Archives pour la catégorie Hong Sang-Soo

Oki’s Movie (Ok-hui-ui yeonghwa) – Hong Sang-Soo – 2011

oki2-2000x1125Fraicheur et solitudes.

   6.5   En sortant de Grass, je repensais beaucoup à Oki’s movie, un autre film d’Hong Sangsoo qui m’a peu marqué lorsque j’en ai fait sa découverte en salle, il y a de cela sept ans, mais auquel je repense régulièrement. C’est l’un de ceux (sur ces dix dernières années) auxquels je repense beaucoup, oui. La trame et le récit se sont grandement évaporés dans mon esprit mais j’en garde des images, des ambiances, des sensations. J’ai le souvenir d’une méditation existentielle en mouvement, en plusieurs actes, avec plusieurs personnages, ainsi que d’un film sur les acteurs, puisque chacun jouait différents rôles, en fonction  du chapitre, d’une nouvelle histoire, à moins qu’ils ne s’agissent de films dans le film. J’ai le souvenir d’un film énigmatique, où l’on se déplace énormément. J’ai le souvenir qu’il y faisait très froid, dans ce parc ( ?), sur ces chemins, que chaque personnage déambulait en anorak. De mémoire c’est la première fois que je voyais vraiment l’inspiration rohmérienne – Peut-être est-ce cela qui m’avait préalablement gêné, par ailleurs ? – dans le cinéma de Hong Sangsoo, que je ressentais la cohérence de cet aspect fort des courts réunis pour un long, comme on a pu le voir dans Les rendez-vous de Paris ou Quatre aventures de Reinette et Mirabelle, par exemple. J’aimerais beaucoup, beaucoup le revoir, je me rends compte.

Grass – Hong Sang-Soo – 2018

39. Grass - Hong Sang-Soo - 2018Terne petit café au bout de l’allée.

   5.0   Déception. Pas loin de penser que c’est le moins bon film de Hong Sangsoo depuis Les femmes de mes amis, sinon plus longtemps encore. Sorte de petit truc hyper fabriqué, hyper théorique, qui ne s’incarne jamais autrement que dans le plaisir de retrouver la patte du cinéaste dans un ensemble étriqué, rabougri, aussi terne que ces herbes dans les pots de fleurs, devant les cafés, dans lesquels on vient jeter ses mégots. J’aime le caractère spontané dans les films d’HSS, aussi bien les personnages que le film lui-même. Là je ne vois que son élaboration. J’ai l’impression de voir un documentaire sur la fabrication d’un film d’Hong Sangsoo, qui plus est au travers de ce personnage féminin, qui écoute les conversations de ses voisins de café et semble réécrire sur son ordinateur ce qu’elle entend. Alors en effet, c’est le quinzième Hong Sangsoo que je voie et si ça fonctionne par instants (comme une petite musique qui fonctionne, en somme) c’est en grande partie pour les échos à son œuvre entière. Il y a cette thématique nouvelle du suicide qui parcourt tout le film mais qui me semble traitée maladroitement et/ou survolée plus qu’autre chose. Et il y a des instants superflus voire carrément lourds à l’image de ce plan qui voit une femme monter et descendre un escalier et répéter le mouvement sans s’arrêter avec comme seule modification son visage, d’abord fermé qui progressivement s’illumine. Aucun intérêt. J’aime beaucoup tous les derniers films de l’auteur sud-coréen, enfin ceux que j’ai vu (Hill of freedom, Un jour avec un jour sans, Haewon et les hommes) il tourne tellement… Mais là ça ne fonctionne plus à mon goût, il a brisé quelque chose, un peu comme Rohmer quand il fait Perceval le gallois, je ne sais pas, j’ai du mal à mettre le doigt dessus, peut-être un manque d’enjeux général, à l’image de cette femme qui semble écrire sans finalité, à l’image de la neutralité de ce noir et blanc, la simplicité de son dispositif, qu’importe, ça m’a beaucoup ennuyé ça c’est sûr.

