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La vie scolaire – Grand Corps Malade & Mehdi Idir – 2019

13. La vie scolaire - Grand Corps Malade & Mehdi Idir - 2019Entre les esprits rebelles.

   6.0   Si le décor est différent, on retrouve le même geste, la même respiration, la même patte que pour Patients, le précédent (et premier) film de Grand Corps Malade et Medhi Idir. C’est une suite de saynètes, remplies de punchlines forcées, qui marie la légèreté à la gravité, varie humour et sérieux avec une certaine aisance. Certains personnages, comme Badr sont esquissés sur un trait de personnalité, une manie, une mimique, une manière de s’exprimer mais ça fait partie du deal, de cette lecture qui tient autant du stand-up dans sa façon de vouloir faire rire le spectateur de façon très insistante que de la bande dessinée humoristique avec une situation une planche, qu’on peut aussi trouver dans un film comme Les sous doués ou Les beaux gosses. C’est infiniment mieux écrit que le premier, beaucoup moins audacieux que le second, certes, mais on ressent un amour dévoué pour chacun de ces personnages, ces acteurs, les petits comme les grands. C’est aussi le pari et le risque du film de vouloir s’intéresser aux deux mondes jusqu’à les confondre. Un moment donné, une séquence suit une fête entre les enseignants et une autre entre les élèves dans un montage alterné où l’on découvre qu’ils font finalement la même chose. C’est mignon. C’est une scène clipesque comme il y en aura beaucoup dans le film (et comme il y en avait beaucoup dans Patients) soit une sorte de plan(s) séquence(s) avec tout plein de fondus enchainés (dans un verre, des lunettes, une porte etc…) sans aucun autre intérêt sinon celui de servir un rythme de clip et donc s’accommoder au morceau présent à ce moment-là : Shelly Amn, de Red Rat. Malgré tout et comme ça pouvait déjà être le cas dans son film précédent, ces séquences servent moins d’emballage musical (assez imposant ceci étant : Shurik’n, Doc Gyneco, Stevie Wonder, Ben Mazué) ni à étaler un savoir-faire technique qu’à embellir chacun des acteurs, des personnages, ici en particulier Liam Pierron & Zita Hanrot, Yanis & Samia, élève & CPE, qui se reflètent et se complètent malgré tout, et qui partagent le secret, très cruel et beau, de se croiser au parloir d’une même prison. Après, dans sa dimension sociale je trouve le film un peu juste. On sent que les mecs ont adorés leurs années collège, qu’ils veulent en faire un film avec leur point de vue de l’époque, leurs petites anecdotes en rafale, tout en le remettant aux données du jour, mais si La vie scolaire essaie de montrer, seulement par l’intermédiaire du professeur d’histoire incarné par Antoine Reinartz, un abandon mu en colère contre les élèves, il ne sonne pas très réaliste dans sa démarche réconciliatrice anachronique. Il n’y a rien, dans La vie scolaire, qui montre une préoccupation sociétale, une perplexité face au système, à contrario du film de Michel Leclerc, La lutte des classes. Du moins, il me semble. Ça reste un film très plaisant à regarder, quoiqu’il en soit.

Patients – Grand Corps Malade & Mehdi Idir – 2017

04. Patients - Grand Corps Malade & Mehdi Idir - 2017La vanne c’est la vie.

   7.0   Je lance mes rattrapages de films nommés aux Cesar avec la première réalisation de Grand Corps Malade, film bien reçu partout, presse et public compris. Ce qui prouve, n’en déplaise à Dany Boon, qu’on peut faire du cinéma populaire intelligent.

     Les excellents retours entendus autour de moi depuis sa sortie n’étaient pas usurpés, Patients est un très beau film, un feel-good movie brillamment écrit, drôle sans tomber dans l’excès de vannes du film trop cool (façon Polisse) et campés par de magnifiques comédiens  incarnant des personnages bien fouillés, développés, complexes.

     L’intégralité du film se déroule dans un centre de rééducation sur une durée d’environ un an dans la mesure où l’on suit le « séjour » de Ben, tétraplégique incomplet, de son entrée à sa sortie. L’histoire de Ben c’est évidemment celle de Grand Corps Malade. Ça on l’a vite assimilé. On apprendra par ailleurs que le centre en question est celui où il fit sa propre rééducation.

     Le film s’amuse beaucoup à recréer les années 90 (Celles durant lesquelles la vie de l’auteur a changé) sur des petites touches minuscules puisque recréer une époque dans un hôpital c’est pas simple. C’est ici une émission, là un vêtement. Un polo Com8, un sweat Champion, un clip Patricia Kaas, Intervilles, le M6 Boutique.

     Il y a bien quelques parti pris de mise en scène un peu lourds à l’image de ces trois séquences musicales, sous Lunatic, Nas, puis The Roots, au ralenti macro ou en accéléré pour les unes, en travelling latéral pour illustrer le passage du temps dans l’autre, mais globalement c’est fait avec sobriété, sans esbroufe, en tout cas ce n’est jamais rédhibitoire, ça remplace le traditionnel chapitrage.

     Même le début avait tendance à faire peur avec sa caméra subjective bien glauque façon Le scaphandre et le papillon mais si le procédé est vite remis aux oubliettes, il permet surtout d’entrer dans le film au plus près de son personnage, puisqu’on entre en lui avant de faire connaissance, en même temps que lui, avec son nouvel univers : les lieux, le personnel et les autres patients (avec quelques superbes trouvailles), l’ennui et comment le combler.

     Le film brosse surtout de très beaux portraits, entre les camarades de chambre, de couloir, de cantine : Un garçon blessé par balle, un accidenté de la route, un handicapé depuis l’âge de quatre ans, entre autre. Chacun ses séquelles, chacun sa vitesse de progression. Quand progression il y a. Et c’est là toute la cruauté de la situation et ce pourquoi le film ne pouvait le traiter autrement que sur ce registre qui est aussi le registre, disons plutôt le tempérament, de Ben. Si le film avait choisi de suivre Steeve, nul doute que sa dynamique aurait été différente.

     Chacun a donc son histoire, son handicap, son passé, une raison d’y croire ou de ne pas y croire. A ce titre l’embryon de romance, que j’ai d’abord perçue comme une facilité de scénario, est une riche idée tant ça permet de déceler les différences de tempérament. Difficile de trouver un terrain d’entente quand l’une a survécu à son suicide et l’autre est là pour un débile accident de plongeon dans une piscine. L’issue de cette relation est là encore traitée avec une grande intelligence.

     Le film serait évidemment peu sans ses nombreuses joutes verbales, parfois hilarantes (On n’est pas loin d’un combo La Haine / Le ciel, les oiseaux et ta mère) tant tout se joue sur le registre de la vanne, le meilleur rempart fraternel face au désespoir latent. Le film dure pas loin de deux heures et on ne les voit pas passer. Epatant premier essai.


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