se prostituant. Isabelle confiera pour sa défense aux policiers et à son psy – après la mort soudaine de l’un de ses clients – que ce qu’elle faisait relevait de l’expérience.

     L’environnement familial n’a rien de comparable chez Ozon et chez Pialat. Au climat électrique de l’un répond une entité douce et alchimique ou presque chez l’autre. Presque, oui car il y a quelque chose d’assez destructeur là-dedans, de contaminé, mais qui parvient à rester masqué même lors des paroles de trop d’Isabelle ou lors de la découverte de son secret. Le fait que le foyer soit une famille recomposée n’est pas étranger à cette impression, d’autant que le mari de sa mère n’est pas son père ce qui occasionne un jeu de séduction étrange et maladroit. Rien n’est précisé concernant le petit frère mais il pourrait tout aussi bien être issu de ce mariage là ce qui crée une relation déroutante entre ce pré-adolescent et sa grande (demi) sœur.

     Le film s’ouvre d’ailleurs dans une bulle estivale familiale où l’on ne soupçonne aucunement le portrait sous forme de saisons (rythmé par quatre morceaux de Françoise Hardy) que s’apprête à nous offrir Ozon. Pourtant, Isabelle est très vite guettée par les hommes, tout converge subtilement ou non vers un monde de désir et de séduction. C’est même à travers les yeux de son petit frère que le film s’ouvre puisqu’il observe sa sœur seins nus sur le sable à travers des jumelles. Le ver est dans la pomme, d’autant que quelques scènes plus tard, il la surprend cette fois en train de se masturber dans son lit.

     Les parents ont aussi leur rôle à jouer là-dedans tant ils recèlent d’une grande ouverture d’esprit, jamais gênés d’évoquer l’amour et la sexualité de leur fille. Des parents cool, en somme. Sa mère voudrait qu’elle soit amoureuse de cet allemand comme elle voudrait plus tard, au printemps, qu’elle soit amoureuse d’un autre garçon. Mais l’allemand s’il pouvait devenir l’amour de vacances idéal (pour sa mère mais aussi pour Isabelle, qui quelque part à cet instant-là cherche encore peut-être l’adolescence sentimentale, le sexe idéalisé) sera juste bon à lui ôter sa virginité. Le film baigne déjà dans la transgression, le scandale. C’est une première fois inattendue, qui l’embarque ailleurs. Et si le lien avec la mère semblait fort, il semblait fort seulement, disparaissant progressivement au fil des saisons. Jusqu’à la rencontre finale avec Charlotte Rampling qui apporte là encore tout un tas de questionnements, d’inconnue.

     Isabelle fête ses dix-sept ans comme Adèle fêtait ses seize ans dans le film de Kechiche. Festivité témoin d’une dernière alchimie avant les grands bouleversements que ces âges déterminent. Dans la scène suivant l’ellipse chez Kechiche, Adèle habite chez Emma tandis que chez Ozon, Isabelle s’engouffre dans les couloirs d’un hôtel dans lequel elle s’apprête à effectuer une passe habituelle. Kechiche utilisait de grands trous de plusieurs années quand les ellipses sont saisonnières chez Ozon. Souvenons-nous qu’Ozon a par ailleurs jadis déjà élaboré son (plus beau) film en jouant de cette thématique séquentielle Une partie / Un moment de vie. C’était le conceptuel 5×2.

     C’est le récit d’une transformation au sein d’une souche familiale, comme souvent c’est le cas chez Ozon. Le portrait d’une fille qui devient femme en prenant une bifurcation aux conventions inculquées par son environnement familial. Pourtant, de ces fameuses conventions, la famille en est déjà porteuse d’une déroute et le film s’amuse à triturer cela dans chaque séquence qu’ils ont en commun, où il s’agit de surprendre quelqu’un (on ne compte pas le nombre de scènes construites là-dessus) et de dévier imperceptiblement des trajectoires (le beau-père qui se rapproche anormalement de sa belle-fille alors qu’il est au courant de son secret ; Isabelle qui surprend sa mère en plein flirt suggestif avec leur meilleur ami).

     C’était Mia Hansen-Love qui avait aussi superbement traité la fragilité du cocon familial dans Tout est pardonné, dans ses autres films aussi cela dit, mais plus encore ici où un père se droguait et détruisait son foyer. Ici c’est une fille qui fait la pute. Dans chaque cas, secret ou non, tout s’ébranle. Marine Vacth véritable révélation est un personnage opaque jusqu’au bout, dont on ne saura jamais vraiment les grandes motivations. Jeune et jolie est un beau film sur une libération adolescente bouleversée et sur l’éclatement à petit feu d’une cellule familiale bourgeoise qui ne soupçonne rien et pouvait tout envisager sauf ça.

Une nouvelle amie – François Ozon – 2014

10409650_10152509915217106_8688151935435916664_nJe suis femme.

   6.0   C’est fou ça. J’ai vu douze films d’Ozon déjà. Oui, douze ! C’est en les listant que je m’en suis rendu compte. On me l’aurait demandé, au débotté j’aurais dit cinq ou six. C’est dire si son cinéma me passe relativement au-dessus, sans que je le déteste par ailleurs. Bon, Une nouvelle amie, le cru Ozon 2014 est une réussite totale. J’ai marché à fond. Putain, Anaïs quoi. Je t’aime. Et Romain Duris qui est génial.

