Archives pour la catégorie Guillaume Canet

Asterix & Obelix, L’empire du milieu – Guillaume Canet – 2023

06. Asterix & Obelix, L'empire du milieu - Guillaume Canet - 2023Mission Obelix.

   4.0   Guillaume Canet mange a tous les râteliers : il veut à la fois être dans la roue de Zidi que dans celle de Chabat et Langmann. En résulte un truc hybride avec entre autres quelques références populaires bien dispatchées : une situation calquée sur La chèvre – Pierre Richard en Panoramix s’enfonce dans les sables mouvants (et voir son fiston se délecter du clin d’œil, c’est assez chouette) – ou une réplique des Bronzés font du ski, ou une séquence en musique sur Dirty dancing. C’est gratuit, complètement infondé dans le récit mais c’est vraiment pas ce qui m’a déplu.

     Notons que le film a quelques atouts dans sa manche, à commencer par Obelix, incarné par Gilles Lellouche : ça lui va super bien, franchement. Mais pour être franc je n’ai jamais trop aimé le duo Clavier/Depardieu, même dans Mission Cléopâtre je trouve qu’ils font tâche. Lellouche lui apporte autre chose, une touche plus imposante (il vole clairement la vedette à Asterix, déjà) et romantique. Ensuite il y a Jonathan Cohen, en Graindemaïs, qui fait du Jonathan Cohen, et qui moi me fait toujours rire, sur une vanne ou une mimique. Pareil pour Ramzy en Epidemaïs. Ou Philippe Katerine en Barde. Ou l’easter egg du double rôle surprise de Marion Cotillard.

     Bien entendu on regrette qu’il y ait tant de guest qui d’ailleurs n’auront pour la plupart que dix secondes d’apparition à l’écran. C’est vraiment l’époque Tiktok que vient représenter cet opus. Bien entendu il y a des trucs consternants comme l’accent brésilien de José Garcia, la séquence Zlatan Ibrahimovic (même si le claquage m’a fait sourire, j’avoue) ou Cassel en Jules César imitant le geste de Jul. Au secours. Ou bien balancer le « Ecstasy of gold » d’Ennio Morricone, avec l’exploit de très mal l’utiliser.

     Il y a aussi beaucoup de séquences attendues, trop programmatiques pour s’intégrer dans « une nouvelle aventure ». Surtout au début : la même installation, les mêmes gags, la même voix off de Darmon, le même romain qui vole. Tout sonne Mission Cléopâtre, sans que ça fonctionne. Avec une petite volonté de s’inscrire dans l’époque : Asterix a viré écolo-vegan. Bref, les premières minutes, c’est l’enfer.

     Mais ce qui restera le plus problématique c’est qu’on ne sait pas où sont les 65 patates si ce n’est pour les stars. On ne voit rien, les décors sont très faibles, les scènes d’action pas du tout inspirées. Le film, pourtant cher sur le papier, ne procure jamais la sensation épique qu’il revendique, aussi bien par son imposant casting que par son utilisation musicale ou son récit déployé sur plusieurs continents. Parfois je me suis même demandé s’ils avaient pas directement tourné dans les allées du Parc Asterix. Il n’y a que des stars. Qui font leur petit cameo-sketch sans intérêt, dans l’espoir que leurs fans respectifs se contentent du reste : Ici c’est Angèle ou Orelsan, là Bigflo & Oli, McFly & Carlito ou Zlatan et Florent Manaudou. On est dans la lignée « arguments marketing » ridicule des Jeux olympiques.

     Suivant l’humeur on pourra trouver cela gentillet ou embarrassant j’imagine. Moi je suis assez admiratif in fine de voir Canet se lancer là-dedans. C’est suicidaire de passer après un film (celui de Chabat) qui est l’un des rois du box-office. Et un film, qui, j’en suis persuadé est plus chouette en tant que film de Chabat (de l’esprit Canal, disons) qu’en tant qu’adaptation d’Asterix : des supers sketchs mais une aventure toute pourrie. Et pourtant, Canet il fonce, tête baissée. Et il parvient à capter l’ère (merdique) du temps, avec un truc médiocre mais honnête, en rapport à la moyenne des adaptations d’Asterix : Beaucoup moins ringard que le premier et beaucoup moins cocainé que le troisième. Passées les vingt (difficiles) premières minutes, le tout s’avère même plutôt divertissant. Jamais hideux visuellement. Pas trop survolté, non plus. Je m’attendais à bien pire.