Haewon et les hommes (Nugu-ui ttal-do anin Haewon) – Hong Sangsoo – 2013

498158.jpg-r_1280_720-f_jpg-q_x-xxyxxFragile symphonie.

   6.5   Si les parties sont à priori moins distinctes que dans certains films chapitrés d’Hong Sangsoo, Haewon et les hommes ne déroge pas aux règles imposées par son cinéma : Une discussion ou une errance mènent systématiquement vers une autre discussion ou une autre errance. La voix off est celle de l’héroïne qui nous confie quelques pages de son journal intime. C’est quasi exclusivement une affaire de duos : Haewon et sa maman, d’abord – voire même une introduction Haewon et une célébrité (Jane Birkin) qui semble faire un peu trop écho à In another country, avec Isabelle Huppert – puis Haewon et son ancien amant (que l’on retrouvera plus tard) ou Haewon et un professeur rencontré par hasard.

     Très peu de lieux une fois encore, le style HSS est de plus en plus minimaliste, très doux autant qu’il laisse une sensation de tristesse infinie, dans ce parcours chaotique semé d’incertitude. On s’y promène beaucoup (Lors de très jolies scènes au fort de Namhan, notamment), on y boit allègrement, on y dort aussi – Haewon a cette manie de s’endormir un peu partout, au café, à la bibliothèque, renforçant ce climat de rêve cher au cinéma du sud-coréen et l’incertitude quant à savoir si certaines situations sont rêvées ou vécues.

     Dans sa démarche, son rire, son regard, sa nonchalance, sa force, son imprévisibilité, Jeong Eun‑Chae est une jeune actrice magnifique (Et c’est vrai qu’elle ressemble à Charlotte Gainsbourg) s’accaparant tout le film au point d’en dévorer les personnages secondaires qui apparaissent puis disparaissent du cadre autant que de notre mémoire, s’acclimatant idéalement à l’état d’esprit de la jeune femme, volatile, impulsif. Elle qui se laisse guider par ses échecs pour capter sa mélancolie et retrouver de son innocence.

     Si j’ai un reproche à faire au film, c’est cette crainte, qu’avec le temps, je le confonde avec d’autres HSS, tant il se différencie peu de sa petite musique désormais traditionnelle, à contrario des deux derniers HSS en date. Car il y a sensiblement les mêmes situations d’un film à l’autre, depuis quelques années, les petites répétitions au sein du récit se multiplient (lieu, discussion, objet, plan) et les variations sont de plus en plus infimes, invisibles, tout en continuant d’exister afin de tirer chaque film vers davantage de tendresse, d’onirisme, ou de tristesse. Haewon et les hommes est probablement plus doux-amer que les autres.

Un jour avec, un jour sans (Jigeumeun-matgo-geuttaeneun-tteullida) – Hong Sangsoo – 2016

12The We and the I.