     C’est l’histoire d’une fille qui tombe amoureuse de sa nouvelle meilleure amie parce que c’est un garçon, mais se refuse à elle parce que c’est un garçon. Enfin, au début ce n’est pas tout à fait cela mais ça le devient et c’est ce que le film réussit de plus beau : la relation ambiguë et vertigineuse entre David/Virginia et Claire.

     C’est un film sur la brèche, beaucoup plus touchant que caricatural. Et le film s’amuse beaucoup de ce statut-là, il est aussi très drôle et il me surprend sans cesse. C’est un peu à double tranchant le cinéma de François Ozon. Les personnages sont ici très beaux je trouve, ailleurs non. Alors oui ce n’est pas toujours finaud c’est vrai, A la rigueur j’aime moins le personnage joué par Personnaz, pas toujours bien dessiné. Mais la magie m’emporte dans son ensemble.

     C’est un peu ce que pourrait aujourd’hui faire Almodovar s’il savait encore faire des films. Bref, dans le top 5 Ozon, à l’aise.

Potiche – François Ozon – 2010

Potiche - François Ozon - 2010 dans Francois Ozon 19534590Les jeux de société.    

   4.5   Adaptation d’une pièce de théâtre, comme l’était avant lui Huit femmes, Potiche n’est rien d’autre que du théâtre filmé. Au pire c’est insupportable et suffocant. Au mieux c’est agréable, on passe un bon moment, et même si le film cherche à dire des choses intéressantes, il ne les véhicule pas par la mise en scène, souvent absente. Heureusement, Potiche appartient à cette deuxième catégorie. Très peu au tout début du film tout de même, les premières minutes sont hideuses. Disons que d’entrée (avec cette femme qui fait son jogging, parle aux animaux, affronte un mari despote et naïvement fait tout ce qu’il lui dit de faire) la mécanique tant attendue est en marche, mode Ozon, gros sabots, pantouflard, cliché à la manière de « je ne peux pas voir tes clients, je ne dois pas faire la cuisine, mais où est ma place ? ». Pourtant c’est d’abord dans la reconstitution que le film interpelle bien avant de séduire. Tout est kitch, criard, gentiment rétro, hyper appuyé (dans le bon sens : anti-naturaliste) et le film semblerait aussi vieillot s’il avait été fait dans les années 70.

     Puis peu à peu quelque chose de savoureux, dans les rapports, la réplique commence à se créer. Lorsque le mari tente d’apaiser une grève qui le mène à être séquestré, dérailler puis faire un infarctus, c’est la femme potiche (qui fait ça si bien depuis plus de trente ans) qui est amenée à reprendre les rennes. Schéma basique et attendu encore une fois. Mais c’est grâce à sa palette de personnages que le film rebondit. Car Luchini est excellent mais ça ne suffirait pas. Il y a d’abord les interventions (comme au théâtre) de la fille, qui ramène ses problèmes de cœur dont on apprend aussi à connaître les penchants politiques, très proche de son père. Il y a l’arrivée du fiston, fils à papa d’apparence, rebelle dans les faits, qui ne veut ni parler de l’usine de son père, ni de politique (ou alors seulement la politique de l’art) mais de son aventure amoureuse (qui pourrait très bien être de l’inceste contre son gré, ça il faudra attendre pour le découvrir) et de ses choix professionnels incertains. Mais c’est en la présence de Depardieu, en député-maire communiste que le film s’envole un peu encore. Evidemment tout ça n’est que du théâtre. Mais les acteurs en l’occurrence sont excellents. On se prend au jeu même si ça fait un peu politique d’entreprise pour les nuls. On se prend au jeu même si c’est un film d’étiquettes. De toute façon ça l’était déjà sur l’affiche du film, chaque personnage portait une étiquette sur son front qui ne lui correspondait plus, comme si tout avait été bouleversé, redistribué. Et Ozon joue beaucoup de ça.

     Le problème de ce cinéaste c’est la question de la distanciation qu’il offre avec ses films. Quand il fait Huit femmes, Potiche et même Sitcom je ne vois là aucune prétention, juste la volonté d’éveiller des sujets de sociétés, un peu barrés, théâtraux mais volontairement dérisoires. Ses films plus sérieux ne fonctionnent jamais. A l’exception de 5×2 qui restera encore aujourd’hui un grand mystère pour moi. Potiche ne révolutinne pas, il ne cherche pas à le faire. On pouvait s’attendre à un film féministe un peu bateau mais même là Ozon s’intéresse à l’évolution de ce personnage dans sa prise de pouvoir et sa volonté de reprendre les rennes matriarcaux qu’elle a définitivement perdu dans son foyer (il y a une très belle scène où la femme se voit refuser l’éducation de ses petits enfants par sa fille parce qu’elle est trop laxiste). Madame Pujol, désormais élue député (sans étiquette – l’expression est marrante) s’en va chanter une hymne à la vie (on reste dans le kitch, Ozon assume) après avoir remercier ses votants et les avoir réduit à être ses propres enfants, qu’elle veut chérir et cajoler. C’est donc moins une prise de pouvoir féministe que la volonté de revivre (par la jeunesse – une femme au marché dira que la Pujol rajeunit) une situation de famille à l’échelle du monde (enfin d’abord d’une région) et c’est à mon sens ce que réussit de mieux le film.

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