Nous finirons ensemble – Guillaume Canet – 2019

41. Nous finirons ensemble - Guillaume Canet - 2019Mes amis, mes amours mes emmerdes…

   4.0   Il s’agit donc de la suite directe des Petits mouchoirs. Dix ans plus tard. Rien de nouveau sous le soleil du Cap Ferret. Toujours la même sensation de voir le film d’un type qui s’excuse d’avoir le fric et la réussite, au point qu’il l’intègre maintenant dans le récit : Max (François Cluzet, son héros dépressif) ne s’attaque plus aux fouines qui vadrouillent dans ses cloisons, mais il doit vendre sa maison de vacances car il a fait un mauvais placement. Heureusement ses potes sont là. Ce sera évidemment un poil plus compliqué que ça, mais au final ils seront là, le sauveront du suicide et feront en sorte qu’il garde sa jolie baraque.

     Avec Nous finirons ensemble, il devient évident que Canet ait voulu réaliser son dyptique à la Yves Robert. Rien que le titre évoque Nous irons tous au paradis. S’il ne lui arrive évidemment pas à la cheville, c’est moins pour sa faculté à créer un groupe et des individualités fortes, que dans sa propension à jouer les cyniques. Il y a d’abord  ce vulgaire étalage sans vergogne : Ils ont leurs bateaux, catamarans, golfettes privées, ils font des sauts en parachute, se louent un chalet gigantesque, bref c’est un joli cadre de dépression et ça semble tout à fait normal. C’est la normalité de toute bande de potes, semble dire le film. Mais le pire c’est ce mépris de classe permanent : Quasi tout le monde est moqué là-dedans c’est terrible. Le film ne cesse de dire : Les gens sont cons. Alors évidemment il n’est pas très tendre avec ses personnages principaux non plus, mais ce sont des personnages qui existent donc on s’y attache, on les apprécie avec leurs défauts, tandis que les autres ne font que passer, ce sont tous des connards en une (le vacancier sur le parking, les acheteurs) ou plusieurs (la nourrice, l’agent immobilier) apparitions. On ne leur donne pas de place pour être autre chose. Et c’était déjà ça dans Les petits mouchoirs. C’est vraiment ça le problème, le fléau du « film de potes ». Quand on regarde les films de Sautet ou ceux d’Yves Robert, ça ne tombe jamais là-dedans. Il n’y a pas un personnage qui va déverser sa haine (Lellouche dit clairement « La grosse » puis « Ferme Ta Gueule » sans qu’on ne lui en veuille, le pauvre, avec la tentative de suicide de son poto sur les bras) sur une nounou relou, qu’on va regarder partir en nous obligeant presque à penser qu’il a raison. Franchement je ne comprends pas qu’on puisse écrire un truc comme ça.

     Bref, c’est souvent dégoulinant de gêne, parfois carrément gerbant de condescendance (Tous ces figurants réduits à n’être que des pantins méprisés, sacrifiés pour servir la soupe à un membre de la team-Caneton) mais il y a aussi des instants plus réussis dans l’intimité, où le film réussit à nous faire croire en l’existence de ce groupe, cette amitié électrique, fragile et tenace. Et le fait de l’ancrer dix ans après l’original lui permet de trouver une mélancolie dont il ne se cache pas (Dujardin fera même une apparition) et sans doute aussi une plus grande liberté avec le côté chronique, parfois même burlesque – Merci Laurent Lafitte, qui se prend toujours autant de râteaux, continue d’être toujours aussi maladroit (« Le crabe c’est pour elle ! ») et qui malgré tout, reste un personnage assez attachant. Bonus tronche de Coluche dans Banzai, le pauvre : Une vilaine histoire de chenilles récalcitrantes, juste après qu’il ait dit aux ados d’arrêter de jouer avec leurs téléphones, qu’ils sont des gamins chiants, que lui quand il était petit il écrivait des poèmes, faisait des cabanes dans les arbres.