   7.0   Il s’agissait de mon treizième rendez-vous avec l’univers du cinéaste coréen. Treize films, que du bon. Si j’ai manqué quelques uns de ses plus récents – Sunhi, Haewon et les hommes, Matins calmes à Séoul – car il faut dire que Hong n’a jamais été si prolifique, je m’y sens bien, en famille. C’est un cinéma que l’on reconnaît entre mille, tout en subtiles variations d’un film à l’autre. Celui-ci fait le lien parfait avec le précédent, Hill of freedom, en choisissant cette fois une ambiance hivernale. La construction, elle, a plus à voir avec La vierge mise à nu par ses prétendants, non loin d’Une sale histoire, de Jean Eustache : Deux parties de durée similaire, identiques dans leur approche, subissant d’infimes modifications, mais suffisamment significatives pour tout changer. Les répétitions coutumières habitent cette fois le cœur du film, coupé en deux morceaux, qui sont des miroirs déformés suivant les changements qui résident au sein de chacune. C’est comme si HSS avait voulu écrire une histoire de deux manières différentes. Il s’agit dans les deux cas d’une rencontre entre un homme et une femme, lui est un cinéaste (rien d’étonnant si l’on est familier du cinéma de HSS) tandis qu’elle tient un atelier de peinture. Dans la première partie, chacun porte son masque, les échanges sont brefs et désordonnés, jusque dans ce pathétique et stérile repas alcoolisé (On a rarement autant picolé dans un film de Hong Sangsoo, vraiment) qui ne débouche sur rien de probant sinon une vérité cachée qui annihile tout embryon de romance. Dans la seconde, le jeu de séduction est plus franc, donc plus rêche au premier abord. Ham critique les peintures pastel de Heejeong qu’il avait encensé une heure plus tôt ; Il admirait sa créativité tandis qu’elle manque dorénavant d’audace à ses yeux. C’est paradoxalement cette mise à nu des sentiments qui va leur permettre de s’ouvrir honnêtement l’un à l’autre. Si la première partie n’est donc pas facile à apprivoiser justement parce qu’elle manque d’envergure, cocasse et dramatique, lui campé dans une gentillesse lassante, elle dans une douceur effacée, la seconde rachète absolument toute cette apathie et pas seulement qu’au niveau du récit. En effet, le cinéaste change de nombreuses choses, se sépare de quelques scènes, en étire d’autres et plonge l’intégralité de son récit autour de cette relation, quand il ornait la première de séquences plus anodines (L’ouverture à la patinoire, la fermeture à la conférence). Une fois de plus chez Hong, la rencontre opère dans un laps de temps trop court. Ham est arrivé un jour trop tôt pour la présentation de son film, il se repose dans la cour d’un temple et voit apparaître littéralement (Heejeong surgit au détour d’un plan panoramique) la jeune femme, lui parle, l’invite à boire un café. Ses films sont souvent des petites choses en apparence, qui finissent systématiquement par devenir grandes.

Hill of freedom (Jayuui Eondeok) – Hong Sangsoo – 2015

50The day she arrives.

   7.0   Hong Sangsoo sort un film par an, quand ce n’est pas deux et chaque nouvelle sortie semble dialoguer intimement avec la précédente. D’infimes variations permettent à tous les coups au film de se libérer d’une quelconque emprise, de ne pas jouer la redite, de refuser de n’être qu’un maillon de la chaine.

     Hill of freedom me partage. D’une part car j’ai l’impression de voir le plus beau film de Hong Sangsoo depuis Woman on the beach (à nuancer cela dit puisque j’en ai raté quelques-uns : Sunhi, Haewon et les hommes, The day he arrives) et d’autre part car il souffre sérieusement d’être passé juste avant Cemetery of splendour et inéluctablement de s’être fait dévorer.

     Rarement un film de Hong Sangsoo ne m’aura paru si flou, flottant, ambigu comme s’il manquait des morceaux, comme s’il était inachevé. Sa faible durée de 1h06 y fait beaucoup. Le récit en lui-même ne trahit pas les habitudes du cinéaste : Errances dans un village, très peu de lieux, très peu de scènes, diverses rencontres, artiste looser, alcool et baise. En gros. On est bien chez Hong Sangsoo. Mais la construction s’avère étonnante.

     Mori, un jeune japonais, arrive à Séoul pour y retrouver une femme qu’il a aimée. Celle-ci étant absente, il l’attend, dans une chambre d’hôtes, fait des rencontres et écrit. Et ce sont ses mots qui vont guider le récit qui nous sera conté lorsque la jeune femme aura récupéré les lettres. Une astuce de scénario fait qu’elle ne les découvre pas dans l’ordre d’écriture donc nous non plus. Ainsi nous allons accepter le séjour de Mori comme il nous est raconté, de façon aléatoire.

     L’idée aurait seulement pu être un gimmick mais le cinéaste crée quelque chose d’assez terrible, de faussement léger. Il y perd son personnage dans une temporalité indistincte. Celui-ci lit en effet un ouvrage intitulé « Le temps » et il va croiser un chien qui se nomme « Rêve » et un bar/restaurant dont l’appellation énigmatique donne au film son titre.

     Mais surtout, certaines lettres sont oubliées ou perdues. En somme, il nous manque des éléments. Qu’importe finalement, puisque l’on tient là une pure logique de rêve (renforcé par un final absolument divin) où la retrouvaille importe moins que la quête, le voyage davantage que sa résolution.

