Publié 22 octobre 2024
dans Gabriel Abrantes
Time eats us.
6.0 Ravi de retrouver le réalisateur de Diamantino qui m’avait tant séduit il y a six ans. Ce deuxième long est plus classique, reprenant grassement les codes du film d’horreur, mais j’aime sa façon de jouer avec ce manoir et les couches de révélations crescendo. C’est clairement Shining, dans la forme. Le récit, lui, s’inspire du tableau de Goya « Saturne dévorant ses enfants » faisant d’Amélia, la mère, un être en putréfaction qui retrouve sa jeunesse sitôt qu’elle engendre ses progénitures avec ses progénitures. Il y a de bonnes séquences bien cringe et creepy.
Publié 24 décembre 2018
dans Daniel Schmidt et Gabriel Abrantes
L’émigrant.
7.0 Dans sa dose de formalisme ultra référencé, Diamantino peut grossièrement se loger dans la continuité d’Un couteau dans le cœur ou Les garçons sauvages. S’il est moins vénéneux que le Mandico, moins romanesque que le Gonzalez, on y retrouve néanmoins cette manifestation éclectique d’un cinéma en surface adolescent, inconséquent mais dont la vitalité, géniale et bouffonne, stimulante et grotesque, exacerbe ses enjeux, ce d’autant plus qu’il est rare de rencontrer une œuvre qui mélange à ce point les genres et les inspirations. Au départ c’est presque le Malick de The tree of life qui rencontre Zidane, un portrait du XXIe siècle, à cette différence près qu’on s’ouvre sur le cosmos pour plonger non pas dans un cercle familial mais dans une arène de football, « chapelle Sixtine moderne » nous dira le personnage en citant les mots de son défunt père qui dit qu’aujourd’hui le sport a remplacé la religion. Il ne s’agit plus de suivre la respiration de Zizou mais ce resucée de Cristiano Ronaldo, benêt rêveur qui drible de gros chiens poilus au pelage rose avant d’être brutalement déchu de son statut de superstar, de n’être plus qu’un mème internet et d’être manipulé par d’ignobles sœurs perverses et arrivistes. Et bientôt c’est Minority report qui joue sur le terrain de Suspiria. La comédie qui croise la SF et le thriller horrifique, en fait. Sans parler du double clin d’œil on ne peut plus évident, carrément jubilatoire, au final du Nouveau monde (L’Or du Rhin, de Wagner, c’est le frisson absolu à chaque fois pour moi) puis à Shining – Les jumelles maléfiques sous les stridences de Béla Bartok, putain. Il me semble que le film, aussi bancal et imparfait soit-il, saisit quelque chose de la vulgarité de son époque – Sa violence, sa bêtise, mais aussi son romantisme – un peu comme De Palma le faisait si admirablement durant les années 80. Ici c’est le football qui devient l’outil d’une société qui vire fasciste et tente de récupérer un héros ordinaire, inconscient de sa portée politique – mais qui se prend d’amour pour la cause des migrants lorsqu’un jour, alors qu’il bulle sur son yacht, il recueille un radeau de réfugiés – pour en faire un porte-parole national. C’est un film dans l’air du temps, en somme, tout petit mais in fine important, bancal mais plus lucide que la moyenne, jusque dans ses multiples supports d’images. Et l’on sent qu’Abrantes & Schmidt sont passionnés par leurs personnages, même les plus détestables, fascinés par leur époque, notre époque. Et qu’ils ont voulu offrir à ce récit abracadabrant une issue douce, romantique, improbable, entre une espionne déguisée en migrant et un footballeur déchu qui traverse une crise existentielle, moins pour légitimer la superficialité de leur objet que pour raconter leur croyance en la beauté (masquée) de ce monde. Ça me touche beaucoup.
Publié 24 décembre 2018
dans Gabriel Abrantes
Buste de bite.
5.0 C’est un agréable préambule à Diamantino. C’est mignon, assez vain, tout à fait oubliable, mais il y a une inventivité, une dynamique que sur un tel format (7 minutes) je n’avais pas vu depuis les courts métrages de Peretjatko. Abrantes s’amuse de la reconstitution (On y croise Brancusi, le sculpteur, Marie Bonaparte, le modèle, mais aussi Sigmund Freud), de la voix off (hyper drôle), d’idées farfelus en tout genre, d’un humour à la limite du mauvais goût, pour raconter, à sa façon, le destin de cette sculpture dorée représentant le buste d’une princesse mais ressemblant plutôt à un phallus. Dans la version originale, c’est Abrantes lui-même qui fait la voix off. Chez nous c’est Leatitia Dosch et ça dépote.