     Si comme le premier je n’arrive pas vraiment à détester ça (quand bien même j’abhorre ce qu’il véhicule, socialement, humainement, cinématographiquement) c’est en grande partie parce que les acteurs sont excellents, chacun dans leur registre. Il faut passer outre de nombreux frissons de la honte, certes, mais je ne vais pas mentir : Le film me fait parfois rire, sur une vanne ; Sait m’émouvoir, sur un regard.

     Au final je le préfère à l’original, je crois, car je m’y sens beaucoup moins manipulé. Entre le terrible plan-séquence d’ouverture, l’homosexualité refoulée du copain, le crescendo mélodramatique, Jean-Louis et le « T’es une belle personne », le chantage émotionnel des Petits mouchoirs, c’était quelque chose. Là il me semble que le film est plus doux. Ou alors c’est parce qu’on a compris son petit manège. L’inondation musicale ne choque même plus.

Rock’n Roll – Guillaume Canet – 2017

rock-n-roll-guillaume-canet-critique-cine-300x200This is annoying 40.

   4.0   Guillaume Canet fait sa petite crise de quarantaine, le pauvre et nous en fait part. Il reprend les fondements de Platane – Série dans laquelle il apparaissait le temps d’un épisode – ou presque, à savoir qu’il joue son propre rôle au même titre que tous ceux qui gravitent autour de lui : Marion Cotillard, Gilles Lellouche, Yvan Attal, Ben Foster, Kev Adams (lol). Il y a pourtant de l’idée au départ : Quand Guillaume se voit proposer des rôles de vieux (En l’occurrence un rôle de jeune grand-père) Marion, elle, continue d’affoler la planète César et de tourner chez Xavier Dolan. Toutes les scènes dans lesquelles elle apparait sont géniales parce que c’est du registre de la scène de ménage et que Marion Cotillard et son accent Québécois (pour les besoins de son rôle) c’est à se tordre. Problème est que le gag se répète un poil trop et qu’il finit par ne plus faire rire : Cotillard parle avec l’accent québécois, très bien, on finit par l’accepter. Car le film manque de rythme et de gag. On sent que Canet veut faire de la comédie mais ça ne marche quasiment jamais – Le moment ridicule avec Johnny ou le passage Céline Dion, par exemple. Et puis il faut dire que passer la moitié, je ne raconte pas mais ça vire au grand n’importe quoi. Et puis la musique c’est Yodelice, quoi. Après je trouve ça moins nul que Blood ties et moins insupportable que Les petits mouchoirs, il y a de l’autodérision, quelques petites touches d’humour bien senties, mais disons que je ne vois pas trop ce qui, dans le fond, différencie ce dernier film de Canet du dernier bousin de Claude Lelouch : Dans les deux cas, l’histoire n’est que prétexte pour célébrer des stars et se la jouer cool. Super.

Blood ties – Guillaume Canet – 2013

02. Blood ties - Guillaume Canet - 2013Boring ties.

   2.5   Remake d’un film de Jacques Maillot, Les liens du sang, Blood ties a tout du passeport idéal pour les Etats-Unis : néo-polar bien dépressif, doté d’un improbable casting 4 étoiles et produit par James Gray. Si l’on voit vite que Canet veut faire son We own the night, il faut bien dire que rien ne fonctionne ici, le film est beaucoup trop long, maladroit, sans âme, anecdotique et la tension dramatique (La tragique trajectoire de frangins que tout oppose) convoitée proche de zéro. L’original (Dans lequel Canet y campait le fils préféré) était déjà pas terrible mais il y avait une ambiance, le film était plus nerveux, plus poisseux, moins foutraque. Là il n’y a rien. Sans compter que Canet accompagne ad nauseam chaque scène d’un morceau de sa playlist de bon goût et que ça plombe absolument tout. N’est pas Scorsese qui veut. Dans un registre similaire et si ces films ne sont pas indispensables, je préfère de loin La French, de Jimenez ou Animal Kingdom, de Michôd. Américanisés à mort aussi ceux-là mais plus subtils, moins dans la surenchère bas de plafond. Ici, outre le fait qu’aucune scène n’explose vraiment, outre le fait qu’on ne croit à rien, ni aux situations ni aux interactions, tout pèse une tonne, tout est surligné pour ne jamais trop nous perdre, même lorsque Blood ties s’adonne à la course-poursuite, ultra prévisible. Et le film semble tellement certain d’être le parfait polar classique en permanence qu’il en devient carrément grotesque.