In another country (Dareun Naraeseo) – Hong Sangsoo – 2012

08_-in-another-country-hong-sangsoo-2012Triple rêve.   

   6.0   Il est important d’évoquer les premiers instants du film, c’est à la fois ce qui traduit sa légèreté et ce qui lui apporte sa profondeur. Dans les films de Hong Sangsoo il y a souvent (toujours ?) au centre un artiste, écrivain ou cinéaste, plongé dans un doute existentiel ou créateur, qui compose en entrant en collision avec le monde. C’est une errance (Night and day), un dialogue (Ha ha ha), un vaudeville (Woman on the beach), la rencontre de solitudes (tous les autres. Tous, en fait). La particularité d’In another country qui apporte alors une rupture bienvenue, délicate pour ne pas sortir de l’univers du cinéaste coréen, intelligente pour dépareiller de ses récentes réalisations qui souffraient manifestement d’une certaine jouvence, c’est justement de ne pas donner suite à cette focalisation habituelle.

     Une adolescente et sa maman parlent de problèmes financiers, à table sur la terrasse d’un appartement, concernant un oncle apparemment malveillant. L’adolescente s’enferme ensuite dans une pièce et semble prendre le parti d’évacuer ce trouble intérieur en écrivant. Une feuille, un stylo, elle devient voix off et nous dit qu’elle va écrire trois histoires, trois scénarios, contant les aventures d’une française débarquée dans un village, non loin de Séoul. Ce qu’il adviendra de cette adolescente, nous n’en saurons plus rien puisque le film devient ces trois histoires qu’elle met en plume.

     C’est sans doute le film de Hong Sangsoo le plus enfantin, au sens ludique et mélancolique du terme, puisque ses films l’ont toujours été, dans les relations comme dans les quiproquos qu’il met en œuvre. Enfantin dans le traitement des personnages, cette manière qu’ils ont de compenser toute méprise par une générosité, forcée ou non. Cette manière qu’ils ont de se déplacer et de se parler – gestuelle comique du maître-nageur, démarche à l’ivresse montante, barrière de la langue, imitations d’animaux. Et enfantin dans cette manière de substituer la fiction à la réalité (le film dans le film) ainsi que dans ses enchevêtrements entre les trois nouvelles. C’est un film qui m’a rappelé mes écrits adolescents, ces petites fictions que j’écrivais et qui sans doute se rejoignaient les unes aux autres, via un objet, un personnage, une idée.

     In another country c’est chaque fois un personnage féminin au destin différent – d’abord cinéaste en vacance, puis femme adultère, puis femme délaissée – se prénommant Anne, qui pourrait tout aussi bien être une même personne à différents moments de sa vie. Mais le film a la double intelligence de ne pas faire de cette idée une organisation rigide, préférant s’ouvrir que de se cloisonner, il n’explique pas, laisse l’imagination se propager, et de ne pas tomber dans le film à sketches dans la mesure où il ne recrée pas chaque fois le décor dans lequel Anne va évoluer. Il est un peu modifié mais demeure familier. Ainsi, il met en scène trois rencontres avec le même homme, un maître-nageur, toutes similaires, toutes différentes les unes des autres. L’errance, la drôlerie et l’impasse. C’est un cœur qui s’ouvre. Non pas celui de Anne, ni celui de l’adolescente en train d’écrire, mais celui du cinéaste, qui cette fois a projeté tout ce qu’il a dans un miroir à double reflet et à triple entrée.

