Archives pour la catégorie Guillaume Nicloux

La petite – Guillaume Nicloux – 2023

12. La petite - Guillaume Nicloux - 2023La question du père.

   5.0   Nicloux l’imprévisible aura offert la même année La Tour et La petite. Aucun rapport. Ici on y retrouve un fond assez proche de celui de Valley of love (les retrouvailles d’un couple à la mort de leur enfant) mais dans un registre formel complètement effacé et une dimension théorique absente, bref une visée plus grand public, qui lui va plutôt bien.

     Avec un Fabrice Luchini – plutôt bon et discret, du moins il n’écrase pas son personnage – en père endeuillé par la disparition d’un fils qui attendait, avec son compagnon (décédé lui aussi dans ce même accident) l’arrivée d’un enfant d’une mère porteuse installée en Belgique.

     Le film pose la question de la légitimité de ce grand-père « biologique » qui se voit bientôt en figure paternelle de substitution pour racheter son rôle chaotique de père. C’est assez touchant.

     Les deux femmes du film, Maud Wyler (sublime dans Deux automnes trois hivers, elle incarne ici la fille de Luchini) et Mara Taquin (merveilleuse dans Rien à foutre, elle incarne ici la mère porteuse) sont de très beaux personnages, deux superbes actrices.

     Bref c’est peut-être bien ce que j’ai vu de mieux de la part de Nicloux à ce jour (mais je mise beaucoup sur Le Poulpe ou Les confins du monde).

Une affaire privée – Guillaume Nicloux – 2002

31. Une affaire privée - Guillaume Nicloux - 2002Désenchantés.

   4.0   Guillaume Nicloux, pour moi, c’est un peu comme Fabrice du Welz, j’aime beaucoup les entendre parler de cinéma, je ressens la passion, mais leurs films me semblent tous plus ratés les uns que les autres quand j’y songe. Et pourtant je les suis, je continue de voir ou rattraper leurs films, je ne désespère pas car une fois encore, j’aime leur sincérité à l’ouvrage. Une affaire privée est sans doute le meilleur Nicloux vu à ce jour (mais il faut vraiment que je voie toute sa première partie de carrière) et pourtant je trouve le film assez raté dans l’ensemble. S’il fait illusion, je crois, c’est que le genre convient parfaitement à l’ambiance et l’écriture très flottante de son auteur. Évidemment il est loin d’Altman mais son histoire de privé a quelque chose de vénéneux, d’assez intriguant. Lhermitte est super dans le rôle de ce privé désabusé, anti-glamour. C’est pas toujours le cas de tout le monde dans le film, c’est déjà un problème – et pourtant y a du beau monde : Cotillard, Cornillac, Clément, Balibar, Le Bihan, Daroussin, Diefenthal, Todescini, Nahon, j’en oublie. L’autre souci, plus problématique, c’est la mise en scène de Nicloux, jamais cohérente, un peu trop instinctive, remplie de mouvements de caméra sans intérêt. Le film ne respire jamais. C’est sans doute voulu mais je trouve ça contre-productif dans le genre, qui requiert qu’on croie en ces lieux, ces personnages, afin qu’on y glisse nous aussi, au diapason du personnage.

La tour – Guillaume Nicloux – 2023

25. La tour - Guillaume Nicloux - 2023Le néant lui va si bien.

   3.0   Nicloux est un cinéaste atypique, indiscernable, un peu punk, à la fois très érudit (il y a toujours une volonté chez lui de convocation des maîtres, Antonioni, Van Sant, Rivette…) et très physique : Parmi le peu de films que j’ai vu de lui, j’ai toujours eu la sensation qu’il était intéressé par les corps dans l’image, rien de plus. Que ses films ne racontent rien d’autre que ça, notamment en utilisant des acteurs très identifiés : Depardieu, par trois fois, aura incarné le cinéma de Nicloux de façon très bizarre, un peu à part ; ça n’en faisait pas des bons films, loin s’en faut, mais il y avait cette matière-là malgré tout.

    La tour évacue complètement cette donnée. Il n’y a pour ainsi dire que des inconnus dedans. Premier problème, majeur, ils sont quasi tous très mauvais. Mais qu’importe, le gros du problème se situe ailleurs, ou partout : C’est Buñuel qui rencontre The Mist, de Frank Darabont et Les misérables de Ladj Ly, dans un film post confinement. Les quinze premières minutes sont prometteuses : On comprend qu’il n’y aura qu’un lieu, la tour d’une cité, qu’on en sortira pas puisqu’un épais brouillard d’acide noir encercle la barre HLM et que quiconque souhaite le traverser s’en trouve désintégré et disparait dans le néant.

     Mais le film se perd très vite, ne parvient pas à faire exister ni ce terrifiant néant, ni cette ambiance postapocalyptique, ni les lieux, ni les personnages, tentant de mêler dans un gigantesque gloubi-boulga tout ce qui peut arriver de pire dans un tel confinement et notamment les rapports entre les occupants, les communautés, de plus en plus absurdes et violents.

      Ce serait un premier film plein de promesses pour un étudiant en cinéma, je crois. Une curiosité à Gérardmer. Or c’est le quatorzième film de son auteur, c’est assez embarrassant de sentir à ce point les manquements, les ratés, l’amateurisme, dans chaque plan, chaque scène, à l’image de ces nombreuses ellipses (qui ne parviennent jamais à nous faire ressentir le temps passé, les jours, les semaines ou les années) marquées par des fondus au noir interminables.  

