La nuit du carrefour.
7.0 Voici un très beau premier film, qui compense sa narration vaporeuse de premier long métrage par un bel appétit formel, captant un merveilleux Paris nocturne, tout en utilisant très judicieusement la musique électro de Rone. Un film stylisé, aérien, dont on retiendra entre autres ces belles virées sur le boulevard périphérique.
C’est l’histoire d’une rencontre entre deux êtres au bord du gouffre. Lui c’est Jin, ancien DJ (chez lui, en Chine) immigré en France, devenu chauffeur VTC de nuit pour un garage mafieux dont il semble s’être endetté depuis qu’ils lui ont servi de passeur. Elle c’est Naomi, strip-teaseuse dans un nightclub miteux. Il rêve de composer sa propre musique, elle rêve de rejoindre Marseille.
Leur rencontre – impromptue – est ce que le film capte de plus beau, doux, intense, flottant. Une somme de parenthèses qui semblent affranchies du réel. Dans le taxi, pendant un concert puis chez elle. Ça pourrait durer des heures, c’est superbe, on a presque la sensation d’être chez Hou Hsiao Hsien. Guang Huo & Camelia Jordana, sont tous deux irradiants de beauté.
Mais le film est suspendu entre deux pôles, c’est une sorte de Drive à Belleville, une étincelle d’espoir dans un monde prisonnier de l’ubérisation et de l’exploitation des corps. Et c’est ce Paris-là qui intéresse Farrucci, celui des immigrés clandestins et des receleurs, on navigue dans la communauté chinoise, on s’immisce dans le quartier ivoirien et on entame les courses sous des ponts à côté des tentes de migrants.
Et le film capte bien cela, cet aspect très brut, naturaliste, noctambule et interlope, tout en restant aussi un vrai produit détaché, un pur film d’ambiance, engourdi, musical, un peu à l’image de son personnage, qui passe son temps libre dans les Cybercafé pour mixer ses compos. C’est un beau polar de la nuit, qui vise la lumière mais qui sait le prix qu’elle coute.