     Le film dans le film, le rêve dans le rêve, le rêve dans le film, Hong Sangsoo s’est amusé à partager un peu de lui, imbriquant ses questionnements existentiels dans une sorte de vaudeville irrésistible, non loin des Rendez-vous de Paris, mais en mieux, plus étincelants, plus étranges avec des percées fantastiques magnifiques via l’utilisation d’objets récurrentes – bouteille de soju cassée sur la plage que l’on observe dans le premier segment, que l’on jette dans le troisième ; parapluie caché sous un feuillage dans le second que l’on récupère dans le dernier. Le film est régulièrement parcouru de petites touches d’apparence anodine, un phare que l’on mime difficilement, un « lighthouse » que l’on n’arrive pas à faire comprendre, un tee shirt où est écrit « lifeguard », des chaussures, chaque fois différentes, des robes, chaque fois de couleur différente, une tente orange, un homme qui nage le crawl, une femme enceinte, une chevelure rousse en bataille, des baisers mystérieux, qu’il ne faut plus évoquer sans les oublier, qui sont accompagnés de petites baffes, qui sont masqués par une recherche de palourdes.

     C’est un film imprimé de petits éléments de scénario (une femme est en train d’écrire) et c’est filmé avec une douceur pré ou post estivale, on ne sait pas bien, que ça devient un doux rêve plein d’ambiguïté, où l’on ne sait plus très bien dans quoi on est plongé, un doux rêve sans limite, sans mécanique où l’on ouvre les parapluies alors que nous n’avons jamais l’impression qu’il pleut.

Ha ha ha – Hong Sangsoo – 2011

Ha ha ha - Hong Sangsoo - 2011 dans Hong Sang-Soo

Buvons un coup !   

   6.0   Toute la magie des films de Hong Sangsoo vient de leur trivialité. Ce sont des films qui n’ont l’air de rien et qui racontent tout. Des instants pris à la volée. Fluctuations des relations entre amis, en couple. Croisements impromptus. Digressions autour de la destinée de chacun. Moments d’intimité. Petits mensonges. Un brin d’absurdité, beaucoup de candeur. Et un soin apporté à la durée de la séquence. Le cinéma de Hong Sangsoo s’épure de plus en plus, les lieux reviennent fréquemment, le plan est généralement fixe, à peine latéral parfois, à peine zoomé, toujours en train de saisir la singularité de chaque situation. Tout est minutieusement cadré mais rien de cette minutie ne transparaît. Uniquement sa simplicité. Cette fois ci, le film n’est que l’évocation des souvenirs partagés de deux amis autour d’un verre. On boit toujours autant chez le cinéaste coréen, mais c’est la première fois que l’alcool est plus hors qu’en-champ. Chaque mini-histoire racontée – chacun leur tour – qui nous est proposé sans voix off, simplement comme la version intégrale du souvenir en question, est ponctuée de petits commentaires discrets et d’un récurrent ‘A la tienne’,’tchin’,’buvons !’. Et pourquoi pas quelque fois un certain Ha ha ha. Ce petit gadget cheap (noir et blanc, image immobile, voix off) n’est pas désagréable en soit mais n’a pas vraiment raison d’être. On aurait tout aussi bien pu les accompagner au départ et à l’arrivée que c’eut été aussi bien. Au lieu de cela, chaque séquence, même si c’est je pense voulu, répond à la précédente comme les cases d’une Bd et cette répétition lourde rend le film un peu long. Après c’est du Hong Sangsoo. Six personnages. Deux hommes, deux mémoires. Au centre de la même histoire tout en l’ignorant. Croisant les mêmes personnes, tout en l’ignorant. Un cinéaste et un critique de cinéma. La bonne humeur est à l’honneur. Les deux amis décident de se raconter uniquement les bons souvenirs. Même les plus difficiles, mais rétrospectivement bons, qui les ont fait grandir. C’est un film délicieux et une merveille de simplicité de mise en scène. Le délice d’un film friandise, qui se déguste allègrement à l’arrivée du printemps. Et un plaisir de balade géographique dans un petit patelin portuaire que l’on commence à connaître une fois que le film se termine. Je ne suis pas convaincu entièrement, surtout en ce qui concerne le ludisme du film, mais j’aime qu’il se pose là, en témoin de ce qu’il raconte comme d’une époque révolue, cela le rend très aérien, très mélancolique.

Les femmes de mes amis (Jal aljido motamyunseo) – Hong Sangsoo – 2010

Les femmes de mes amis (Jal aljido motamyunseo) - Hong Sangsoo - 2010 dans Hong Sang-Soo 3665640zpuyb

Parenthèse ?     