Les petits mouchoirs – Guillaume Canet – 2010

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To be true.     

   3.5   Guillaume Canet a tout compris, c’est édifiant. Quand il n’est pas dans la performance, il cherche à séduire, par tous les moyens qui lui sont possibles. L’utilisation musicale abusive, et sous forme de clip, pas simplement en fond sonore. L’omniprésence des larmes, en gros plan généralement. La volonté de montrer la cruauté de ce voyage, mais d’en montrer aussi les remords. Quelques blagues potaches pour que ce ne soit pas trop plombant non plus. Et une tripotée de stars. Sur ce point, Les petits mouchoirs commence assez mal. Pourtant on dit partout que c’est un film sur la vraie vie, les vrais rapports, Canet dit lui-même qu’il est un peu tous ces personnages, que c’est un film très personnel, que c’est le film de sa vie. Mais pour parler de personnages, encore faudrait-il qu’ils aient le statut de personnages, non de stars. Moi je ne vois pas de groupe sur lequel je peux m’identifier, je vois un casting qui sort du tapis rouge, qui plus est lorsqu’on les découvre pour la première fois à l’hôpital, tous ensemble. Franchement ça impressionne. On a envie de dire : « Tout le monde est là, c’est bon, on peut commencer ? » donc niveau dramaturgie c’est le point mort mais surtout il est impossible de s’identifier. Et puis comment parler d’un film qui fait naître de véritables émotions (c’est ce qu’on entend aussi partout) quand toutes les situations les plus lourdingues sont accompagnées musicalement, et pas n’importe comment hein, c’est Antony & the johnsons, Nina Simone, Band of Horses etc… Enfin c’est bien, c’est agréable à l’écoute mais c’est chargé quoi. Evidemment comment ne pas pleurer. J’en étais vraiment pas loin par moment, et puis j’essayais de me convaincre de m’en éloigner, me persuadant qu’on me manipulait. C’était le cas. Chaque fois un gros plan, chaque fois une musique. Bien entendu à certains instants ça passe, on se laisse malheureusement happé. Bien heureusement parfois c’est tellement grotesque que ça en devient risible. Et comme s’il s’agissait d’un hasard, il y a dans chacun de ces moments la présence de Gilles Lellouche, soit l’acteur le plus détestable du monde. A commencer par une scène de rupture, en plein Paris, où le bon vieux Gilles se donne en spectacle devant les restaurants pour ne pas perdre sa bien aimée. Affligeant. Qui fait ça, sérieusement ? D’ailleurs la scène, à l’image du film, se terminera bien, comprenez de façon émouvante, juste dirait sans doute Canet. La nuit est tombée, Lellouche escalade jusqu’à l’étage pour rejoindre cette femme qui dort à poings fermés. Il l’observe, s’aperçoit qu’il l’aime, et donc que s’il veut respecter cet amour qu’il porte pour elle il doit la laisser filer. Gilles le beauf est devenu Gilles le juste. Un peu plus tard il y a une scène extraordinaire, le genre de scène de film (surtout celui-ci) que si tu as le malheur de laisser échapper un fou rire nerveux, ou ne serait-ce qu’un pauvre rictus, la salle, en larmes et petits mouchoirs au nez, t’égorge sans ménagement. Cotillard est enceinte. On le sait depuis un moment tellement la scène en question était subtile. Mais Cottilard fume toujours beaucoup. Et c’est d’ailleurs incroyable, il n’y a pour ainsi dire pas un plan où Cotillard ne fume pas de pétard, j’y reviendrai parce que c’est intéressant. Donc, Cotillard fume. Lellouche le juste entre dans la pièce, s’assied à ses côtes. Le Lellouche du début l’aurait violé. Le nouveau Lellouche lui ôte le joint qu’elle tient en main et l’écrase, puis pose la main sur son ventre, en faisant un léger non de la tête. Cotillard s’effondre. Je me suis contenu. Après ce n’est vraiment pas une question d’interprétation. Je trouve Cotillard excellente dans ce film, son meilleur rôle depuis Taxi. C’est vraiment une question de mise en scène. Canet est un vrai plouc.

