Le dernier désespoir.
4.0 Autant les deux précédents volets, appréciés ou non, m’avaient inspiré. Autant là, j’essaie d’écrire un petit quelque chose dessus depuis quelques semaines, en vain. Je crois que ça m’a fait ni chaud ni froid en fin de compte. J’admets ne pas avoir passé un moment désagréable mais j’ai déjà presque tout oublié. Problème : le peu que j’en retiens ce ne sont que les défauts. Je me demande si je ne préférais pas le précédent, finalement, qui certes n’avait pas l’allure d’un film ancré dans une trilogie mais qui au moins tentait des choses – qu’il ratait quasi systématiquement, c’est vrai, mais qu’importe, au moins ça nous évitait cette bouillie indigeste. Car Abrams veut clairement réparer les pots cassés et faire deux volets en un.
La facilité serait donc de penser que Rian Johnson avait déjà cassé le jouet. Tellement tout cassé (avec le huitième épisode, Les derniers Jedi) qu’Abrams ne parvient pas à recoller les morceaux aussi bien qu’il l’aurait souhaité ni aussi bien qu’ils n’avaient jeté de belles promesses (avec le septième épisode, Le réveil de la force) au préalable. Ça n’excuse pas tout. Trop de trucs sont rédhibitoires dans L’ascension de Skywalker pour que Les derniers Jedi soit unique coupable de cette déroute. Il en résulte un film qui s’occupe moins de boucler correctement les choses que de se mettre puérilement en guerre contre l’opus précédent et réconcilier les fans. En fait il y a trop de problèmes en amont.
En effet, qu’on apprécie ou non la ligne choisie par Abrams en ouverture de cette nouvelle trilogie, au moins il choisissait. De faire un tel film de fan boy qu’il refaisait A new hope. Soit. Restait plus qu’un Keschner pour enchainer sur un nouveau L’empire contre-attaque. Oui mais non. Que l’on pense que Rian Johnson soit un cinéaste intéressant ou non, d’accord, mais il n’avait pas sa place dans cette trilogie doudou. Une trilogie est un projet qui demande un minimum de cohésion, d’homogénéité – La prélogie avait au moins cela pour elle (entre autres énormes problèmes) puisque Lucas était seul à la barre. Il aurait mieux fallu offrir à Rian Johnson de faire un Rogue one, bref un épisode indépendant : Quelque part, c’est un cinéaste pas si éloigné de Gareth Edwards, qui était le candidat idéal. Ce sont des types qui ont besoin de liberté.
Bref je n’en veux pas à Rian Johnson mais à ceux qui l’ont choisi. En résulte une énième absurdité : Qu’Abrams récupère le projet, brise ce que son collègue a construit et ponde ce machin indigeste, ni fait ni à faire. Même l’aspect géopolitique cher à l’univers Star Wars a complétement disparu. Le film va beaucoup trop vite, en espérant qu’on n’y voit que du feu. Il y avait un truc à faire avec cette séquence des sables mouvants et du serpent. Et c’est bâclé, ridicule. Et tout est comme ça. A l’image de ce déluge de personnages qui meurent mais en fait non. C’est insupportable ça. Du coup je n’ai pas arrêté de penser à ce chef d’œuvre de dialogue d’OSS 117, Le Caire nid d’espions :
« Sidi JEFERSON ! -Hahahahaha JACK ! Jack ? - Bonsoir, Hubert. - Tu n’es pas mort ? - OSS 283 est mort. - Oui mais toi tu n’es pas mort ? - Bah non. - Jamais je n’aurais pu imaginer que tu étais encore vivant. D’ailleurs je pensais que tu étais mort. - Je me suis fait passer pour mort. - ô mon dieu »Véridique. Quand t’en vient à penser à une comédie parodique ce n’est pas bon signe. Dans L’ascension de Skywalker, les personnages meurent en permanence – ou bien on croit qu’ils meurent – puis ils réapparaissent. On ne s’inquiète plus jamais pour eux. Du coup, quand ils meurent vraiment, on s’en fou – Cf Leia. C’est dommage car la mort d’Han Solo dans Le réveil de la force était très réussie. Ça laissait des traces.
Ici, Chewie explose dans un vaisseau, mais en fait non. Rosie explose avec sa planète, mais en fait non. Palpatine était mort mais en fait non. C3PO perd la mémoire mais en fait non. C’est un film « mais en fait, non ». Ceci étant c’était écrit dans l’intro sacrée, sur ce texte défilant jaune « Les morts parlent (…) » On était prévenu. Faire revenir Dark Sidious, pourquoi pas ? De toute façon il fallait pallier à la mort de Snoke. Que l’on retrouve, en guise de remplaçant de fortune, le grand méchant de la première trilogie en dit long sur les intentions de cet opus, in fine : Il faut redorer le blason, aller à la pêche aux aficionados, quitte à œuvrer sur la corde sensible. C’est donc aussi le moment adéquat de ressortir Lando Calrissian de derrière les fagots pour… Rien. Il ne sert à rien, c’est une plante. Billy Dee Williams est super content d’être là, il a le sourire greffé sur le visage, mais il est venu pour rien. Comme nous.
Les derniers Jedi c’était clairement raté, certes, mais au moins il y avait des tentatives. Là on se contente de faire du fan service, on n’ose plus rien. Le retour de Palpatine est l’un des trucs les plus mal narrés de l’histoire des retours de méchants au cinéma. Quant à Rey, dès que ses origines sont dévoilées, les enjeux s’évaporent. Et notre intérêt avec. Tellement que la mort de Leia nous indiffère. Tellement que les réapparitions spectrales d’Han Solo & Luke font plus de peine qu’autre chose. J’ai l’impression d’un non-lieu. D’une trilogie complètement inutile, désuète avant de vieillir. C’est triste.