   5.0   Le cinéaste coréen n’a de cesse de se mettre en scène. Si ses films ne sont pas directement autobiographiques on se doute qu’en grande partie, tous ces aléas, ces rencontres, ces impromptus il les a plus ou moins vécu. Un moment dans le film une femme demande à notre personnage masculin pourquoi ses films sont comme lui, pourquoi il met sa propre vie en image. Le personnage, encore une fois alter ego de Hong Sangsoo répond qu’il ne voit pas comment il pourrait faire un film sur quelqu’un d’autre étant donné qu’il se connaît suffisamment mal lui-même. Dans chacun de ses films, principalement les derniers, Hong Sangsoo s’intéresse avant tout à un personnage central, cinéaste ou ayant un lien avec le cinéma, et à ses interactions avec des connaissances, récentes ou dans son passé, lointaines ou non. Ici nous sommes d’abord dans une ambiance de festival car Ku Kyung-Nam est choisi comme juré. Ce n’est pas tant le festival qui nous intéresse que les relations entre les différents jurés, réalisateurs ou acteurs. A partir de là, le personnage, qui découvre par la même occasion la ville de Jeochon, effectue diverses rencontres avec d’anciens amis, comme cet homme marié avec qui il y a huit ans ils avaient crées une boite de production avant de se brouiller et de ne plus se croiser, comme ce vieux professeur, son maître à penser dont il ne manquera pas de séduire sa jeune épouse. Les femmes de mes amis est un film masochiste sur le petit monde de l’artiste, vivant dans l’artifice et l’hypocrisie de ses semblables, se croyant respecté, en droit de séduire tout le monde, mais simple arriviste talentueux aux yeux des autres. Même si je trouvais Night and day un peu foutraque, sans doute trop long, il avait un charme assez nouveau, presque Godardien dans le cinéma du cinéaste coréen, sorte d’ovni dans sa filmographie. Woman on the beach était une belle confirmation de son talent, comme suite logique à Turning gate et La femme est l’avenir de l’homme. Les femmes de mes amis creuse une fois de plus le même sillon mais cette fois ci je trouve que la magie opère beaucoup moins, Hong Sangsoo, à force de radotage risque de se mordre la queue, et l’on entre difficilement dans son procédé transitionnel, certaines séquences ne se répondant pas aussi bien que dans d’autres de ses films. Bien entendu c’est toujours avec douceur et élégance que ses films opèrent mais ici j’en ressors très peu ému, pas vraiment grandi. Ou alors peut-être est-ce un film mineur dans sa filmo. Dans l’ambiance hypocrite de début de film avec éloges à gogo entre les membres du jury, un garçon avoue à Ku Kyung-Nam que ses films ont changé quelque chose en lui, qu’il a appris beaucoup, qu’il comprend mieux les gens désormais. Quelque part je ressens cela avec Hong Sangsoo. Mais pas du tout avec Les femmes de mes amis. Je n’en garderai probablement rien. Je préfère nettement revoir ses précédents films.

La femme est l’avenir de l’homme (Yeojaneun namjaui miraeda) – Hong Sangsoo – 2004

Kim Tae-woo, Seong Hyeon-a, Yu Ji-taeFragiles retrouvailles.    

   8.0   Comme dans Woman on the beach quelques années plus tard La femme est l’avenir de l’homme est un récit à trois personnages. Deux amis qui ne s’étaient pas vu depuis un bout de temps se retrouvent, s’échangent des banalités, parlent de leurs vies respectives. Bientôt ils parleront de Sunhwa. Une fille dont ils étaient éperdument amoureux il y a des années de ça. Ils partent à sa recherche tandis que les premières neiges sont tombées sur la Corée.