     Pourtant j’aime pas mal de choses dans ce film, vraiment pas mal de choses. A commencer par cette relation particulière entre Cluzet et Magimel. Tuée dans l’œuf lors d’une explication assez hideuse mais j’essaie d’oublier cette issue. Magimel et Cluzet sont potes depuis longtemps, et même que Cluzet fait des séances de kiné chez son ami. Magimel est marié, il a un enfant, mais il éprouve quelque chose qu’il peut difficilement affronter, il est amoureux de son ami. Il ne sait pas comment, puisqu’il n’a pas envie de faire l’amour avec lui, ni de l’embrasser mais il est amoureux. Mais attention, Magimel répète maintes fois qu’il n’est pas pédé, on l’aura compris. De toute façon ça se saurait, aurait-il pris du plaisir lors de la pipe d’Huppert dans La pianiste ? Je m’égards. Donc, cette relation amicale devient très vite une relation qui perturbe un peu tout le monde, puisque c’est une non-relation. Magimel est très gêné, Cluzet est énervé, pire il a peur. Ils ne se parlent plus, s’évitent au maximum. Magimel joue donc un personnage très touchant, et vraiment je l’ai trouvé touchant. Quant à Cluzet, le personnage clown du film, il devient complètement taré. A leur arrivée au Cap Ferret, il fait un scandale parce que la pelouse n’est pas tondue depuis trois jours, puis il se met à chercher des fouines qui hantent son toit et ses nuits. Il perd la boule, à ne plus parler à personne, à ne plus dormir. Et Cluzet est drôle c’est incroyable. J’ai toujours eu un problème avec cet acteur (aussi infime soit-il, par exemple ça me gênait déjà dans le très beau film de Giannoli : A l’origine) qui me donne l’impression d’exagérer en permanence, d’être continuellement dans une emphase théâtrale. Ici, le rôle lui sied à merveille, il peut s’en donner à cœur joie, il est en roue libre et ça passe pour notre plus grand plaisir. Les situations les plus rocambolesques ce sont celles initiées par ce personnage. La surprenante engueulade du gosse de son pote qui trichait à un deux trois soleils. L’annonce publique de la véritable identité sexuelle de son ami. La destruction d’un mur à la masse pour se farcir une bonne fois pour toute ces satanées fouines. Et d’autres situations encore. Car il y en a certaines aussi qui permettent de découvrir Valérie Bonneton, une actrice épatante, qui interprète sa propre femme. Elle est excellente, autant dans son abandon que dans sa prise de pouvoir. Heureusement car les autres femmes sont effacées. Même Cotillard. Elle rumine la pauvre, elle ne trouve pas chaussure à son pied, l’amour semble être un point d’interrogation pour elle, et puis le seul qu’elle ait jamais aimé, sans pour autant que cela se concrétise et bien il est aujourd’hui sur un lit d’hôpital, entre la vie et la mort, sans vraiment qu’elle sache qu’il est plus proche de la mort.

     Oui car il s’agit quand même d’un film sur la mort. Enfin dans un premier temps sur l’absence. Mais plus tard sur la mort. Leur ami à tous a eu un accident de scooter (scène d’entrée impressionnante au passage, même si prévisible, même si trop illustrative) mais ils décident d’un commun accord de tous partir en vacances en pensant à lui. Ils devaient partir un mois, ils tablent sur quinze jours. Ils ont un grand cœur. Quand ils reviendront pensent-ils, l’accidenté ira mieux. Pas de bol bien entendu. La mort de Dujardin (il fallait quand même avoir des cojones de malade pour foutre dans un film Dujardin sur un lit d’hôpital, Dujardin l’acteur français que tout le monde adore. Bon finalement c’est comme tout le reste, on se dit que si Lellouche avait été à sa place, l’effet aurait sans doute été moindre) apparaît au moment où l’on s’y attend presque le moins, et elle est dite assez méchamment, intensément par un de leurs amis autochtone, ostréiculteur – le meilleur acteur du film qui d’ailleurs n’en est pas un – qui leur annonce ça en même temps qu’il les mets tous face à leurs futilités quotidiennes qui ont nourrit l’ensemble des vacances. L’ambiance devient cruelle. Mais cette scène est réussie. Le film aurait dû s’arrêter là, et nous aurait épargné toute cette sensiblerie larmoyante autour du cercueil de Dujardin. Chacun y dit quelques mots, puis on est au cimetière, ça dure trois plombes. Tout ça accompagné musicalement, on se croirait dans Grey’s Anatomy. Bref c’est assez atroce. C’est quand même dommage pour un film entre potes, sur l’absence, de ne pas lui offrir la puissance d’un film de Sautet, lequel Canet dit s’être inspiré, avec Cassavetes, on croit rêver. Chez Sautet  il y avait de vrais liens, puis une véritable tension, comme dans la scène du gigot, dans Vincent, François, Paul et les autres. Il y avait aussi, ce qui ici est totalement absent, de très longues scènes de groupe, comme la partie de football ou le match de boxe. Là il y a des séquences de mal aise essentiellement, comme le coup de gueule de Cluzet, mais on est plus généralement du côté de la farce, en partie grâce à la présence de Laurent Laffitte, étonnant sosie de Michel Lebb, qui n’est autre que le gros boulet de la bande. Il y a aussi cette belle scène où Cotillard, traînée par ses amis masculins sur une sorte de bouée tirée par un bateau, perd totalement son calme, on voudrait que ça dure mais ça ne dure pas. Rien ne dure, jamais. Dans Les petits mouchoirs je ne crois à aucun des liens, aucune des pseudos tensions, il y a bien quelques scènes ci et là qui fonctionnent mais c’est maigre. Les personnages sont tous à mettre dans des cases, aucun n’évolue, donc aucun n’existe véritablement, c’est un peu dommage.