Thalasso – Guillaume Nicloux – 2019

10. Thalasso - Guillaume Nicloux - 2019Préparez vos peignoirs.

   2.5   Les présences de Michel Houellebecq et Gérard Depardieu suffisent à rendre l’expérience pas trop détestable : Il y a ici deux gueules, deux voix, deux silhouettes qui se télescopent, deux êtres complètement fascinants en peignoir blanc dans une thalasso de Cabourg. Ils font ce qu’ils peuvent pour résister et au régime draconien imposé. Ok, bien. Mais le film est beaucoup trop nul, quand même. Il ne raconte strictement rien et s’en tient à l’éventuelle magie insufflée par son duo d’acteurs. Nicloux c’est vraiment ce qu’il se fait de pire en France depuis quelques années. Tenu 30 minutes.

La religieuse – Guillaume Nicloux – 2013

11. La religieuse - Guillaume Nicloux - 2013Les (lourds) confins de la foi.

   3.0   C’est un type étrange ce Nicloux. Beaucoup d’ambition dans chacun des trois films que j’ai vus de lui, impossible de le nier, mais chaque fois il se vautre dans le ridicule. J’essaierai d’en voir d’autres et notamment ceux de sa première partie de carrière, je ne demande qu’à changer d’avis. En l’état, je trouve ça catastrophique. Toujours est-il qu’avant de faire son film antonionien, en clin d’œil à Pialat (Valley of love, avec Huppert & Gégé qui errent dans la vallée de la mort) et son film à la manière de Gus Van Sant (The end, avec Gégé perdu dans la forêt) le type avait choisi d’adapter Diderot, en passant après Rivette. Le mec a les couilles et le melon. La religieuse est sans aucun doute le moins mauvais des trois, le moins ridicule, mais c’est aussi le plus ennuyeux, puisqu’il est difficile de s’en moquer : Tout est si littéral, désincarné, sans aucune idée de mise en scène. Le film sortit la même semaine que le Camille Claudel de Dumont, il devait bien souffrir de la comparaison. Zéro souffle, tout se traduit sur la même mesure, sans aspérité, sans rebond, est-ce parce que Nicloux a peur de mal faire, impressionné qu’il est par le matériau d’origine ? Ou bien afin de le ripoliner pour les Césars – qu’il ne récoltera même pas ? Ou bien parce qu’il veut malgré lui en faire une pièce de théâtre, avec ces petits décors fabriqués et ces actrices qui en font tellement qu’on ne voit plus que des actrices, jamais des sœurs, jamais des bontés (Françoise Lebrun, très bien, malgré tout) ni des monstres (Louise Bourgoin, archi-raide, qui parle sans bouger les lèvres) ni des folles (Isabelle Huppert, qui s’essaie au personnage saphique mais on y croit pas une seconde) ? Bref le film se vit aux côtés de la jeune Pauline Etienne (qui est très bien) et au rythme des rencontres avec ces mères supérieures. Et c’est à l’image de ce qu’elles dégagent toutes les trois : C’est de pire en pire.

The end – Guillaume Nicloux – 2016

12. The end - Guillaume Nicloux - 2016Le néant.

   1.0   On est un cran au-dessus (dans la nullité) de Valley of love. Ou alors il faut être aveuglément amoureux de Gégé, surtout quand il répète et hurle « Yoshi », « merde », « putain », « putain de merde », « mon fusil ». Ça pourrait être intéressant en tant que film théorique sur Gérard Depardieu lui-même mais qu’est-ce que c’est chiant. Le prétexte Depardieu, son corps et son aura, est devenu un standard pour camoufler un manque d’idée et de mise en scène. J’avais aimé le film d’Abel Ferrara qui me semblait être le point d’orgue de ce genre de dispositif. Valley of love et son côté Loulou 30 ans plus tard c’était déjà le vide total. The End enfonce le (Ni)clou(x).

Valley of love – Guillaume Nicloux – 2015

4639068_7_d51b_isabelle-huppert-et-gerard-depardieu-dans-le_2c9f91199586c52a41b3e30e8b3539b5Boring valley.

   3.5   Il faut, je crois, avoir des étoiles dans les yeux chaque fois que ces deux dinosaures du cinéma français apparaissent dans le plan, pour être submergé par le film. Pour passer outre, en somme. Et même sans ça, qu’y a-t-il de Loulou là-dedans ? Je veux dire qu’il y avait sans doute une percée à créer là-dessus, mais Nicloux n’est pas Pialat. On a moins affaire à un film de fantômes qu’à un film sur deux acteurs incontournables, ceux d’aujourd’hui, dont finalement nous n’avons plus rien à faire. Alors on pourra toujours dire que les deux sont liés, puisqu’en un sens, ce sont devenus des fantômes. Mais il faut dans ce cas proposer des choses, que çà se libère, que ce soit plus indomptable que ce produit Van Sant raté et son beau morceau de Charles Ives repris en boucle. Tout semble archi mécanique, même les pseudos mystères égrenées sont forcés. Gérard joue Gérard, Isabelle joue Isabelle, la vallée de la mort, ok. Elle ne cesse de geindre contre son téléphone qui ne capte pas, lui ne fait que de se plaindre de la chaleur accablante. Il y aurait pu avoir quelque chose à faire avec l’exaspération, la transpiration. Mais tout parait là aussi très fabriqué, clignotant, racoleur. Ici d’étranges marques sur les jambes, puis sur les bras. Là, la mort qui prend forme humaine sur un terrain de tennis. De nombreuses séquences de chutes de pierres sur les dunes de sables, bref attention, il y a des fantômes partout. Pour mener à quoi ? Une simple retrouvaille – entre un couple (de cinéma) – en forme de souffrance partagée. L’idée m’attire mais le rendu est bien trop sage. Tous les ingrédients sont distillés sans accrocs (les acteurs, le lieu, la mise en abyme, la musique) pour faire un parfait film de fantômes pour lecteur du Figaro.


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silencio


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