     Leurs retrouvailles ne sont pas anodines. La première chose qui frappe ce sont les différences de vie entre les deux amis. L’un a fondé une famille, vit dans une grande maison, enseigne la physique je crois. L’autre est un réalisateur de film – le cinéma toujours chez Hong Sangsoo – à l’affût, un électron libre qui voyage. C’est lui, d’ailleurs, qui vient jusque chez son ami. Il y a une volonté de montrer une opposition qui n’est pas conceptuelle, simplement elle permet de voir les divergences que le temps peut apporter. Cette petite scène de jalousie que l’un fait à l’autre sur un enlacement trop intime, juge t-il, que son ami a eu avec sa femme à leur dernière entrevue est une situation qui témoigne d’un bouleversement. Comme s’ils n’étaient plus vraiment sur la même longueur d’ondes.

     Il y a une déconstruction de récit à cet instant. Le cinéaste coréen nous demande alors de voir deux souvenirs. Celui de l’un et de l’autre, respectivement, avec Sunhwa. Puis le trio se reformera.

     C’est peut-être le film où le cinéaste parle le plus de lui, de ce qu’il juge essentiel dans les aspirations professionnelles. Quelque part, même s’il le fait avec beaucoup de douceur et d’empathie, il condamne un certain modèle de vie. Celui de l’homme marié, à qui tout semble réussir. Cette vie dépourvue de folie, qui le cloisonne et le pousse à remuer son passé (ce vieil ami, cette rencontre amoureuse). Cet ami réalisateur semble beaucoup plus comblé dans sa vie mouvementée, il semble plus ouvert, moins figé. Lorsque le trio se reforme, on s’en doutait, une attirance se reforme aussi. L’homme marié a tout organisé et il laisse à nouveau partir ses amis ensemble. Dans une dernière séquence complètement symptomatique des remords du personnage, il boit un verre avec ses étudiants. Il se fait sucer par l’une de ses élèves. Puis il restera là sous la neige, en pleine ville, s’apercevant qu’il est temps de rentrer à son doux foyer, retrouver sa femme et sa fille. Tandis que son ami, et la nouvelle Sunhwa se sont eux aussi séparés violemment, lui ayant découvert dans la nuit (ils l’ont passé tous trois ensemble, dans le même appartement) qu’elle était allée voir son ami sur le canapé. Je n’ai pas dormi de la nuit, dira t-il. Il s’éloignera. Elle restera là. Le temps d’une journée, d’une nuit le trio s’est reformé, les sentiments ont été décuplés. Le lendemain tout s’est à nouveau disloqué…

     Je ne sais pas si c’est le film de Hong Sangsoo que je préfère mais c’est sans nul doute celui qui me touche le plus. Je sais que ce genre d’histoires de retrouvailles, de remords, de sentiments forts enfouis pourrait très bien m’arrivé. Quelque part j’ai l’impression de ne voir que faiblesses ici. C’est ce qui me touche vraiment je crois, dans ces trois personnages.

Turning gate (Saenghwalui balgyeon) – Hong Sangsoo – 2004

Turning gate (Saenghwalui balgyeon) - Hong Sangsoo - 2004 dans Hong Sang-Soo turning_gateLes baisers de secours.

   7.5   Incroyable comme je me vois, comme je vois ma vie à travers les films de Hong Sangsoo. Je ne le répèterai jamais assez mais ces films me font le même effet que ceux de Rohmer. Les cadrages sont Rohmérien, la trivialité aussi, toutes ces histoires de coeur. Les rencontres. Les hasards. Turning Gate comme souvent chez Hong Sangsoo parle de cinéma et d’échec tout particulièrement. C’est un personnage à ce point désespéré qu’il est à un moment de sa vie, sorte de tournant, où il va faire des rencontres importantes, qui vont le guérir ou le détruire. Le cinéaste ne fait pas comme d’autres de ses compatriotes, ce n’est pas vraiment la mise en scène qui nous envoûte, nous caresse, ce sont les situations quotidiennes ou singulières, cette structure fragmentée, ces éléments qui paraissent anecdotiques, étirés majoritairement en plans fixes, ou presque, qui donne tant de vie, me font tant de bien. Il y a une vérité dans le cinéma du cinéaste coréen que je trouve absolument formidable. Ses films me font un bien fou. C’est somptueux d’un bout à l’autre, même si cette fin accompagné par Arvo Part est un peu abrupte, trop dure à mon sens.

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silencio


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