     De toute façon, le titre, d’emblée, suffisait à faire peur : Les petits mouchoirs. Un film sur un groupe d’amis qu’on appelle Les petits mouchoirs. Kasdan, sur le même pitch, avait fait Les copains d’abord. Poiré, sur l’idée des retrouvailles de groupe avait fait Mes meilleurs copains, Sautet sur un pitch là-aussi similaire, avait fait Vincent, François Paul et les autres. Il y a cette notion de groupe dans ces titres, avant tout. L’absence, la perte, le temps ne sont qu’un prétexte. Dans Les petits mouchoirs, le prétexte c’est malheureusement le groupe.

     Et puis il y a quelque chose d’assez désagréable, et en continu dans ce film, c’est l’obsession de Canet pour le paraître cool, l’obsession pour le bon goût. Je parlais tout à l’heure de Marion Cotillard qui ne cesse de fumer. C’est l’exemple parfait. C’est comme si Canet faisait son film en fonction de certains détails, qu’il écrivait ses scénarios autour de détails. Cotillard fume des joints non-stop, ça fait bien ça, ça fait libre. Cluzet en père de famille d’apparence modèle dit d’un coup plein de gros mots, en perd son latin, c’est rigolo. Et puis Magimel est peut-être gay, ça fait bien d’avoir un ami qui a une attirance homosexuelle dans un film. Tellement bien que l’on apprend plus tard que Cotillard aussi a des expériences avec des femmes, ça lui a plu ça à Canet, il était tout chose. Au début, Cotillard couche avec Mathieu Chédid, et lui demande de ramasser sa capote, elle est pleine de sperme. Ça aussi ça fait cool, a dû se dire Canet, ça fait pas conformiste c’est bien. Et puis Cottillard va pour se mater un film, pas La septième compagnie, c’eut été la faute de goût, mais Coup de tête, la classe ! Même délire cool pour toutes ces séquences sportives. Ou par exemple le côté nostalgique des vidéos des années passées, ça aussi c’est bien, ça fait cool. Les personnages de Canet, à trop vouloir plaire, en deviennent pas intéressants. Et puis à aucun moment il s’immisce dans leur intimité, il faut sans cesse qu’ils soient plusieurs dans le plan. Ça en devient assez lourd. Reste quelques moments gags. Alors on cherche Cluzet partout et c’est plutôt marrant comme jeu. Reste aussi que le tout devient attachant, sans que je ne sache trop pourquoi. Ce n’est pas un film sympathique, pourtant il me fait l’effet d’un film sympathique. Il ne m’énerve pas comme le dernier Doillon par exemple. Il ne m’ennuie pas comme le dernier Kitano. Il ne m’est pas antipathique comme le dernier Coen. Sa naïveté me le rend sympathique, comme le dernier Blier. Mauvais mais sympathique. De toute façon, sympathique n’a jamais été un compliment, cinématographiquement tout du moins.


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